Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 05.07.2024 - Propos recueillis par Corentin Corger - 4 min  - vu 963 fois

L'INTERVIEW Enzo Giorgi : "J'aurais préféré perdre sur la piste"

Enzo Giorgi

Enzo Giorgi n'ira pas aux Jeux

- Photo Corentin Corger

L'Alésien et escrimeur handisport, qui fêtera ses 24 ans à la fin du mois, revient sur sa non participation aux Jeux Paralympiques et en explique les raisons extrasportives. 

Objectif Gard : Vous ne participez pas aux Jeux Paralympiques de Paris, pourquoi ? 

Enzo Giorgi : La dernière étape avant les Jeux, c'était la sélection au championnat d'Europe. Il y avait six sélectionnés pour la France, moi j'étais le quatrième mieux classé mais les dirigeants ont choisi les cinq autres mieux classés et le septième. J'ai appris la nouvelle sur Facebook, je n'ai pas reçu de coup de téléphone. Quand j'ai écrit à la fédération, on m'a répondu que je ne remplissais pas les critères. Comment des personnes derrière moi au classement peuvent mieux répondre aux critères que moi ? La question a été trop compliquée car je n'ai pas eu de réponse. Le championnat d'Europe est une compétition importante avec un gros coefficient, si on n'y participe pas, on n'a pas de chance d'aller aux JO. Sans aller à cette épreuve majeure, j'avais trop de points de retard par rapport aux autres, c'était irrattrapable. 

Pensez-vous qu'il y est un complot contre vous ? 

Je ne pense pas. Malheureusement, le septième qui a été sélectionné est directeur sportif dans le club où le sélectionneur entraîne, ça aide peut-être. En tant que sportif, mon rôle est d'être performant au haut niveau. Le rôle d'un sélectionneur est de sélectionner mais assumer c'est choix cela fait aussi partie du métier. Qu'il n'appelle pas le 20e français, je pense qu'il s'en doutait. Quand il saute le quatrième pour repêcher des mecs derrière lui, ça aurait mérité un coup de téléphone, même si je n'aurais pas été d'accord dans tous les cas. Au moins, j'aurais eu une explication. Là on dirait qu'ils ont honte ou qu'ils ont quelque chose à se reprocher. S'ils sont droit dans leur basket, pourquoi ils ne m'appellent pas ? Ils m'expliquent et on passe à autre chose. Mais là de rester dans ce silence après tout cet investissement de plusieurs années, je trouve ça petit de balayer le travail d'un athlète. 

"On ne m'a pas laissé ma chance"

Que ressentez-vous d'être privé de la sorte d'un tel événement ?

Il ne faut pas non plus se leurrer. Aller au championnat d'Europe ne me garantissait pas d'aller aux Jeux. En y allant, je pouvais toujours espérer. J'avais un profil de Paris 2024. Ne pas y aller, je savais que ça faisait partie des cas de figure. Je n'ai pas en travers le fait de ne pas y aller. Si j'avais perdu, j'aurais été le premier à leur serrer la main et leur dire : bien joué, vous avez été meilleurs que moi ! Là on ne m'a pas laissé ma chance jusqu'au bout. J'aurais préféré perdre sur la piste. 

enzo giorgi
Le Gardois était déterminé à aller aux JO • Photo DR

On sent que la déception est toujours forte, n'est-ce pas ? 

Oui la déception est toujours forte, c'est quand même un investissement quotidien. L'échec ce n'est pas un problème, cela fait partie de la vie d'un sportif. Mais la manière de priver un sportif d'une telle compétition, je trouve ça vraiment limite surtout quand aucune raison n'est donnée. Le dernier message de la commission escrime que j'ai reçu c'est pour penser à m'inscrire au championnat de France. Je suis dans l'incompréhension. 

"Je n'ai pas que des copains après tout ça"

Quel impact cet événement aura sur la suite de votre carrière ? 

Je me laisse le temps de l'été, c'est quand même quelque chose qu'il faut digérer. Ce n'est pas facile à avaler, je ne vais pas dire le contraire. Après, l'escrime reste ma passion, j'en fais depuis tout petit. Mais dans ces conditions, ce n'est pas l'escrime que j'aime. Moi c'est l'escrime avec les valeurs du sport que je défends et auxquelles je crois. Si quand tu es devant aux points, on ne te prends pas et on ne te dis rien, tu ne peux plus jouer. On va voir comment ça va évoluer après Paris. Si on me donne les moyens de continuer dans de bonnes conditions, je le ferai. Pour l'instant, il y a plein de points d'interrogation. 

Regarderez-vous malgré tout l'épreuve d'escrime ? 

Évidemment que je les regarderai ! Je n'ai pas que des copains après tout ça. Mais j'en ai quand même de très bons qui défendront leur chance à Paris donc je serai derrière eux. Ils méritent d'être soutenus. La plupart qui y sont n'y sont pour rien à ma non sélection. Ceux qui ont profité de ma non sélection pour faire un peu d'humour déplacé, eux, j'espère qu'ils performeront sinon je serai leur renvoyer l'ascenseur. J'ai vu passer des stories en disant que le talent n'avait pas d'âge avec une petite musique de la feria de Nîmes. Celui qui a été sélectionné à ma place a 63 ans. Ce sont des gamineries, je n'ai pas le temps pour ça. 

Le 15 mai dernier, vous avez eu la chance de porter la flamme à Perpignan. Est-ce une maigre consolation ? 

Non pour être honnête j'aurais préféré ne jamais porter la flamme et aller aux JO. C'est une manière symbolique de clôturer le chapitre de Paris 2024. Ça restera un très bon souvenir. Il pleuvait, j'étais trempé de la tête au pied. Au moment où c'était à moi de porter la flamme, un grand arc-en-ciel est apparu. Je suis conscient de la chance et du privilège que j'ai eu. Une des qualités des sportifs de haut niveau c'est de rebondir, j'espère surtout en avoir la possibilité. 

Propos recueillis par Corentin Corger

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