Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 02.04.2015 - coralie-mollaret - 5 min  - vu 607 fois

GARD L'insoutenable élection de Denis Bouad (PS) à la présidence du Département

Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

A l'issue de trois tours interminables de scrutin, Denis Bouad a été élu à la majorité relative avec 22 voix sur les 46 de l'hémicycle. Son principal adversaire, l'UMP Laurent Burgoa s'est abstenu, évitant ainsi de se faire élire avec les voix du Front National. Récit d'une matinée palpitante. 

Le suspense aura duré jusqu'au bout… Ce matin au conseil général, une foule impressionnante de responsables politiques et journalistes s'est bousculée, rue Guillemette, pour assister à l'élection du président du Département du Gard. Un scrutin, sous le feux des projecteurs locaux et nationaux : à l'issue du second tour, le 29 mars, aucun des partis n'est parvenu à obtenir la majorité absolue, soit 24 élus sur les 46. Le Gard, bastion de gauche depuis sa création, pourrait-il infliger une nouvelle claque électorale au gouvernement de Manuel Valls ?

9 heures : Jean Denat fait ses adieux à l'Assemblée

Jean Denat, élu PS depuis 17 ans au conseil général du Gard fait ses adieux à l'Assemblée. Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

A 9 heures, la cloche de l'hémicycle retentit. Les élus et le public, constitué d'élus et de militants, sont invités à s'assoir afin d'assister au dernier discours du président PS sortant, Jean Denat. Une allocution émouvante du Camarguais, proche de Manuel Valls, qui n'a pas réussi à passer entre les gouttes de l'impopularité gouvernementale : "Je vais à présent tourner la page de ces dix-sept années de mandat… Je témoigne toute ma satisfaction au personnel de la collectivité, à mes collaborateurs. Et je vous souhaite à tous un bon mandat. Faites vivre les valeurs de la République !". Les applaudissements nourris fusent dans la salle, aussi bien de la part de la gauche que de la droite. Le socialiste quitte l'estrade et, par un geste furtif, salue une dernière fois l'Assemblée. Il rejoindra un peu plus tard, dans l'espace réservé aux invités, son prédécesseur Damien Alary aujourd'hui président de la Région et Juan Martinez, ex-président du groupe PS, balayé lui-aussi par la tornade bleue marine sur le canton de Beaucaire.

L'élection du nouveau président du Département est arrivée. Les 46 élus vont devoir choisir à bulletin secret l'exécutif de ces six prochaines années pour gouverner une collectivité aux nombreuses missions : action sociale (RSA-PCH-APA...), entretien des collèges, des routes, habitat, développement économique et culture. L'incertitude du scrutin, sans majorité absolue (22+1) le rend d'autant plus savoureux. La doyenne de l'Assemblée, Joëlle Murré, prend place pour présider la séance. L'élue UDI en profite pour saluer les 23 femmes qui, grâce à la réforme des cantonales, font leur entrée au Département.

Alexandre Pissas : "Je ne suis pas tombé du rosier"

L'ex-socialiste Alexandre Pissas, exclu par son parti pour avoir voulu briguer sa succession à Bagnols, a remporté dimanche la victoire face au FN. Il a négocié fermement son soutien à la gauche plurielle PS-PCF-EELV.

Avant de procéder au vote, l'annonce des candidatures. L'élu PS du canton de Quissac et futur président du groupe PS, Olivier Gaillard, prend la parole : "nous déposons la candidature de Denis Bouad. Cet homme en qui nous avons une grande confiance s'inscrit dans la poursuite de la mise en œuvre de nos politiques". Maire de Blauzac depuis 25 ans, Denis Bouad est aussi président d'Habitat du Gard et Premier vice-président du Département. "Alariste" convaincu, il est avec Jean Denat, l'un des deux socialistes les plus influents au Département.

Le co-leader du Bon Sens Gardois, l'UDI Thierry Procida, emboite le pas du socialiste : "nous avons un projet que nous voulons mettre en œuvre… Je propose donc la candidature de Laurent Burgoa". Élu d'opposition depuis six ans, l'adjoint UMP de la ville de Nîmes a mené ces derniers mois une campagne tambour battant. Si les résultats électoraux de la droite sont en progression (20 élus), ils ne semblent a priori pas suffisants pour arracher la victoire, même si la droite continue d’espérer le ralliement de l'ex-socialiste, Alexandre Pissas.

L'élu du canton de Bagnols, qui a défrayé la chronique ces derniers jours, demande à son tour la parole. La gauche retient son souffle : que va faire l'ex-socialiste, revenu dans les bonnes grâces de son parti qui l'avait privé de son investiture ? Succombera-t-il à son désir de vengeance ? Ou s'accrochera-t-il à son avenir politique, plein de promesses faites par le PS en échange de son soutien ? "J'ai eu la faiblesse de croire que j'aurais pu être le président du consensus de cette assemblée", introduit Alexandre Pissas, "Si certains reconnaissent mes qualités, ça n'a pas toujours été le cas de mon parti, du moins au niveau national… Mais je ne suis pas tombé du rosier. Je ne partage pas les valeurs et les analyses de la droite. Depuis 40 ans, je suis attaché aux valeurs du socialisme. Je voterai pour la majorité sortante".

Le couperet est tombé pour la droite : à elle seule, elle ne parviendra pas à remporter l'exécutif.

Nicolas Meizonnet, attaché parlementaire de Gilbert Collard a battu dimanche, le président du conseil départemental Jean Denat. Il s'est porté candidat à la présidence. Photo : C.M/O.G

L'allocution du Bagnolais n'a pas manqué de faire réagir le frontiste Nicolas Meizonnet. Le tombeur de Jean Denat à Vauvert a tout simplement qualifié l'allocution de "minable" : "les quatre élus du Front National ne cautionneront jamais ces achats de voix. Ce n'est pas notre conception de la démocratie, c'est pourquoi je me présente".

Patrick Malavieille : "Laurent, ne fais pas le con..."

Patrick Malavieille, conseiller départemental PCF, réélu dès le premier tour dans le canton de la Grand'Combe. Photo : C.M/O.G

Le premier tour commence. Selon le code des collectivités, le premier et deuxième scrutin ne peuvent se gagner qu'à la majorité absolue (22 voix + une). Pour le troisième, la majorité relative suffit.

Le dépouillement des bulletins débute, le communiste Patrick Malavieille souffle les résultats à la présidente de séance : 22 voix pour la gauche, 4 pour le FN, 18 pour la droite et deux bulletins blancs. Une désaffection pour Laurent Burgoa qui n'a pas su rassembler les conseillers généraux William Portal et Joëlle Murré. "On nous a donné une gifle avant le second tour, vous ne pensez pas qu'on va les embrasser", tacle-t-on dans l'entourage des deux sortants. Soudain, le leader du Bon Sens Gardois prend la parole : "Madame la présidente, je demande une interruption de séance de 45 minutes". Patrick Malavieille bondit : "il est hors de question, madame la présidente de lui accorder un délai aussi long". Joëlle Murré statue : ce ne sera que 15 minutes, pas plus.

Le quart d'heure écoulé, les élus reviennent voter. Le résultat est toujours sans appel : 22 voix pour la gauche, 4 pour le FN, 18 pour la droite. Que va faire Laurent Burgoa ? S'il maintient sa candidature jusqu'au bout, les élus du FN pourraient voter pour lui afin de battre la gauche. Une élection qui ne correspondrait ni à ses valeurs ni à celles du patron de l'UMP gardoise, Jean-Paul Fournier. Salué à plusieurs reprises durant l'entre-deux-tour, le sénateur-maire de Nîmes avait appelé, contre l'avis de Nicolas Sarkozy, au Front Républicain.

Laurent Burgoa se lève. Patrick Malavieille lui glisse à l'oreille : "ne fais pas le con Laurent". Le dilemme est de taille pour le responsable politique, mais aussi, pour l'homme. Élu de terrain, le graal de Laurent Burgoa réside depuis toujours dans la présidence du Département. De retour dans l'hémicycle, les caméras l'encerclent, les micros l'étouffent : "Nous ne souhaitons pas un vote complice, alors, en mon âme et conscience, j'ai décidé de retirer ma candidature. Mais je vous demande de prendre en compte nos électeurs, qui ont voté notamment pour qu'un audit financier du conseil général et de ses satellites soit effectués". Les élus se lèvent et applaudissent. Patrick Malavielle, mais aussi Amal Couvreur viennent lui serrer la main. La gorge de Laurent Burgoa est nouée : il vient de laisser s'envoler l'un de ses désirs les plus chers.

Le socialiste Denis Bouad et lUMP Laurent Burgoa. Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

Le nouveau tour de scrutin débute. Denis Bouad assis au premier rang près de Laurent Burgoa lance : "tu m'as fait quelques frayeurs entre 9 heures et 11h30". Les résultats tombent : la gauche récolte 22 voix pour, contre 19 abstentions ! Une voix de la droite s'est visiblement échappée au profit de l'extrême-droite. Les élus s'interrogent, suspectent même. Les prémices d'une nouvelle ère dans cette assemblée puisqu'en l'absence de majorité absolue, les résultats seront serrés et chaque voix comptera. Le consensus, la compromission et plus que jamais le dialogue sont à présent impératifs pour répondre à l'intérêt général. Une nouvelle façon de faire de la politique...

Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com

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