FAIT DU JOUR L'estive de Camprieu commence une nouvelle saison, entre bergerie écroulée et possibles attaques de loup
Éric et Marie-Line Martin veillent, depuis le 1er juin, sur les 650 brebis dont une part leur sont confiées pour l'été. L'an dernier, le lieu avait accueilli la réunion des groupements pastoraux des Causses et Cévennes juste après une attaque de loup, ce qui avait donné lieu à une réunion houleuse avec les différents services de l'État. Cet été, éleveurs et bergers craignent le loup plus que jamais, sujet auquel sera d'ailleurs sensibilisé le public lors de la fête de la transhumance, ce week-end. Pour les Martin s'ajoute à la difficulté, cette année, une bergerie qui a cédé lors de sa rénovation. Reportage.
C'est la 53e. La 53e estive pour Éric Martin, propriétaire, avec son épouse Marie-Line, de la Baraque neuve, lieu de pâturage d'été pour leurs 350 brebis et les 300 qui leur sont confiées. "Quand mon père louait la ferme, en 1971, j'avais 13-14 ans. Et j'étais le plus heureux !, sourit aujourd'hui Éric Martin. L'ancienne patronne avait des pieds de vigne dans la plaine. J'allais lui donner un coup de main et, du coup, ça faisait baisser le loyer pour mes parents." Vingt ans après, quand les propriétaires ont vendu, c'est à Éric Martin qu'ils ont proposé d'acheter en priorité. L'habitant de Valleraugue ne s'est pas fait prier.
Mais cette 53e estive s'annonce plus compliquée pour Éric et son épouse : en mars, l'une des deux bergeries s'est écroulée à moitié alors que des travaux devaient la consolider. Pour l'instant, Éric Martin arrive à se satisfaire d'un seul bâtiment. "Mais le problème sera à l'automne, avec l'agnelage. Et puis, on mettait le fourrage pour les vaches là-dessus." Avec l'effondrement et la pluie régulière sur l'Aigoual depuis le mois de mars, "le foin est fichu. On a rarement eu autant d'eau en début juin que cela", constate Marie-Line Martin. Le couple a eu du mal à faire monter son assureur pour constater les dégâts. Dans l'urgence, il lui faudrait installer une serre-tunnel, soit un coût d'environ 50 000 € sans financement extérieur.
"Le loup possède un odorat exceptionnel, une vue exceptionnelle et une intelligence incomparable"
Éric Martin
Mais, pour l'instant, il faut assurer l'été et les 90 jours de gardiennage qu'ils effectuent pour les 300 bêtes de Saint-Martial et Lunel, en plus des leurs. "Ce sont toujours les mêmes troupeaux. On les sort de 9h à 12h30 environ, et le soir de 16h à la nuit. En principe, on les garde le matin et elles passent l'après-midi dans les filets, généralement au bas de la vallée, où ça craint moins." La crainte provient évidemment de la présence du loup. Et la période est propice, "ils ont fait leurs petits en mars-avril, ont faim en mai-juin et ont besoin de les nourrir. Et puis, le loup possède un odorat exceptionnel, une vue exceptionnelle et une intelligence incomparable."
"Il y a un mois, une voisine a retrouvé une carcasse de chevreuil dans notre enclos", se souvient Éric Martin, qui dispose de deux chiens de protection. Ce qui ne l'empêche pas de penser "acheter des filets de 1,30m de haut, électrifiés sur secteur ou grâce à des panneaux solaires". Un obstacle de plus pour un loup éventuel. Dans les bergeries, "on met des grilles en plus en haut du portail. Sinon, le loup passe par-dessus la barrière. La nuit, on laisse toujours les patous en liberté, même si le plus vieux est toujours couché dans la bergerie."
Des patous qui signalent aussi les randonneurs et curieux, nombreux à emprunter le sentier de Saint-Guilhem qui remonte, ici, au col de la Serreyrède. Éric Martin a multiplié les panneaux pour signaler le comportement à adopter avec les chiens de protection mais rien n'y fait. "On entend souvent "attachez vos chiens, on ne peut pas passer !" Et, souvent, de la part de gens qui n'ont pas leur chien en laisse. Si on dit "Au troupeau !" au chien, il s'en va. Mais tout le monde ne sait pas avoir ce comportement."
Pour autant, s'il redoute une meute sur le massif, le couple Martin ne se verrait pas vivre ailleurs, un peu plus de six mois par an, le reste du temps à Valleraugue. "On vient aussi parce que le travail est plus facile et que les brebis y coûtent beaucoup moins cher." Il suffit, en effet, de se baisser pour trouver de l'herbe, les bergeries permettent de produire du fumier, et le couple "fauche pratiquement tous les pourtours de Camprieu" afin d'être "autonome en foin". Et ce, même si Éric Martin constate que "les pâturages ont perdu" avec la chaleur plus importante et les sécheresses de ces dernières années : "Cela favorise les mauvaises herbes, les fougères. Et il y a moins de bonne herbe".
Mais ce n'est pas ce qui met en péril l'élevage. Éric en revient au loup, auquel il a réservé un message à l'entrée de l'estive. "On aimerait être plus autorisés à les "éclaircir", euphémise Éric Martin. Sinon, ce sera lui qui nous éclaircira. C'est décourageant pour notre profession d'autant que, dans les années à venir, il y aura sûrement une meute sur l'Aigoual." Alors, sensibiliser le public aux problèmes que pose le loup pour l'élevage, comme ce sera le cas ce dimanche à L'Espérou pour la fête de la transhumance, Éric Martin n'a rien contre. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ira à la fête, peut-être juste au repas des bergers du samedi soir. Son troupeau, à lui, n'attend pas.