POLITIQUE Le PCF a cent ans : « le message communiste est toujours d’actualité »
Né le 30 décembre 1920 au congrès de Tours, le Parti communiste français (PCF) a cent ans aujourd’hui.
Pour marquer le coup, le PCF gardois organise ce mercredi une soirée anniversaire en visioconférence. L’occasion de célébrer le centenaire d’un parti politique fondé sur les décombres de la Première guerre mondiale. L’occasion aussi d’évoquer l’histoire, le bilan et l’avenir d’un parti singulier avec son secrétaire départemental Vincent Bouget. Interview.
Objectif Gard : Comment se porte ce centenaire qu’est désormais le PCF ? Est-il fringuant, fatigué ou sénile ?
Vincent Bouget : Il est à l’image de la société et de la Gauche, à la fois en difficulté car aujourd’hui nous avons du mal à montrer d’autres voies possibles d’organisation sociale, et en même temps il est résistant. Certains annoncent souvent la mort du PCF, or il est toujours présent, je pense que l’idée communiste traverse les siècles, qu’elle existera toujours. Après, les autres partis, y compris les nouveaux, ne sont pas très fringuants non plus… Le PCF est en reconstruction, en renouvellement, avec un affaiblissement certain mais aussi de nouveaux qui arrivent, de nouveaux travaux et beaucoup d’espoir. Donc il est des fois fatigué, mais aussi très actif et fringuant.
Que reste-t-il des combats originels du PCF ?
Il en reste une mémoire dans la société. Elle est plus ou moins marquée selon les endroits, mais les combats du PCF, menés aussi avec d’autres, font partie de l’histoire commune. L’histoire du PCF se confond avec celle de la République au XXe siècle et au début du XXIe. Il reste toujours cette aspiration révolutionnaire, et peut-être son apport le plus important, la volonté de considérer ceux qui sont déconsidérés dans la société, les petits, les sans-grade, comme les autres.
Que retenir de cent ans de PCF ? La Sécurité sociale ?
Il y a d’abord le Front populaire, puis la Résistance, la part du PCF y a été essentielle, et au sortir de la guerre effectivement la création de la Sécurité sociale, qui est un dispositif littéralement communiste. Aujourd’hui, tout le monde a sa carte Vitale. Il y a aussi eu les luttes anti-coloniales, la participation au mouvement féministe, il ne faut pas oublier que les premières députées étaient des communistes. Il reste aussi la solidarité internationale, avec les grandes campagnes pour la libération de Mandela, plus récemment la critique sur l’évolution de l’Union européenne avec le « non » au référendum de 2005. Localement il y a eu la grande grève des mineurs du bassin alésien. Le PCF c’est aussi une forme de sociabilité, avec des grandes fêtes populaires, la fête de l’Huma ou celle de Lézan, et une place importante faite à la culture. Nous avons toujours essayé de mêler la politique, la culture et l’aspect fraternel. Le Prolé, qui est géré par des communistes, c’est aussi cette image-là, d’un parti ouvert, qui veut être pleinement dans la société.
« Nous nous inscrivons dans le temps long, pas dans les ambitions personnelles »
Et localement ? Le PCF a longtemps administré Nîmes, Alès ou encore Beaucaire, qu’en reste-t-il ?
C’était une époque où gérer une commune était autre chose qu’être simplement un maire « bâtisseur ». Il y a eu dans ces villes une activité culturelle et sociale essentielle, je pense à la construction à Nîmes du centre Pablo-Neruda, qui mélange sport, culture et vie associative, et qui a permis aux gens de vivre mieux. Il y avait peut-être plus d’humilité dans les constructions, mais on s’intéressait plus à la manière dont les gens vivaient.
Les dernières années n’ont pas forcément été fastes pour le PCF, en national comme en local. Comment gagner de nouveau ? La solution est-elle toujours l’alliance à Gauche ?
Il y a des élections plus favorables que d’autres. Nous sommes plus reconnus sur notre utilité locale. La reconquête passe par un projet ambitieux, un chemin pas uniquement programmatique, mais une voie pour travailler sur l’émancipation par rapport aux dominations. C’est une volonté de sortir du système capitaliste, un rassemblement sur un contenu transformateur, pas un alignement de logos. On l’a vu aux dernières municipales (à Nîmes, où Vincent Bouget était tête de liste, ndlr), on était isolés politiquement, mais on a réussi à rassembler pas mal de gens car nous étions dans la clarté, nous portions quelque chose de véritablement transformateur. Nous avons encore sur Nîmes 400 cotisants. On n’a pas peur d’être minoritaire à un moment donné, nous nous inscrivons dans le temps long, pas dans les ambitions personnelles.
Pour autant, il faut bien faire évoluer le corpus idéologique du parti. Par exemple, en passant du productivisme à l’écologisme ?
Mais nous avons abandonné le productivisme dans les années 1970 ! Dans les textes de congrès, cette question n’existe plus depuis quarante ans, comme nous avons abandonné la dictature du prolétariat. Il y a déjà eu un renouvellement idéologique, et en relisant Marx, on voit qu’il dit que le capitalisme épuise l’Homme et la nature. Et il le dit au XIXe siècle. Nous pensons qu’on ne peut pas faire de l’écologie si on ne remet pas en cause le système capitaliste en lui-même, la course au profit permanente. Nous avons des pionniers, comme Édouard Chaulet à Barjac, un maire communiste qui a réinstallé des agriculteurs et monté une cantine bio. Et nous défendons le train, le mode de transport le plus écolo qui soit, avec le vice-président de la Région Jean-Luc Gibelin. Le logiciel évolue, il y a des débats en interne. J’aspire à ce que ce parti, malgré ses lourdeurs d’un vieil appareil mais qui a aussi beaucoup de vie, soit le creuset de toutes les idées transformatrices. La boussole c’est dépasser le système capitaliste et toutes les dominations, notamment racistes et néo-impérialistes. Le message communiste est toujours d’actualité, je ne me sens pas à contretemps du sens de l’histoire.
Le PCF sera-t-il toujours là dans cent ans ?
En tout cas, l’idée communiste sera toujours là. Sous quelle forme, je ne sais pas, mais nous avons placé ce centenaire sous le signe de l’avenir.
Propos recueillis par Thierry Allard