FAIT DU JOUR Clarins implante une ferme de permaculture et d'agroforesterie sur un domaine détruit par les flammes
À proximité de Nîmes, le groupe Clarins a racheté le domaine Sainte-Colombe dans le but de garantir une qualité optimale des principes actifs végétaux présents dans ses produits de beauté. Principes actifs, agriculture régénératrice et emplois saisonniers sont les nouveaux symboles de cette terre résiliente.
Propriétaire d'un terrain de 15 hectares du côté d’Annecy, l’entreprise familiale française s'offre un nouveau domaine, dans le Gard, afin de garantir un approvisionnement responsable en matières premières destinées à ses produits cosmétiques. « Tous nos produits utilisent des extraits de plantes. Et nous souhaitons maîtriser nos principes actifs végétaux dans le but d'optimiser leur concentration et la qualité de nos cosmétiques, confie Sandrine Milesi, responsable du développement des nouveaux principes actifs du groupe, l’objectif est que dès 2030 nous cultivions un tiers des plantes nécessaires à la fabrication des produits Clarins. »
Miracle à la Chapelle
Été 2019 à Générac. Dans la cour du poste de commandement de crise organisé par les pompiers du Sdis 30, Frédéric Touzellier est assis sur un escalier, complètement abasourdi. La forêt brûle. Pendant treize jours, le maire courage restera comme le pilier de la commune alors que cette tragédie arrachera la vie du pilote de Canadair Franck Chesneau, engloutira 800 hectares, une quinzaine de maisons ainsi qu’une partie du domaine de Sainte-Colombe niché dans un vallon boisé et secret.
C’est contre un mur de flammes de quarante mètres de haut, propulsé vers le sud par le Mistral, que les pompiers se sont battus toute la nuit afin de sauver miraculeusement le mas qui abrite la chapelle d’un monastère cistercien du XIe siècle. Mais le feu a contourné la bâtisse et a dévalé la pente douce, dévorant une bonne partie de la propriété, qui sera de nouveau la proie des flammes en 2022.
« l’objectif est que dès 2030 nous cultivions un tiers des plantes nécessaires à la fabrication des produits Clarins »
Sandrine Milesi
Jean-Claude Mirabel et sa sœur Nathalie avaient construit un Resort haut de gamme niché en pleine nature gardoise. Une trouée, semblable à un coup de griffe céleste, au cœur des vignes du plateau des Costières, aux sols de galets, d’argile et de sable. Un sanctuaire de tranquillité dévasté par les flammes à deux reprises ces dernières années… L’homme, qui avait acheté le domaine en 2009, a finalement jeté l’éponge et passé le flambeau au groupe Clarins au mois de février 2024.
Petit coin de paradis
Sainte-Colombe, une propriété plantée sur 115 hectares de nature, nichée entre les communes de Saint-Gilles et de Générac, au sein d’un vallon qui débouche sur les vignes des Costières, puis sur l’étang somptueux du Scamandre, en pleine Camargue gardoise. L’écrin tellurique et magique abrite de nombreuses espèces sauvages, faune et flore. De nombreux oiseaux comme des rosiers roller, des rapaces ou des hérons traversent le vallon. L’aigle de Bonelli a probablement niché dans le coin. Le guêpier d’Europe, un magnifique oiseau cavernicole au plumage coloré, habite le site, ainsi que quelques orchidées. La genette, ce petit animal élancé qui rappelle le chat par son élégance et son pelage tacheté, a également élu domicile dans ce petit coin de paradis.
C’est dans cet écrin que le groupe Français a décidé de cultiver son jardin. Au-delà de la maîtrise de sa production, Clarins souhaite développer son expertise sur les plantes. De la plantation à la cueillette, en passant par la culture. À Annecy, les espèces cultivées sont résistantes au froid, sous la neige. « Ici, nous sommes venus chercher des plantes qui vont résister à la sècheresse. Des plantes à huiles essentielles comme la lavande, le thym, le romarin, et d’autres plantes médicinales », indique Sandrine Milesi.
« Ici, nous sommes venus chercher des plantes qui vont résister à la sècheresse. Des plantes à huiles essentielles comme la lavande, le thym, le romarin, et d’autres plantes médicinales »
Sandrine Milesi, responsable du développement des nouveaux principes actifs
L’agronome, titulaire d’un doctorat, est spécialiste des relations entre les modes de culture et la composition chimique nécessaire aux cosmétiques. Elle souhaite utiliser les plantes existantes sur l’exploitation, mais également y ajouter une cinquantaine d’espèces, comme la camomille matricaire ou des arbres fruitiers afin de fabriquer de l’huile d’amande et de noyau d’abricot. Si la culture et la cueillette se feront dans le Gard, c’est le laboratoire de Pontoise qui analysera les prélèvements.
Agro vertueuse
Le groupe familial français va pratiquer l’agriculture régénératrice, qui consiste à restaurer la qualité des sols en introduisant plus de vie et de biodiversité. C’est la culture et l’apport de matière organique qui permettra au sol d’être plus riche, plus fertile et de séquestrer naturellement plus de carbone et d’eau. Une approche durable et respectueuse de l'environnement visant à garantir la qualité optimale des principes actifs végétaux et donc du produit de beauté.
Cet endroit en pleine résilience, qui n’a pas été cultivé depuis 30 ans, s’apprête à devenir une véritable ferme, dans laquelle seront expérimentées permaculture et agroforesterie. Le groupe a recruté un couple d’agriculteurs jurassiens, venus s’installer à Sainte-Colombe, avec pour mission de faire revivre le vallon et de replanter : Thibaut Joliet (formateur et consultant) déjà intervenant sur le site de Haute-Savoie, et Marie Maisonneuve (responsable d’exploitation). Dans le Gard, une cinquantaine d’hectares seront exploités contre un seul du côté d’Annecy. Nathalie Mirabel, l’ancienne propriétaire, s’occupera de la partie accueil et administration. Heidi est resté également. Il travaille sur le domaine depuis plus de dix ans et s’occupe de toute la partie paysagisme.
« Une âme se dégage de cet endroit, ce vallon. Pourtant, le niveau était élevé avec notre domaine dans les Alpes. À Sainte-Colombe, nous produirons par exemple de l’huile de rose. Il y aura beaucoup de cueillette manuelle. On aura besoin de saisonniers », explique Sandrine Milesi.
Par les aménagements de terrasses, de petites mares et de fossés, les fermiers expérimentaux, désormais Gardois, interceptent l’eau sur les pentes de l’exploitation, afin de la conserver. « Cette eau si précieuse, destinée à l’arrosage, est ainsi gardée dans le sol, en infiltration plutôt que par du ruissellement », souligne Thibaut Joliet, qui travaille en collaboration avec un hydrologue. Les bornes de raccordement au petit Rhône déjà présentes viendront compléter l’arrosage par un goutte-à-goutte.
Avant la cueillette
Aujourd’hui, avant de semer des plantes médicinales, ces agriculteurs du XXIe siècle préparent et enrichissent le sol gardois. Par exemple, sous l’œil bienveillant de la petite chapelle, un champ de sorgo capte aujourd’hui du CO2 et prépare l’avènement de vers de terre, bactéries et autres champignons. Un cabinet d’études a analysé plusieurs expositions et types de sols : galets, argile ou sable… Plus de trente parcelles ont ainsi été identifiées. Les espèces sont plantées dans différents endroits en fonction des résultats obtenus.
Ensuite, les plantes seront cultivées en bandes de culture d’une largeur de 1,20 mètre sur des parcelles bien définies. Un système de planches permanentes sera installé afin de limiter les passages de tracteurs sur les zones cultivées. À la fin de l’automne, les premières graines ont été semées. Lavande, romarin, roses…
L’entreprise souhaite devenir un véritable acteur local, en utilisant les services de sous-traitants ou en embauchant des saisonniers pour la cueillette par exemple. En acquérant cette propriété, Clarins s’engage à ce que le foncier soit préservé. Ainsi, la société va conclure un contrat ORE (Obligation réelle environnementale) pour Sainte-Colombe, à l’image de celui conclu en 2022 au Domaine de Serraval afin d’en sanctuariser la vocation environnementale pendant 99 ans.
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