L'INTERVIEW Amandine Hertzog, chercheuse sur la ressource en eau : "Aux Plantiers, on a déjà identifié des zones à enjeux"

Amandine Hertzog-Adamczewski est chercheuse au CIRAD dans l'équipe G-EAU : gestion de l'eau, acteurs, usages
- François DesmeuresIssue du CIRAD (centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Amandine Hertzog-Adamczewski est à la tête, depuis 2023, d'un laboratoire vivant "pour s'adpater au manque d'eau", qui utilise les témoignages citoyens des Plantiers sur la ressource en eau pour enrichir sa recherche. Une étude partie pour durer, à l'échelle des vallées Borgne et de la Salendrinque. Avec un but, en plus de la connaissance : permettre une meilleure adaptation du territoire aux tensions sur la ressource.
Objectif Gard : Vous avez présenté, il y a près d'un mois, aux Plantiers, le "laboratoire vivant pour s'adpater au manque d'eau". Depuis quand ce laboratoire est-il actif et comment fonctionne-t-il ?
Amandine Hertzog-Adamczewski : Il est actif depuis 2023, et créé à l'initiative de l'équipe municipale de l'époque, qui nous a aidés à construire une réponse à l'appel à projet pour la fondation Agropolis. On a eu un premier financement sur un an, dont l'objectif était de co-construire avec l'équipe municipale, les citoyens et l'équipe scientifique qui le souhaitait, un laboratoire vivant autour de l'adaptation à la sécheresse en Cévennes, avec cas d'étude sur la commune des Plantiers. L'équipe municipale a changé deux fois entretemps, et ça n'a pas infléchi la dynamique de montage du projet. On a, ensuite, répondu à un deuxième appel à projet pour s'assurer d'avoir les possibilités financières, sur un appel de l'Agence de l'eau sur la partie "petites rivières cévenoles", avec un financement jusqu'à fin 2026.
Comment fonctionne un laboratoire vivant ?
Le fonctionnement d'un laboratoire vivant, tel qu'on le conçoit, revient à se demander comment on peut créer un collectif associant citoyens et scientifiques, pour raisonner des actions locales sur l'adaptation aux tensions par rapport à la ressource en eau, qu'elles soient liées à la sécheresse ou à un trop plein d'eau. L'idée est d'associer les deux formes de savoir, non pas juste pour les partager - ce qui est déjà un objectif en soi - mais aussi pour tester ensemble quelque chose qui réponde à un besoin sur le territoire. Les expérimentations ont été co-construites, avec des collectifs citoyens à l'échelle des Plantiers. Au départ, on avait une entrée globale à l'échelle communale. Mais c'était difficile de mobiliser l'ensemble des citoyens. On est donc redescendu à une échelle de hameaux, avec de temps de rencontres ouverts, pour demander sur quoi ils avaient besoin de poser des questions, et quelle forme expérimentale cela pouvait prendre sur le terrain. Cela peut aller d'un suivi de pollution de la rivière à un suivi des lits, à une nouvelle pratique agricole, etc.
Quels organismes de recherche composent votre équipe ?
Trois unités du CIRAD : SENS - savoirs, environnement et société ; G-EAU - gestion de l'eau, acteurs et usages ; et TETIS - territoires, environnement, télédétection et information spatiale. Puis, des collègues de l'UMR ESPACE (étude des structures, des processus d'adaptation et des changements de l'espace) du CNRS de l'université d'Avignon. Et, enfin, des collègues de l'IMT Mines Alès.
"On a une base de données d'environ 150 personnes qui se sont mobilisées"
Vos équipes citoyennes sont-elles déjà constituées ou en cherchez-vous encore ?
Sur Les Plantiers, c'est constitué. On a une base de données d'environ 150 personnes qui se sont mobilisées plusieurs fois sur les temps de rencontre. Et, surtout, on a des référents hameaux, qui en regroupent un ou plusieurs, et font l'interface entre les citoyens, qui peuvent venir ponctuellement, et les équipes. Ils peuvent nous alerter sur tel ou tel point, nous suggérer de travailler différemment, refaire du porte-à-porte et nous permettre de travailler à l'échelle micro-locale.
L'étude reste centrée sur Les Plantiers ou bien elle a vocation à s'étendre à toute la Vallée Borgne ?
En fait, ça avait démarré à l'échelle de la Vallée Borgne et toute la partie cévenole de la communauté de communes Causse-Aigoual-Cévennes, avec Soudorgues et Lasalle. Il y a déjà eu des réunions avec les élus, comme cela avait été fait aux Plantiers. On est en train de choisir des dates pour tenir des réunions publiques avec les citoyens de chacune des communes, entre mai et juin. Le dispositif expérimental ne sera pas réinitié à l'échelle de chaque commune mais on va partir de celui qui existe aux Plantiers, en voyant si les problématiques abordées intéressent les autres hameaux des autres communes, qu'on pourrait raccrocher, tels des satellites. On a déjà identifié des zones à enjeux, par exemple sur une source polluée, une eau potable chargée en arsenic, ou un débit dont les élus ont besoin d'avoir un suivi plus précis. Donc, on mène déjà des activités de terrain sur ces zones-là.
"Sur l'amont, la commune des Plantiers pourrait faire référence"
Le cas des Plantiers a-t-il valeur d'exemple ou vous ne venez qu'en raison de la demande de la commune ?
J'aurais envie de dire que la raison est triple : il y a une demande, d'une équipe municipale qui souhaitait s'investir par rapport à cela. Et puis, on sortait de 2022, une période de sécheresse accrue, et la commune avait été très impactée. C'est une commune de vallée qui, comme d'autres, n'a pas été particulièrement investie d'un point de vue scientifique. En tout cas, en matière de ressource en eau, parce que ce sont des terrains qui sont compliqués et vu le coût des dispositifs... Et puis, les têtes de vallées ne sont pas "instrumentées" : quand on va voir l'EPTB (établissement public territorial de bassin) des gardons pour voir les actions menées, on se rend compte qu'il y a une densité de données sur l'aval mais pas forcément sur l'amont. La commune des Plantiers pourrait donc faire référence par rapport à cela. Et puis, le fait qu'il y ait la Maison de l'eau sur place crée une dynamique territoriale particulière. Il y avait donc, potentiellement, un intérêt à faire émerger queque chose d'ici. Et, avec l'analyse de la communauté de communes, on a toujours gardé en tête qu'entre le Climatographe de l'Aigoual, la Maison de l'eau et la connexion avec les gardons, cela commençait par la vallée des Plantiers.
"Tout l'enjeu d'un laboratoire vivant, c'est de pouvoir perdurer"
Votre travail est-il prévu pour s'arrêter fin 2026 ?
J'espère qu'il ne va pas pas s'arrêter... En tout cas, il est financé jusqu'en 2026. Cela veut dire qu'aujourd'hui, sur toute l'instrumentation, les citoyens ne se posent pas la question du coût des expérimentations mises en place, parce que c'est pris en charge. Tout l'enjeu d'un laboratoire vivant, c'est de pouvoir perdurer au-delà d'un fonds de projet. Le projet est initié par les fonds citoyens ou scientifiques. Mais, de fait, ça démarre toujours par un financement extérieur et, ensuite, il faut qu'il y ait un collectif suffisamment solide pour pouvoir continuer à aller chercher des fonds. Je ne peux pas encore dire... On a aussi un réseau associatif qui va s'intégrer au projet, à la demande de la commune de Lasalle.
Faites-vous des publications régulières de vos avancées ?
À chaque réunion publique, tout ce qui a été présenté et a été capitalisé est repartagé à la liste des personnes qui ont participé. Et on a compilé un dossier complet de tous les résultats issus de cette initiative sur la commune des Plantiers. Ç'a pris différentes formes : les réunions publiques ; une newsletter sur la pluviométrie qui est en place ; une autre sur le projet en lui-même ; une exposition photo, gardée aujourd'hui à la Maison de l'eau, et qui part en itinérance sur les différentes communes le temps du projet ; ou encore des conférences avec l'Agence de l'eau, pour le partage des premiers résultats scientifiques, etc.