SALINDRES Fermeture de Solvay : après « le séisme », la mobilisation
L’annonce, le 24 septembre dernier, par le groupe Solvay de la fermeture de son usine de Salindres, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Ce samedi matin, une grande marche a été organisée par la CGT de l’usine vers la mairie de Salindres, à laquelle plusieurs centaines de personnes ont participé.
« La pression doit être mise sur Solvay suite à cette annonce brutale, injuste, un séisme », résume le maire de Salindres Étienne Malachanne. L’annonce, c’est celle de la fermeture du site de Solvay, qui produit du TFA, de l’acide trifluoroacétique, d’ici octobre 2025. 68 emplois directs sont menacés, sachant « qu’un emploi dans la chimie, c’est 4 emplois induits », rappelle l’élu salindrois et vice-président de la Région Occitanie Jean-Luc Gibelin, présent ce samedi.
L’élu régional ne mâche pas ses mots contre Solvay, qu’il accuse de « trahison, par rapport aux engagements annoncés verbalement » par le groupe. « Après la crise (les accusations de contamination aux polluants éternels, ndlr), ils nous ont dit qu’ils allaient investir, nous étions confiants », confirme le président d’Alès Agglomération Christophe Rivenq, qui parle de « surprise et d’agacement ». Alors pour tout le monde, cette décision de fermeture a été un choc, d’autant que « Solvay va très bien, glisse Christophe Rivenq. Le cours de l’action Solvay a pris 1,5 % le jour de l’annonce. »
« Nous avons reçu un appel le lundi 24 septembre à 16 heures nous informant de l’organisation d’un CSE le lendemain à 9 heures, c’est là qu’on a appris la fermeture des trois ateliers de production », rembobine Damien Olry, porte-parole de la CGT-FNIC du site. Une annonce « brutale, sans aucune empathie », affirme-t-il, et ce alors que « cette année, Solvay a donné 400 000 euros à ses actionnaires. »
Alors pourquoi fermer l’usine de Salindres ? « Si certains avaient eu le courage de défendre la production et n’avaient pas hurlé avec les loups, avec une association qui disait que Salindres est le territoire le plus pollué du monde… fulmine Christophe RIvenq en faisant allusion à la polémique déclenchée par l’association Générations futures sur les polluants éternels. Aujourd’hui, on en paie les conséquences, Solvay coupe la branche qui salit son image. » Il poursuit : « ni le gouvernement, ni surtout l’Union européenne ne sont capables aujourd’hui de dire si les TFA sont dangereux pour la santé », alimentant l’idée d’une chasse aux sorcières. « Soit c’est réellement dangereux, et il faut arrêter la production et aider à la transition, soit l’État cautionne la fermeture de Salindres et ferme les yeux sur les importations de TFA », abonde Jean-Luc Gibelin. Des importations venues de Chine, l'usine de Salindres étant la seule à fabriquer des TFA en Europe.
Des TFA utilisés notamment pour produire des médicaments. « Et on nous parle de souveraineté industrielle, de réindustrialisation », souffle Damien Olry, pour qui « concernant les services de l’État, le compte n’y est pas. » Du reste, si Solvay est unanimement pointé du doigt, les regards se tournent aussi vers l’État. « La responsabilité de Solvay est partagée par l’État et le gouvernement, estime le conseiller départemental Patrick Malavieille. Qu’attend le ministère de l’Industrie pour se positionner et faire avancer les négociations ? » Ce vendredi, le groupe communiste du Conseil départemental proposera au vote un voeu de défense des emplois de la plateforme de Salindres.
Sur la manifestation, les avis divergent sur l’avenir du site. Nombreux sont ceux qui pensent que Solvay ne reviendra pas en arrière, et qu’il faut négocier au mieux l’après. D’autres, comme Kyllian(*), cinq ans de boîte, croient encore que « tout peut se faire, Solvay est une multinationale, elle a les moyens. » S’il espère encore conserver son emploi et pas seulement partir avec un chèque, c’est que, comme nombre de ses collègues (la moyenne d’âge à l’usine est de 43 ans, affirme la CGT), il a « des enfants, un crédit » et ne s’imagine pas quitter son territoire pour trouver du travail. « On fait tout pour s’investir pour l’usine, et on nous remercie comme ça », rumine-t-il, avant de parler de « manque de respect » de la part de la direction, qui a « abandonné » son usine. « Je n’ai plus aucun contact avec la direction de Solvay, ni aucune perspective sur le devenir du site », affirme pour sa part le maire de Salindres.
Tous craignent les conséquences de la fermeture sur le bassin d’emploi. « La mort de Solvay, c’est la mort de tout le reste », affirme Jean-Louis Peyren, secrétaire de la CGT-FNIC. La crainte de la contagion existe, surtout pour l'entreprise Axens, qui fait aussi partie de la plateforme de Salindres. « Axens va être directement impactée dans son fonctionnement », explique Étienne Malachanne. D’autant que cette fermeture intervient après « les mines, Alcatel, Jallatte, Richard Ducros, Péchiney », énumère Jean-Luis Peyren. « L’histoire sans fin se répète sur notre territoire », regrette Martine Sagit, de l’Union locale CGT d’Alès, qui dénonce des groupes industriels « dont la seule motivation est la recherche du profit maximal. » « C’est une logique de rentabilité qui ne tient compte ni de l’humain, ni des aspects sociétaux et environnementaux », rajoute Marie Dufresne, de l’Union départementale CGT.
Face à cette situation, « notre seule arme, c’est notre solidarité », souligne Martine Sagit. De fait, les centaines de personnes, peut-être 500 voire 600, qui ont défilé ce samedi, parmi lesquelles de nombreux élus des communes voisines, du Département et de la Région, témoignent de l’attachement d’un territoire à « son site industriel historique, de 180 ans d’histoire », rappelle le maire Étienne Malachanne. Tous promettent de se battre pour que cette histoire perdure, comme le lance Damien Olry : « On ne va pas baisser les yeux, on va se battre, on ne lâchera rien. » Tout à côté, un chant se fait entendre : « Salindres vivra, Solvay paiera. »
(*) Il s’agit d’un prénom d’emprunt.