FAIT DU SOIR Face à des marchés « complexes et opaques », les vins de la vallée du Rhône s’adaptent

Le président d'Inter Rhône Philippe Pellaton, entouré de celui de l'UMVR Samuel Montgermont et de celui du Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône Damien Gilles, ce matin à Avignon
- Thierry Allard« Les marchés sont difficiles à analyser », pose d’emblée le président de l’interprofession de la vallée du Rhône Inter Rhône, Philippe Pellaton, mardi lors de la conférence de presse annuelle sur la situation économique de la vallée. Le vin se trouve dans un contexte de crise, avec une déconsommation de plus en plus marquée, notamment en France, doublé d’incertitudes à l’export, avec les menaces brandies par Donald Trump.
La situation est « complexe et opaque », résume Philippe Pellaton. Car si l’interprofession a vu venir de loin la baisse de la consommation de vin en France, notamment du vin rouge, le coeur de métier de la vallée du Rhône, elle a moins anticipé la dégradation du contexte à l’export. Ainsi, si en sortie de covid Inter Rhône avait misé sur l’export, avec « un plan très agressif de promotion », rappelle son président, désormais le rapport de force s’inverse et l’interprofession remet plus de billes sur le marché intérieur. Le tout doublé d’une prudence dans les investissements, notamment en communication, en attendant des jours meilleurs, « dans l’attente du réveil de ces marchés », commente le Laudunois.
En 2024, les vins de la vallée du Rhône ont enregistré une baisse de 7 % des ventes en sorties de chais, « même si depuis le début de l’année on a une hausse, on retrouve une certaine dynamique, il ne faudrait pas que les derniers chamboulements internationaux ne la remettent en cause », avance le président du Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône, le Spiripontain Damien Gilles. Tous les regards se portent outre-Atlantique, et plus précisément du côté de la Maison Blanche, où Donald Trump menace de taxer à 200 % les vins français.
L’épée de Damoclès américaine
« Nous sommes suspendus comme des marionnettes à Donald Trump, s’il met en place les taxes qu’il a annoncées, ce serait l’arrêt pur et simple de l’export aux États-Unis », prévient Samuel Montgermont, président de l’UMVR, l’Union des maisons de vins du Rhône, représentant du négoce. Ce serait un coup très dur pour les vins de la vallée du Rhône, qui sont « dans l’obligation de performer à l’export compte tenu de la déconsommation en France », rappelle-t-il. Si, en volumes, le marché US se classe 3e derrière la Belgique et le Royaume-Uni, il reste le premier en valeur, avec 98 millions d’euros, devant le Royaume-Uni et la Belgique. Et si d’autres marchés comme l’Australie ou la Corée-du-Sud, progressent, « ça reste des petits volumes », précise le représentant du négoce. Pas de quoi compenser, donc.
À cela s’ajoute « un tassement inquiétant en Asie, ce sont des marchés très difficiles à comprendre dans leur fonctionnement », poursuit Samuel Montgermont. Ainsi, la Chine s’effondre (-36 % en volumes et en valeur en 2024), comme le Japon (-23 % en volumes et -26 % en valeur), alors que ces marchés étaient vus comme de potentiels eldorados pour les vins français il y a de de cela quelques années à peine. Bref, tout ça « ne permet pas d’avoir une lecture très stable pour l’avenir », résume Samuel Montgermont. Surtout alors que les accords de libre-échange, comme le Mercosur, ne sont plus en odeur de sainteté. Samuel Montgermont prend aussi l’exemple de l’Inde, avec qui aucun traité ne régit le marché intérieur du vin, « où nous avons encore 400 % de droits de douane. »
Sur le marché français, l’interprofession a désormais acté que la déconsommation était un fait « sociétal », selon le terme employé par le président de l’UMVR. Dans ce contexte, les vins de la vallée du Rhône s’en tirent moins mal que les autres, comme dans la grande distribution, où le recul des ventes est de 3 % en 2024, alors que celui des vins tranquilles dans leur ensemble est autour de 9 %.
Plus de blanc
Dans ce contexte, l’idée est d’adapter la production, tant en volumes qu’en types de vins. Un mot revient dans la bouche de Philippe Pellaton : « agilité », pour coller aux attentes du marché. Le vin blanc résiste mieux que le rouge ? L’interprofession pousse pour augmenter sa production dans la vallée du Rhône, avec « un objectif à 300 000 hectolitres à horizon 2030 », rappelle Philippe Pellaton. Pour autant, pas question de « se blanchir complètement », rajoute-il.
Il faut de toute façon rapporter ces 300 000 hectolitres visés aux 2,1 millions d’hectolitres produits sur l’appellation en 2024, ce qui en fait encore et toujours le deuxième vignoble de France après Bordeaux. Et encore il s’agissait d’une petite année en production, « une des plus petites récoltes depuis 40 ans », affirme Damien Gilles, la faute à une météo trop humide qui a favorisé les maladies de la vigne. Reste que, pour produire plus de blanc, les appellations Vinsobres et Rasteau, dont l’AOC ne concerne que le rouge, ont déposé un dossier pour l’élargir au blanc, reflet « d’une envie de nos appellations d’aller sur ce terrain du blanc », commente Philippe Pellaton.
Inter Rhône compte aussi communiquer plus vers le grand public, et miser sur l’œnotourisme, même si « c’est quelque chose d’encore assez impalpable, nous n’avons pas de donnée sur ce que ça pèse réellement », admet Philippe Pellaton. Pas de quoi dissuader Inter Rhône d’y « accorder encore un peu plus de budget », poursuit-il, pour déployer une offre plus axée sur les expériences que sur les simples visites au caveau.
L’interprofession travaille aussi sur le respect de l’environnement, notamment sur le couvert végétal ou encore le poids des bouteilles, et participe à un projet national sur l’adaptation de la vigne au changement climatique, plus spécifiquement sur la hausse des températures et la sécheresse. « Il nous faut innover pour rester », résume Philippe Pellaton, alors que l’Institut Rhodanien, qui fait dans la recherche, planche sur des cépages plus résistants.
Moins d’alcool, plus de bulles
Encore faudra-t-il toujours arriver à vendre du vin. Alors pour les rouges, qui représentent 75 % de la production, l’interprofession travaille à « des profils de vins rouges légers », avance Philippe Pellaton, « un profil plus axé sur la consommation festive, plus léger, plus fruité, certainement servi frais », précise Damien Gilles. L’idée est d’aller chercher de nouveaux consommateurs avec ce produit d’appel, qui pourrait être commercialisé dès 2026 ou 2027.
Avec moins de degrés d’alcool : si la piste du vin sans alcool semble morte-née, car les AOC se sont positionnées contre, « un vin avec un degré d’alcool ajusté, plus maîtrisé, c’est plutôt là-dessus que nous allons travailler. Un vin à 9 ou 10° serait mieux perçu par le consommateur », estime Damien Gilles. Une nouvelle technique de diminution du degré d’alcool, cette fois sur le moût en fermentation, pourrait être expérimentée sur les appellations Ventoux et Luberon, si leurs demandes sont retenues. Il ne sera de toute façon pas possible de descendre sous les 8,5°, limite fixée par les AOC.
Autre piste : l’effervescent. Hors Clairette de Die et quelques petites productions, « nous sommes absents de ce marché, constate Philippe Pellaton. Nous n’avons pas d’historique là-dessus, mais nous allons travailler avec le Diois pour définir un profil des effervescents rhodaniens pour commencer à prendre la parole sur ce segment qui marche pas trop mal, ne pas s’en occuper nous semblait être une erreur. » De toute façon, résume Samuel Montgermont, « l’enjeu sera aussi notre capacité à nous renouveler, avoir l’esprit créatif, nous sommes dans l’obligation de créer de nouveaux marchés. »
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