Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 24.06.2024 - Propos recueillis par Sacha Virga - 8 min  - vu 931 fois

L'INTERVIEW Christophe Rivenq : "Je ne veux pas tirer sur l'ambulance"

Christophe Rivenq, président d'Alès Agglomération.

- Photo Sacha Virga

À moins d'une semaine du premier tour des élections législatives, les dés ne sont pas tous jetés. Chaque candidat dispose d'un temps limité pour faire la campagne la plus efficace possible. Ancien président des Républicains du Gard, Christophe Rivenq regarde la situation d'un œil aiguisé. Interview.

Objectif Gard : Que pensez-vous du choix du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale ?

Christophe Rivenq : C'est une folie, une idiotie, une bêtise. Le faire maintenant, dans ces conditions-là, c'est hallucinant, beaucoup le disent même dans sa propre majorité. Il avait déjà dit que les Européennes n'auraient aucun impact sur la politique nationale. Aujourd'hui, il a tout brouillé, je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête. Il veut nous faire croire que c'est une stratégie mais c'est surtout un coup de folie dont il payera tout seul les conséquences.

Les six candidats LR sont connus depuis quelques jours, pensez-vous qu'il vous sera possible de décrocher un siège ?

Je l'espère, même si les derniers sondages ne nous donnent que peu d'espoir. Si j'avais été président des Républicains aujourd'hui, j'aurais défendu cette situation parce qu'on se rend compte que tous les partis politiques sont en train de vendre leur âme. Le seul qui est droit dans ses bottes, c'est le parti Les Républicains, enfin ceux qui ont décidé de s'opposer à Éric Ciotti. Le Rassemblement national essaye de travailler avec certains de Reconquête et Éric Ciotti, La France Insoumise veut travailler avec le Parti communiste, le NPA, mais aussi les Socialistes et les Écologistes, Renaissance veut essayer de récupérer ceux qui seraient compatibles au centre-droit et au centre-gauche.

Je me projette déjà après le second tour, pour travailler sur une reconstruction d'une droite républicaine, gaulliste, nationale, libérale et responsable, qui va aller du centre-droit à la droite RPR. Quand on vend son âme, on le paye plus tard et j'espère que les électeurs feront payer à Éric Ciotti sa traîtrise. C'est la même chose avec le Nouveau Front Populaire, qui s'allie dans certaines circonscriptions avec des personnes fichées S, avec le NPA de Philippe Poutou ou avec des personnes comme Danielle Obono ou Louis Boyard qui ont un discours insupportable pour moi et un grand nombre de Français.

J'étais avec Xavier Bertrand il y a quelques jours au téléphone, on est persuadé que l'avenir de la France passera par une droite libérale, sociale et gaulliste. C'est là-dessus qu'Emmanuel Macron a gagné ses majorités par le passé et que la droite a gouverné. Moi je prépare l'après-Macron, qui restera dans l'histoire comme le président qui a permis les gilets jaunes, a créé la plus grosse dette du pays et a mis le RN ou l'extrême-gauche au pouvoir, et pour finir en prenant les pleins pouvoirs pour gouverner tel un petit dictateur aujourd'hui en France. Il est arrivé par hasard par un hold-up avec ce qui est arrivé à François Fillon, voulu par ses camarades. Il va finir par une prise de pouvoir par les armes avec l'article 16 et il va nous prendre en otage, c'est hallucinant !

Je pense que les livres d'histoire dans dix, vingt ou cinquante ans, quand ils analyseront le début du XXIe siècle, ils seront hallucinés de voir cette période de l'activité. Il y a eu aussi des résultats économiques, notamment après le Covid grâce au "quoi qu'il en coûte". Même s'ils ont été un peu trop loin, ils ont sauvé des entreprises et des emplois. Ils auraient pu continuer là-dessus mais ils ont tout cassé comme un jouet.

Pensez-vous qu'il y a une forme d'utopie dans certains programmes ?

Tous ceux qui mettront leur doigt sur ce type d'alliances où il n'y a pas de clarté sur les objectifs politiques, ne pourront jamais trouver mon soutien. Nous avons besoin de bon sens et de propositions solides. La France a 3200 milliards de dettes, il faut parler clairement aux Français, je sais qu'ils n'aiment pas entendre ça mais la retraite à 60 ans ce n'est pas finançable. Il faut faire un effort aujourd'hui. Ensuite, il faudra générer de la croissance et de la richesse pour être solidaire. J'ajoute que l'on ne parle plus des territoires dans cette campagne et ça m'insupporte. On parle de grandes thématiques, mais ce qui fait vivre la France, c'est le rééquilibrage des territoires, la ruralité, etc. Il ne faut pas aussi mépriser ceux qui se sont déplacés pour voter certains partis comme le RN ou LFI. Je vois encore de grands leaders nationaux dire "Nous sommes la vérité". Il faut respecter les votes et les entendre.

Sur la 5e circonscription du Gard, Léa Boyer est réinvestie en tant que candidate LR et affrontera entre autres un candidat issu de l'alliance LR/RN. Quel est votre avis à ce sujet ?

Ce monsieur que je ne connais pas, déboule d'on ne sait où. Léa Boyer est tout à fait légitime, elle est conseillère municipale et départementale, elle connait la circonscription et toutes les communes par cœur. Elle fait une superbe campagne tout comme Pierre Martin (NDLR : sur la 4ème circonscription), ce sont deux personnes sur qui je compte pour l'avenir de ce territoire. Mais avoir quelqu'un comme ça en face... Léa Boyer pourrait être députée sans aucun problème si jamais ce genre de personne ne venait pas pourrir notre paysage politique. Il risque de participer à la réélection de Michel Sala, un membre LFI, que l'on n'a pas beaucoup vu sur le terrain.

Le président des Républicains du Gard, Richard Tibérino a expliqué sur notre plateau son opposition au choix d'Éric Ciotti quant à une alliance avec le Rassemblement national. Partagez-vous le point de vue de l'élu nîmois ?

Suis-je encore chez les Républicains, c'est déjà une question. En tout cas, tant qu'Éric Ciotti en sera le président, je prendrai mes distances. Les raisons pour lesquelles je n'avais pas souhaité me représenter à la tête des Républicains ont trouvé leur épilogue ces derniers jours. La droite républicaine ne peut pas se résoudre à s'allier à qui que ce soit. Elle doit partager ses valeurs fondamentales : l'effort, le travail, la sécurité, mais aussi la solidarité, le partage, la liberté, l'égalité et la fraternité. 

Le RN a juste envie de finir de nous croquer, ce qu'il a commencé à faire avec des propositions démagogiques dont on voit les limites puisqu'ils ont commencé à faire machine arrière sur certaines de leurs idées, parce qu'ils voient le pouvoir arriver. C'est la problématique des extrêmes aujourd'hui, de droite ou de gauche parce que je les mets tous les deux dans le même panier. Et encore plus LFI aujourd'hui parce qu'il y a cette tentation insurrectionnelle et de violence, que n'a plus semble-t-il le RN, et qui me fait très peur pour l'avenir du pays et de l'Europe. 

D'un autre côté, comment jugez-vous cette alliance entre tous les partis de gauche  ?

Ce n'est absolument pas sain parce qu'ils ne partagent pas les mêmes valeurs. Je suis les élections depuis quarante ans, sur les Européennes, on a tous constaté l'opposition de fond et de forme entre Raphaël Glucksmann, qui est à la tête de la gauche, on va dire, et un Jean-Luc Mélenchon et ses sbires, Fabien Roussel ou encore Marie Toussaint. Il y avait une opposition dans les meetings, ils s'en mettaient plein la figure, le lendemain, ils disaient "ce n'est pas grave, c'est le jeu, on va s'allier". Vous allez dire quoi aux gens ? C'est insupportable. Quand vous voyez un François Hollande repartir aux élections contre l'avis de son parti, quand on voit le PS soutenir un parti qui fait la part belle à Raphaël Arnault et à Philippe Poutou, mais ils n'ont pas honte ?

J'avais dit il y a quelques années à Arnaud Bord : "Tu aurais pu être député de la quatrième circonscription du Gard, mais tu as fait une erreur majeure que beaucoup ne t'ont pas pardonnée, c'est d'avoir mis sur tes affiches, le logo du Parti Socialiste et celui de LFI". Mais encore, en 2024, on continue, parce qu'en fait, ils ont compris qu'individuellement, ils sont ridicules. Alors, nous Les Républicains, on n'est pas haut, mais à part la France Insoumise et Raphaël Glucksmann, on est au-dessus. Les Écologistes et mes amis du PCF, Fabien Roussel avec qui je partage quelques idées sur la France profonde, ils ont fait 2,5% ! Et ils arrivent à la télévision, ils expliquent qu'ils vont être premiers ministres et qu'ils vont faire une nouvelle majorité, mais de qui se moque-t-on ? Les Républicains ont au moins la décence de dire "on va peut-être pas jouer Matignon, mais il faut qu'on soit élus". Vous croyez qu'ils seront d'accord sur une mesure identique, entre les Mélenchonistes et les Glucksmannistes ? il y a le même écart idéologique aujourd'hui entre le Parti Communiste et la droite républicaine.

Quand vous avez des gens qui prônent uniquement la violence, qui instrumentalisent ce qu'il se passe en Israël et à Gaza, j'ai eu l'occasion de le dire, ce n'est pas joli, pour faire monter le vote communautariste dans les quartiers et diviser la France au lieu de la rassembler... Et ça marche bien, on le voit sur le terrain aujourd'hui, un paquet de gens se laissent escroquer par le communautarisme voulu par Mélenchon et ses sbires. Tout ça pour arriver à grappiller des pourcents pour arriver un jour au second tour des élections présidentielles, mais absolument pas de gagner parce qu'ils sont rejetés. Mais quel scandale ! J'ai l'habitude de côtoyer des gens de beaucoup de partis dont certains qui votent parfois très à gauche. Ce que je sais, c'est que ceux qui votent à gauche de façon républicaine et modérée n'acceptent pas cela.

Quelles sont les relations que vous avez pu entretenir avec les députés Pierre Meurin et Michel Sala depuis leurs élections ?

Je ne veux pas tirer sur l'ambulance, mais c'est la première fois que nous avons dans notre circonscription deux députés qui ne sont pas de la majorité. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse pour discuter avec des députés de l'opposition ? À chaque fois que l'on a avancé, c'était avec des députés de la majorité, Max Roustan, Patrick Malavieille et Fabrice Verdier. Travailler avec eux, ça avait du sens, qu'ils soient de notre bord ou pas. Aujourd'hui, je suis désolé, ce n'est pas personnel ce que je dis, Michel Sala je ne l'ai vu qu'une fois à une cérémonie sur Alès pour le 14 juillet, Pierre Meurin je l'ai vu un peu plus, mais globalement ils nous ont demandé quelles étaient nos problématiques, on les a données, mais ils n'ont pas pu faire grand-chose. C'est pour ça qu'avoir un député de la majorité, c'est plus intéressant pour avancer. Après, il faut voir à quelle majorité et dans quelle direction avancer, ça, c'est autre chose. 

En cas de duel entre le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, avez-vous l'intention de donner des consignes de vote ?

Il faut arrêter de dicter aux gens ce qu'ils doivent voter. On l'a vu dernièrement avec les joueurs de l'équipe de France, qui feraient mieux de jouer au football que de faire de la politique. Pour les politiques et les journalistes, il faut qu'on arrête de dire en permanence aux gens ce qu'ils doivent faire. Moi, par contre, je vais dire aux élus ce qu'il faut faire pour aider les gens. Il faut renverser le paradigme des choses. Ça ne va pas plaire à tout le monde, mais les médias nationaux, qui nous disent sans cesse qu'on doit voter, en mettant en valeur des faits divers, des agressions, des sujets qui finissent par nous rentrer dans la tête, ce n'est plus possible. Il faut un peu de bon sens, la vie est belle, il faut la vivre. Un député, c'est un des plus beaux métiers, il représente le peuple et il doit porter la parole de tous ceux de la circonscription et plus que jamais aujourd'hui. Aujourd'hui, c'est opposition contre opposition, mur contre mur.

Propos recueillis par Sacha Virga

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