CULTURE Les Arlésiens choisissent Lucien Clergue

Lucien Clergue, nus sulfureux
- Photo Yannick PonsJusqu’au 30 mars, le musée Réattu propose au visiteur de regarder l'œuvre de Lucien Clergue à travers les yeux d'une vingtaine de personnalités arlésiennes. Autour de Picasso ou Schneider, la Camargue secrète du photographe est mise à nu.
Ami de Picasso, dont la photo trône au centre d’une pièce du musée aux côtés de Romy Schneider spectatrice d’une corrida dans les arènes, le photographe livre sa Camargue secrète, poétique, magnifique ou cruelle. Les chaumes de riz, un étang endormi, la beauté des roseaux, les craquelures du sol, les habitants de la Camargue, stars, gitans et femmes nues. Et puis cette « photo d’un chat mort, on voit ses yeux révulsés, on peut même sentir son odeur », s’émeut Valérie, surveillante du musée qui sait guider le visiteur avec passion.
« C'est un universitaire qui a choisi la photo du chat mort. Et une éleveuse de taureaux a choisi celle d’une femme nue, il s’agit en fait de sa propre mère. »
Le commissaire de l’exposition Andy Neyrotti
Arles à nu
Le créateur des Rencontres photographiques d’Arles en 1968 a marqué les esprits des arlésiens avec ses clichés artistiques. Si ce sont ses nus de femmes torrides, sensuels, organiques, ces portraits sans visage qui ont suscité la fascination dans le monde entier, au-delà de la Camargue, c’est tout un territoire que Clergue immortalise en argentique sur papier.
Bio
Né à Arles en 1934, Lucien Clergue est un photographe disparu en 2014, il n'a cessé de documenter sa région natale, ses vestiges, sa tradition de tauromachie, ses populations gitanes. Il a été admis à l'Académie des Beaux-Arts en 2006, une première historique pour un photographe.
Jusqu’au 30 mars, le musée Réattu propose au visiteur de regarder l'œuvre de Lucien Clergue à travers un plus grand angle, celui du public ! Ainsi, une vingtaine de personnalités, arlésiennes de naissance ou d’attache, issues du monde de la culture ou du commerce, artistes ou artisans, a accepté de répondre à une question simple : si vous ne deviez retenir qu’une seule image dans l’œuvre de Lucien Clergue, laquelle serait-elle ?
À l’aveugle, au souvenir, les participants ont ainsi choisi chacun une photographie et exprimé, avec leurs propres mots, les raisons pour lesquelles elle résonne avec leur vécu personnel, leurs souvenirs et leurs goûts artistiques. Le commissaire de l’exposition a donc demandé à ceux-là de se souvenir d’une photo. « Certains possédaient la photo dans leur salon. Ce n’est pas un discours scientifique, mais émotionnel. Un angle de vue personnel et non professionnel », raconte Andy Neyrotti.
« 1955, Lucien a 21 ans. C’est l’année du chat échoué aux yeux de poisson mort. Avec un poitrail et des coussinets, offerts au ciel, un pelage lustré par l’eau, des yeux laiteux et aveugles, cette charogne-là dit sans détour : c’est fini. »
Corinne Rondeau, maître de conférence à l’université de Nîmes.
Cliché qu’il est allé chercher dans les archives de l’atelier de l’artiste, dans son ancienne maison, gérée par Anne, la fille du photographe. Alors que le musée possède un fond de 300 tirages, aucun n’a été choisi par les Arlésiens. Un texte écrit par qui accompagne chaque photo sur les murs du musée et la plupart des tirages vintage (d’époque) et tous sont en argentique.
Les photos choisies sont souvent reliées à la fonction des Arlésiens choisisseurs, explique Andy Neyrotti : « C'est un universitaire qui a choisi la photo du chat mort. Et une éleveuse de taureaux a choisi celle d’une femme nue, il s’agit en fait de sa propre mère. »
Au sein de l'écrin sublime du musée Réattu, à voir absolument !