Publié il y a 2 h - Mise à jour le 20.11.2024 - Propos recueillis par Corentin Corger - 3 min  - vu 99 fois

L'INTERVIEW Bruno Mangin, président d'Ekko : "Les salles d'injections ont montré des résultats"

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Bruno Mangin, président d'Ekko 

- Photo Corentin Corger

Accompagnant les Gardois souffrant d'addiction, l'association Ekko (ex Apsa 30) fête cette semaine ses 50 ans. Le président Bruno Mangin fait le point sur les problèmes d'addiction dans notre département et évoque les solutions. 

Objectif Gard : Pourquoi changer de nom après 50 ans ? 

Bruno Mangin : Le nom que nous avions, Association pour la prévention et le soin en addictologie du Gard, n'était pas connu. On change de nom sur un nom qui n'était pas connu. Ça ne parlait pas. Aujourd'hui, on a plutôt eu envie de créer une marque reconnue avec Ekko. Ça parle à tout le monde, derrière le mot "écho", il y a résonance. On veut faire résonner la voix de ceux que l'on n'entend pas et que l'on voit de façon très déviante, car ce sont des gens qui consomment des drogues ou de l'alcool. 

Quel est votre rôle concrètement ? 

Nous avons commencé dans les Cévennes, à Branoux, en 1973. À l'époque, on faisait de la postcure, le sevrage était la règle. Aujourd'hui, ce n'est plus pareil. On essaie d'accompagner les gens dans leur addiction pour arriver à en sortir et surtout leur permettre de garder une vie sociale et d'accéder aux soins. Souvent, ce sont des gens très éloignés de tout cela. Leur redonner aussi des droits qu'ils n'utilisent plus. On est dans cette démarche depuis 50 ans. Nous sommes reconnus pour notre savoir-faire et nos compétences par les pouvoirs publics. On accompagne tout le monde y compris celui qui dort dehors. Habituellement, c'est à travers des faits divers dramatiques que l'on parle de la toxicomanie. On œuvre dans l'ombre et on veut rendre ce débat public. Il y a quelque chose à faire sur la prévention et comprendre pourquoi notre société fabrique des consommateurs de drogue. 

"2 700 personnes accueillies en 2023"

Comment parvenez-vous à détecter les personnes addictives ? 

C'est important pour celui qui est tout seul dans son appartement et qui se dit : je ne vais pas m'en sortir de pouvoir avoir un lieu, désormais un site internet et demain un numéro de téléphone. Et de dire, il y a des gens qui peuvent m'accompagner et me donner accès à des services de soins. On fait tout de A à Z. On commence par la prévention, l'éducation auprès des jeunes publics, des consultations jeunes consommateurs pour des parents inquiets et aussi la prise en charge thérapeutique gratuitement avec des médecins, psychologues et travailleurs sociaux. On fait aussi de l'hébergement collectif et individuel avec le centre Logos à Nîmes, Blannaves à Alès, on est aussi à la Grand'Combe et Pont-Saint-Esprit. Nous sommes aussi impliqués dans l'inclusion numérique que l'on développe depuis 2023. On fait un travail important, qualifiant, qui permet à des gens d'aller mieux. Et si on réussit cela, c'est déjà pas mal. 

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Le bureau d'Ekko  • Photo Corentin Corger

Combien de personnes avez-vous accueillies en 2023 ? 

Près de 2 700 personnes accueillies : 700 sur la partie numérique et 2 000 sur la partie addiction. Des gens rentrent, mais sortent très rapidement et passent sur l'addiction en médecine de ville. D'autres vont rester plus longtemps. Nous distribuons aussi ici des traitements de substitution pour des publics encore plus fragilisés et qui viennent quotidiennement prendre leur dose sinon ils ne seraient pas le gérer. 

"La consommation de cocaïne a quintuplé en 20 ans"

L'alcool reste-t-il l'addiction numéro un ? 

Oui, mais souvent cumulé à d'autres addictions. Le cannabis reste important. L'héroïne, les opiacés, c'est un peu moins. En revanche, la consommation de cocaïne a quintuplé en 20 ans. Sur les types de public, ce sont surtout les personnes entre 30 et 40 ans que l'on accompagne le plus. La question de la cocaïne est essentielle, elle est partout et envahit tous les milieux. Généralement, ces gens ne vont pas venir dans nos locaux par peur d'être stigmatisés. 

Quelles sont les solutions pour continuer à lutter ? 

Il y a des réponses d'ordre politique. Je ne veux pas que d'un trait de plume, on dise, il ne faut pas de salles d'injections parce que ça fait peur au plus grand nombre. Il faut se poser toutes les questions. C'est une réalité aujourd'hui, les salles d'injections sur Strasbourg et Paris ont montré des résultats. Pour moi, c'est une des réponses. Il faut arriver à l'expliquer aux élus et faire de la pédagogie. D'autres pays européens l'ont fait et ils se retrouvent avec des chiffres en matière de lutte contre la drogue beaucoup plus intéressants que la France qui a une loi extrêmement répressive, mais dont les résultats ne sont pas très bons. 

Retrouvez l'intégralité du programme des 50 ans d'Ekko sur ekko-asso.fr

Propos recueillis par Corentin Corger

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