FAIT DU JOUR Chez des locataires du quartier des Escanaux, à Bagnols, la colère gronde
Le 26 juin dernier, une délégation de locataires du quartier des Escanaux, à Bagnols, s’invitait à la séance du conseil municipal. Dans leurs propos, de la colère face à « des problèmes d’insécurité, l’abandon des locataires, les conditions de vie qui depuis des années se dégradent, ainsi que l’abandon de l’entretien des bâtiments », lancera leur porte-parole Alain Beauvais, venu avec une pétition barrée de 177 signatures.
« Il y a de gros griefs contre les bailleurs sociaux, il faut que les choses bougent », leur répondra le maire Jean-Yves Chapelet en évoquant notamment le cas de la tour F, dite tour des nuages, qui tient son nom des motifs de ses façades. Dans cette tour de quatorze étages, au printemps dernier, à deux reprises en peu de temps le système de désenfumage, le « skydome », une trappe sur le toit censée s’ouvrir en cas d’incendie, n’a pas fonctionné. Une fois lors d’un incendie, et une deuxième fois lors d’une fuite de gaz. Lors de l’incendie, dans la soirée du 8 mai, cinq personnes ont été incommodées par les fumées, et trois d’entre elles ont dû être conduites au centre hospitalier pour des examens de contrôle.
« Plus qu’un doute sur l’entretien régulier des bâtiments »
Pour Alain Beauvais, président du Comité de locataires droit au logement de Bagnols, ce cas, qui a fait courir « des risques graves », illustre un manque d’entretien des immeubles des Escanaux par le bailleur social Habitat du Gard. « Nous avons plus qu’un doute sur l’entretien régulier des bâtiments », souffle-t-il depuis son appartement du dernier étage d’un immeuble des Escanaux. Ce jour-là, il fait plus de 30°C dehors, et autant dedans. « Les appartements sont des passoires thermiques, les gaines d’aération mécaniques sont toutes en panne, les aérateurs des appartements ne fonctionnent plus et Habitat du Gard nous dit que c’est à nous de les changer », affirme Alain Beauvais, qui résume d’un : « De toute façon, Habitat du Gard aura toujours raison, et les locataires toujours tort. » Le président de l’association dénonce aussi « un manque de communication » du bailleur social.
Informé du passage d’un technicien censé réaliser les Diagnostics de performance énergétique (DPE), Alain Beauvais affirme ne l’avoir « jamais vu », pas plus dans son immeuble que dans les autres. Alors il l’affirme, « leurs DPE sont bidons. » Globalement, « les appartements sont désastreux », dit-il, en montrant les traces de plusieurs fuites sur le plafond et les murs de son logement. « Quand il y a des grosses pluies, la seule pièce où l’eau ne coule pas, c’est le salon », dit-il, avant d’affirmer que le bailleur a fait venir un prestataire pour détecter les fuites, sans succès.
Puis il montre un diagnostic réalisé par l’Unité habitat indigne du Service habitat et construction de la Direction départementale des territoires et de la mer concernant un appartement voisin du sien. Il y est relevé des problèmes d’humidité, une aération inopérante ou encore une infestation par des blattes, des problèmes que le bailleur doit régler. Charge au locataire de nettoyer les grilles d’aération naturelle de la salle de bain et des WC. Reste que le verdict du diagnostic est sans appel : à l’affirmation « Le logement répond aux normes de décence », il est répondu, en lettres capitales, « NON ».
Cet appartement est-il un cas isolé ? « Il est aussi pourri que tous les autres », affirme Alain Beauvais, convaincu que « Habitat du Gard ne veut plus investir dans les appartements », notamment dans la tour des nuages, qui serait promise à la démolition dans la suite du programme de rénovation urbaine des Escanaux.
Habitat du Gard se défend
Contacté, Habitat du Gard nous a fait savoir que, concernant le « Skydome » de la tour des nuages, « le système a été vandalisé deux fois et réparé deux fois, il a été signalé vandalisé le 9 avril, réparé le 16 avril puis vandalisé à nouveau dans la foulée et de nouveau réparé rapidement. » Globalement, le bailleur social du Département affirme que les immeubles des Escanaux, tour des nuages y compris, sont « au-delà des normes » en termes de risque incendie.
Concernant l’entretien des résidences, « tous les bâtiments sont anciens, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas eu de travaux, il y a eu des réhabilitations aux Escanaux en 2009 », poursuit Habitat du Gard. Des logements sur lesquels « une campagne est en cours pour refaire tous les DPE, nous en sommes à 8 000 sur tout le Gard, affirme Habitat du Gard. C’est très long, et il faut que le locataire soit là et ouvre la porte. » D’une manière générale, « les performances énergétiques des bâtiments sont celles du moment de la construction, et pour une tour comme celle des nuages, une isolation par l’extérieur représente des budgets colossaux », développe le bailleur. Des travaux qui ne seraient de toute façon pas effectués sur la tour si d’aventure elle devait intégrer la prochaine tranche de la rénovation urbaine des Escanaux.
Isoler une tour coûte donc plusieurs millions d’euros, sachant que « les seules ressources d’un bailleur social, hors de l’emprunt, ce sont les loyers des locataires, et comme ces loyers sont plafonnés, ce qui est normal, ces ressources sont limitées », rappelle Habitat du Gard. Sachant que les bailleurs sociaux font aussi face à « des objectifs de production de logements et d’amélioration de l’existant avec des normes environnementales de plus en plus contraignantes », avec des ressources qui se sont réduites du fait de la Réduction de loyer de solidarité décidée par l’État en 2018, « une baisse des APL compensée par une baisse des loyers des logements sociaux qui fait que le locataire paie pareil, mais c’est 5 à 6 millions d’euros en moins par an de rentrées pour nous, pose Habitat du Gard. Les locataires ne l’ont pas vu sur leur quittance, mais ils le voient sur la capacité du bailleur à faire des travaux. »
Enfin, sur le cas de l’appartement ne répondant pas aux normes de décence, Habitat du Gard fait savoir que « la DDTM s’est rendue sur place fin novembre pour constater que nous avions fait le nécessaire », et un courrier des services de l’État atteste que le dossier a été clôturé en décembre dernier, « les travaux ayant permis de rendre ce logement décent », écrivent-ils.
Reste le « manque de communication » dénoncé par l’association bagnolaise, ouvertement en conflit avec Habitat du Gard, accusé par Alain Beauvais d’être « dans le mensonge sur tout ». Une accusation que renvoie le bailleur social, « depuis que (l’association) nous a accusé de la mort d’une locataire bien vivante ». Toutefois Habitat du Gard l’affirme : « Nous avons des représentants des locataires et nous communiquons avec eux. »