Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 11.09.2024 - François Desmeures - 6 min  - vu 1711 fois

FAIT DU JOUR La station Alti Aigoual attend novembre, en espérant des indemnités pour lancer une nouvelle année

Le ski, de plus en plus rare sur le massif de l'Aigoual

- Élodie Boschet

Samedi 14 septembre, un rassemblement intitulé Marche des Cévenols, organisé par l'association AveCévennes, descendra de la station de Prat-Peyrot au col de la Serreyrède pour défendre l'assouplissement des règles dans la zone coeur du Parc national des Cévennes, afin qu'Alti Aigoual puisse développer ses activités quatre saisons. De son côté, Alti Aigoual espère aussi une compensation des travaux non menés par la communauté de communes pour maintenir son activité. Sinon, novembre n'aura pas de lendemain. 

Le ski, de plus en plus rare sur le massif de l'Aigoual • Élodie Boschet

Au printemps, il y eut l'épisode du dépôt de bilan acté en conseil communautaire... qui n'a finalement pas eu lieu (relire ici). La saison s'est poursuivie à Alti Aigoual, avec quelques jours de neige et une fermeture du "chalet" de Prat-Peyrot pour non-conformité. La station connaît aussi des difficultés de personnel, entre soucis de santé, difficultés à embaucher quand une partie du salaire passe dans l'essence et problème de ruissellement en cuisine au restaurant de l'Observatoire. 

Mais s'il n'y avait que cela, les délégataires dormiraient sans doute plus tranquillement. "On a une dette exigible à court terme de 50 000 € - le montant de l'assurance - et 400 000 € de dette étalée", explique le porte-parole d'Alti Aigoual, Denis Boissière. Avant de lister les nombreuses péripéties auxquelles la station a dû faire face depuis 2019. Tandis que les deux hivers précédents avaient apporté de niveaux de neige importants, 2019 "a été l'hiver le plus chaud depuis bien longtemps. En 2020, il y a eu de la neige et du froid. Mais interdiction d'ouvrir les remontées pour cause de Covid." En 2021, les canons à neige ont explosé, puis les chutes de neige ont été tardives sur les deux dernières années. 

À côté de ses manques à gagner importants, des dépenses imprévues ont surgi. À commencer par l'explosion des coûts de l'énergie, "on a mis des dizaines de milliers d'euros sur la chaudière à mazout et ç'aurait dû être à la charge des propriétaires", plaide Denis Boissière. Les tarifs électriques ont explosé, jusqu'à ce que la communauté de communes négocie un alignement sur le prix du SMEG (syndicat mixte d'électricité du Gard). "Par exemple, en novembre 2022, on a eu une facture de 14 600 € alors que la station était fermée ! Puis, de 21 500 € en décembre." Soit plus de 35 000 € partis en fumée. Le tarif électrique avait subi une hausse de... 800 %. 

"Seule une année sur trois est mauvaise. De la neige, il y en a. Elle tombe juste au mauvais moment !"

Denis Boissière, porte-parole de la station Alti Aigoual

Pour Denis Boissière, il y a encore matière à poursuivre l'activité hivernale. "Seule une année sur trois est mauvaise. De la neige, il y en a. Elle tombe juste au mauvais moment." Le porte-parole de la station vante le fait que les canons à neige n'ont coûté que le prix du transport, grâce à la solidarité de stations comme Les 2 Alpes, L'Alpe-d'Huez ou Super Lioran. Et que l'eau nécessaire aux canons est conservée des pluies et n'est pas prélevée dans la nappe. "Oui, il n'y aura plus de neige en 2050. Peut-être même en 2035. Mais les cinq ans qui sont devant nous, ce n'est pas rien ! Une dizaine de familles vivent aussi des locations de ski à L'Espérou..." 

Mais surtout, poursuit Denis Boissière en écho à la mobilisation de samedi, "on avait prévu d'être sur deux jambes, glisse et hors glisse. Les délégataires s'étaient engagés à transformer Prat-Peyrot en station quatre saisons." Denis Boissière et ses associés ont avancé des idées : une tyrolienne, un bike-park, un accrobranche. En pleine zone coeur du Parc national des Cévennes (PNC). "On est ravis que 95 % de la forêt soit protégée, poursuit l'associé dans la station. Mais il faut laisser certaines portions vivre." 

L'accro-filet installé à Prat-Peyrot, loin du projet initial d''accrobranche • François Desmeures

Alti Aigoual souhaiterait donc voir une partie de la zone coeur déclassée, "des enclaves de 10 à 15 hectares au total", celles où les animations d'été seraient installées. "Lors de la première évocation d'éventuels travaux avec le PNC, on nous avait dit que le bike-park serait possible en utilisant les remontées mécaniques pour les vélos. Puis, c'est devenu "sans création de nouveaux chemins". Mais les pistes actuelles descendent tout droit, ça n'a aucun intérêt ! Nous n'avons pas le droit de mettre des difficultés, pas de mouvement de terre !"

Outre le changement de position récente qu'il attribue au Parc, Denis Boissière suggère que les termes négociés, à l'époque de la création du PNC, vont dans son sens. "Après que les élus du Département du Gard avaient refusé le Parc, en 1968, les défenseurs ont fait 14 propositions pour les convaincre. La numéro 7 disait que le PNC n'empêcherait pas le développement de la station de ski sur son territoire. Pour moi, le développement aujourd'hui, c'est la transformation en quatre saisons." 

130 000 € nécessaires pour poursuivre l'activité dès novembre

Le porte-parole d'Alti Aigoual estime à 130 000 € les besoins financiers pour pouvoir continuer l'activité après la fermeture du restaurant de l'Observatoire (qui fait aussi partie de la délégation de service public), le 31 octobre. Pour solder cette fameuse assurance, embaucher et payer les factures. "On compte sur trois sources : environ 40 000 € du restaurant de l'Observatoire ; 20 000 € à travers la cagnotte Leetchi que nous avons lancée ; le reste, on l'attend de la compensation, pour travaux non-faits, de la part de la Communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes."

Et c'est d'ici que naît la brouille actuelle entre le délégataire et son commanditaire, bien que Denis Boissière s'empresse de préciser que Causse-Aigoual-Cévennes "nous a relativement aidés, il y a eu des choses positives. Mais quand on a signé le dossier, on nous a dit qu'il y aurait une réhabilitation totale de tous les bâtiments en cinq ans." Notamment de ceux fermés au printemps par la préfecture, pour vétusté. "Mais je n'ai pas posé la question, rembobine Denis Boissière, "et si ce n'est pas fait dans six ans ?".

Une partie des bâtiments à rénover devant les pistes de la station Alti Aigoual • Archive

Si le porte-parole de la station dit se rendre compte des difficultés qu'a traversées la communauté de communes - avec notamment "une passation de pouvoir tendue à Val-d'Aigoual après les municipales" de 2020, qui a donné lieu à quelque retard, ou encore un projet architectural retoqué par la fille du premier architecte du "chalet" de Prat-Peyrot - il n'en attend pas moins, donc, 70 000 € de dédommagement. Une somme importante pour une petite communauté de communes d'environ 5 000 habitants... Pour Alti Aigoual, ce n'est qu'une partie du manque à gagner qu'ils ont chiffré. Et resterait - toujours - à mener des travaux estimés à 1,4 M€ (pour lesquels la communauté de communes est aussi subventionnée).

"Il doit y avoir un assouplissement des règles"

"En quatre ans, on n'a pas fait d'erreurs de gestion majeure, poursuit Denis Boissière. On a même fait tomber le seuil de rentabilité à 12 000 forfaits par an." Sachant qu'un bon dimanche représente environ 1 200 forfaits vendus. "Si on ouvre trois week-ends d'hiver et les vacances de février, par exemple, on est sauvés." La station espère, par l'entremise du sénateur Laurent Burgoa, réussir à rencontrer le futur ministre de l'Environnement pour sortir de la zone coeur les installations nécessaires. Mais ce ne sera sans doute pas la priorité immédiate du futur locataire du ministère. 

Ce samedi, Denis Boissière s'associe évidemment à la marche vers le col de la Serreyrède. Il prendra d'ailleurs la parole à 10h30 à Prat-Peyrot, en compagnie du conseiller départemental Martin Delord, du président d'AVECévennes, Jean-Paul Coudert, et même du nouveau directeur du PNC, Vincent Cligniez. "On souhaite que l'association sensibilise sur le fait que les Cévennes sont le seul Parc national habité en zone coeur. Il y a environ 1 800 habitants, qui ont besoin de vivre. Il doit y avoir un assouplissement des règles. Dans les territoires ultra-marins, les parcs nationaux maritimes s'adaptent à la population !, plaide Denis Boissière. Le PNC est devenu une chambre d'enregistrement, il faut que les élus aient un vrai droit de regard sur les instances de direction du Parc." Pas sûr, pour autant, que tous les élus soient d'accord avec la volonté de Denis Boissière... (*)

(*) Vendredi en fin de journée, Objectif Gard fera paraître une interview d'Alexandre Vigne, maire de Lanuéjols, mais surtout à la fois 1er vice-président du Parc national des Cévennes et vice-président de la communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes délégué au développement économique.

La marche, de Prat-Peyrot au col de la Serreyrède

Ce samedi, après les prises de parole de 10h30 à Prat-Peyrot, la "marche des Cévenols et de tous les amoureux des Cévennes" partira vers le col de la Serreyrède à 11h, pour remettre symboliquement un courrier au directeur du Parc national des Cévennes.

À 12h30, repas chaud (réservation ici) ou pique-nique tiré du sac. 

François Desmeures

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