Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 10.12.2020 - marie-meunier - 5 min  - vu 1384 fois

FAIT DU SOIR À Tavel, un projet de parking sur l'ancien cimetière choque les habitants

Ces derniers ont planté des croix symboliques en mémoire de leurs ancêtres qui ont été enterrés à cet endroit.

Ce jeudi matin, une dizaine de croix ont été symboliquement plantées dans un jardin au coeur de Tavel. Un acte militant contre le projet de la mairie de construire un parking à cet endroit, là où se trouvait jusqu'à la moitié du XIXe siècle le cimetière. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Ce jeudi matin, une dizaine d'habitants de Tavel s'est rendue au jardin, près de la chapelle, pour planter des croix en bois. Dessus les patronymes des plus anciennes familles du village. Cette action symbolique a été organisée après que les habitants ont appris qu'une partie de ce jardin, où se situe l'ancien cimetière de la commune, allait être aménagée pour devenir un parking de 12 places. 

"Nous voulons que leur sommeil séculaire ne soit pas troublé. Nous voulons qu'ils reposent en paix et que leur souvenir reste vivant pour chacun d'entre nous". Ce sont les mots puissants prononcés par Roselyne Amido, habitante de Tavel, ce jeudi matin. Elle comme d'autres Tavelois ont été choqués d'apprendre que cet espace vert allait être transformé en parking.

Pas loin d'elle, Coline Delorme, née et habitant à Tavel, est descendante de la famille Odoyer dont les premières traces remontent à 1650. Elle déplore le choix de ce lieu pour construire un parking : "Je comprends pas qu'on ne respecte pas un lieu où des gens sont enterrés. [...] Pour moi, ça devrait être un jardin de paix."

Une dizaine de croix a été plantée ce jeudi matin par les descendants des vieilles familles taveloises. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Un point de vue partagé par l'élu d'opposition, Jacques Barac, qui resitue : "On est sur l'ancien cimetière de Tavel. À proximité il y a la chapelle, le monument aux morts où le 11 novembre dernier on a rendu hommage aux enfants de Tavel tombés pour la France. [...] On ne respecte pas ça."

L'intervention d'un archéologue de la DRAC stoppe net le chantier avant que le terrassement ne commence

C'est Pascale de Chaunac, Taveloise et historienne de l'art de métier, qui a lancé l'alerte. Mardi matin, elle a constaté que des engins de chantier avaient investi le terrain. Elle apprend par la suite qu'un parking va être construit et réagit aussitôt : "Au nom du souvenir et de la mémoire du village, d'un point de vue aussi écologique, ce projet était inadmissible et pas correct selon moi. J'ai appelé la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles, ndlr), je suis tombée sur un archéologue, qui m'a entendue et a complétement compris ma démarche."

Ni une, ni deux ! Denis Guilbeau, l'archéologue en question employé au service régional archéologique de la DRAC Occitanie, se rend à Tavel l'après-midi même. Il constate que plusieurs ossements humains se trouvent encore pas loin sous ses pieds, "ce qui confirme ce que l'on soupçonnait : l'ancien cimetière se situait là avec des restes datant du Moyen Âge, voire avant ça."

Ce dernier a rencontré l'équipe municipale qui, suivant ses préconisations, a formulé une demande volontaire de réalisation de diagnostic archéologique du lieu. Une démarche que n'était pas tenue d'effectuer la mairie en amont du projet puisque le terrain ne se situe pas dans une zone considérée comme sensible. Des équipes de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives, ndlr) se rendront ensuite sur place pour entamer des fouilles. De leur rapport découlera la réponse si le chantier du parking pourra se poursuivre ou devra être abandonné.

Personne au courant...

Pour notre historienne de l'art, Pascale de Chaunac, il y a de fortes chances de trouver un patrimoine archéologique riche : "Ce lieu est important car au-delà du cimetière qui existe depuis longtemps (il a été en fonction jusque dans les années 1850, avant d'être déménagé en bas du village au niveau du pôle médical, ndlr), il y a certainement aussi des vestiges romains car la chapelle romane a été construite sur des fonds beaucoup plus anciens. Le petit monument en rocher serait les fonts baptismaux qui dateraient de l'époque romaine. C'est important à préserver." L'habitante craint aussi que l'évacuation d'eau du parking, en tombant sous l'abside de la chapelle, ne fragilise les fondations de l'édifice. L'un des plus anciens du village, qui plus est.

Ce qui a choqué dans ce début de chantier, c'est également le fait que personne n'était au courant. élu d'opposition, Xavier Ternisien assure qu'il n'a jamais été informé de ce projet, qui n'a pas été présenté en conseil municipal. Version confirmée par le maire, Claude Philip, qui crie à la récupération politique et se défend : "Ce projet s'est décidé par le biais d'un groupe de travail "aménagement du village". J'avais expliqué aux quatre personnes qui composent l'opposition que c'était à elles de se rapprocher des adjoints pour savoir sur quels pôles elles souhaitaient travailler. Au pôle "aménagement du village", aucun élu de l'opposition n'a à ce jour contacté mon adjoint à la voirie et à l'aménagement. S'ils en avaient fait la demande, ils auraient été associés à ce travail." Le maire comptait faire part de l'avancement de ce projet, lors de la séance du conseil municipal de ce jeudi soir.

Quant aux réactions émues des habitants, le maire les comprend parfaitement. Mais s'il a choisi cet emplacement, c'est parce qu'il est proche des commerces et permettrait de résoudre les problèmes de stationnement anarchique dont pâtit la commune : "Il y a pas mal de maisons qui sont actuellement en location. Elles ne disposent pas de stationnement privé et les occupants stationnent sur les trottoirs, entre autres, créant des problèmes d'insécurité qui m'ont été plusieurs fois reprochés."

"Si ce n'est pas possible, on restera encore plus longtemps avec des stationnements anarchiques, voire dangereux"

Cet espace vert a déjà bien été aménagé avec l'installation du monument aux morts, d'un jardin pour enfants... "Restait cette partie arrière avec un terrain enherbé sur lequel on s'est dit : "Pourquoi pas créer ce stationnement qui permettrait un accès aux commerces et qui n'est pas très loin à pied ?" Avec une partie du stationnement limitée par zone bleue pour qu'il y ait de la rotation et pas que des voitures ventouses." L'édile conçoit aussi le parking comme un lieu de vie où les villageois se rencontreraient et se parleraient entre un aller-retour à l'épicerie ou au tabac-presse.

Il finit par arguer : "Sachant que la mairie ne dispose de quasiment aucun foncier disponible sur la commune pour créer un autre projet, il me semblait que c'était une opportunité. Si ce n'est pas possible, on restera encore plus longtemps avec des stationnements anarchiques, voire dangereux. Mais si un jour un enfant se fait attraper par une voiture, qu'on ne vienne pas ensuite me reprocher de n'avoir pas pris les décisions nécessaires."

"J'attends ce retour de diagnostic archéologique. Ensuite, nous aurons une discussion, quand les esprits seront un peu plus apaisés, pour savoir si on maintient ce projet ou pas", clame Claude Philip, maire de Tavel. (Marie Meunier / Objectif Gard)

En effectuant un décaissement de seulement 30 cm de profondeur, le maire ne s'attendait pas à tomber sur des ossements. Il soupçonne des travaux antérieurs, où la terre aurait déjà été remuée, qui expliqueraient que les vestiges humains réapparaissent à la surface. Pour l'heure, les travaux sont arrêtés et le lieu ceinturé par des barrières.

Il faut attendre les fouilles préventives pour connaître le sort de ce chantier, qui, sans dissonance, aurait été livré pour fin-janvier : "J'attends ce retour de diagnostic archéologique. Ensuite, nous aurons une discussion, quand les esprits seront un peu plus apaisés, pour savoir si on maintient ce projet ou pas. Mais je n'ai pas l'intention de mettre le feu à ce village, j'y ai grandi. Les Tavelois m'ont fait confiance pour la seconde fois pour gérer cette commune. On est en tout début de mandat, je n'ai pas l'intention ni l'envie de me mettre la moitié du village à dos."

Marie Meunier

Reportage vidéo à retrouver ici :

Marie Meunier

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