FAIT DU SOIR À l'Aigoual, face aux manifestants, le directeur du Parc national invite à "construire quelque chose de nouveau"
Affluence modeste, ce samedi matin, pour la "Marche des Cévenols" venus protester contre les règles du Parc national des Cévennes (PNC), qui empêchent la station Alti Aigoual de développer l'offre estivale qu'elle souhaite. Le nouveau directeur du PNC, Vincent Cligniez, est venu expliquer les missions de son organisme et le cadre dans lequel une activité peut évoluer. Une lettre lui a été remis. Constructif et pacifique, le dialogue n'a néanmoins pas permis à la station d'obtenir les avancées qu'elle attendait.
Le vent glacial de ce samedi matin sur l'Aigoual, venu pousser violemment un air à 6 °C, aura sans doute découragé du monde. Un grosse centaine de personnes est présente devant le Chalet, en soutien de la station Alti Aigoual et à l'appel de l'association AVECévennes, qui souhaite que le Parc national des Cévennes soit moins drastique sur ses réglementations. Le président de l'association est d'ailleurs le premier à s'exprimer.
"Si la station venait à fermer, elle pourrait être démantelée, explique Jean-Paul Coudert. C'est quelque chose que nous ne souhaitons pas envisager. Nous voulons demander une table-ronde sur le massif de l'Aigoual." Deuxième adjoint de Dourbies, Jean-Claude Thion, qui a "vu naître le Parc", dénonce un "délitement de son fonctionnement, aujourd'hui on a plein d'interdictions".
Courageusement, le nouveau directeur du PNC, Vincent Cligniez, avait fait le déplacement. Le porte-parole de la station, Denis Boissière, avait demandé écoute et gentillesse et c'est bien ainsi que les débats ont eu lieu. Mais Vincent Cligniez n'a pas évité sa responsabilité. "On est sur un modèle économique de station de ski très dépendant de la neige. Et il n'en tombe pas beaucoup, ou pas au bon moment, le système est déréglé. Le modèle économique de développement des stations arrive à sa fin sur l'Aigoual. Nous avons le devoir de trouver quelque chose de nouveau. Pour cela, on a un terreau favorable : on se parle et on va continuer à se parler. D'ailleurs, on a le même problème avec la station du mont Lozère. La solution passe par le dialogue."
Regrettant qu'aucun "autre élu ne soit venu" (*), le conseiller départemental du Vigan, Martin Delord, a dit l'importance de "construire un avenir pour l'Aigoual", quand "les gens motivés commencent à vieillir et que la population des villages baisse". Porte-parole de la station Alti Aigoual, Denis Boissière évoque une rupture avec le territoire : "Avant, un agent du Parc était président du ski-club de l'Aigoual, il habitait le territoire et connaissait les problématiques de la population."
"Un tourisme plus écologique et de qualité, c'est peut-être un doux rêve, mais je pense qu'on peut y arriver"
Vincent Cligniez, directeur du Parc national des Cévennes
"Il est impératif de se développer en quatre saisons, poursuit Denis Boissière, qui croit encore à quelques anées de neige (relire ici l'article sur les difficultés de la station). Même si, pour Alti Aigoual, c'est mort : l'activité estivale ne sera pas développée avant 2027." Alors que la délégation de service public s'achèvera en 2029. "Pour nous, c'est cuit", enterre Denis Boissière.
Mais l'exploitant ne désespère pas d'obtenir "un rendez-vous au ministère pour un assouplissement de la réglementation des parcs", voire faire sortir 15 hectares de la zone coeur. Car "l'agglomération de petits projets" ne garantit "pas de modèle économique", souligne Denis Boissière. "Un tourisme plus écologique et de qualité, c'est peut-être un doux rêve, mais je pense qu'on peut y arriver", conclut Vincent Cligniez.
Sur place, Christelle comprend encore moins pourquoi on lui a interdit d'amener des dromadaires pour proposer des promenades. Elle qui les élève sur le Larzac, pour leur lait, et assure aussi les promenades à cheval à Prat-Peyrot, s'était vu opposer une fin de non-recevoir. "On nous a dit "ce n'est pas une espèce endémique des Cévennes". Mais que je sache, le mouflon de Corse non plus... Et, aujourd'hui, on nous dit que ce n'est pas un animal inscrit dans la charte adoptée en 2009. En plus, de par ses sabots "mous", c'est un animal qui ne destructure pas les sols."
Même incompréhension du côté d'Olivier Sanchez, venu avec ses chiens de traineaux. Entant qu'activité nordique, le PNC ne s'est pas opposé à sa venue. Mais les conditions rendent la chose impossible : "On ne peut aller que sur les pistes de ski de fond. Et, surtout, j'ai l'interdiction de stationner mon camping-car la nuit et de laisser mes chiens autour du camping-car, pour préserver la faune. De façon détournée, ils interdisent en fait le chien de traîneau, c'est paradoxal."
Le directeur du PNC a finalement effectué la marche jusqu'au col de la Serreyrède, avec les manifestants, où un courrier lui a été remis. Après la grosse demi-heure de marche, René, habitant de Camprieu, revient sur le sujet. "Les contraintes sont trop importantes, explique René. Je suis pour que les élus aient plus de poids au sein du conseil d'administration du PNC. Ici, c'est un parc habité. Ce serait plus logique que ce soit un parc régional plutôt que national. On a l'impression que les élus ne servent à rien." Ce samedi matin, ils ont surtout montré, par l'absence d'un grand nombre d'entre eux, qu'il n'existe pas de consensus sur la question.
(*) aussitôt démenti par l'élu d'opposition viganais Alexandre Cozza. En plus de l'adjoint de Dourbies, la première adjointe de Saint-Sauveur-Camprieu était aussi présente. Pour relire l'avis d'Alexandre Vigne sur la question, c'est ici