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Publié il y a 5 mois - Mise à jour le 10.06.2024 - Boris De la Cruz - 5 min  - vu 2039 fois

ASSISES L’ex-roi des poubelles Richard Perez : entre ombre et lumière

richard perez

À l'ouverture du procès d'Assises ce lundi 10 juin 2024. Richard Perez, l'ex roi des poubelles de Nîmes, avec ses avocats maître Gilles Gauer et Maître Fabien Perez. 

- Photo B.DLC

Ce lundi 10 juin s'ouvre pour une semaine devant la cour d'Assises du Gard, le procès de 5 accusés. Richard Perez, 59 ans, l'ex roi des poubelles de Nîmes est renvoyé devant la juridiction criminelle présidée par Laurène Dorlhac pour la tentative d'assassinat de celui qui était considéré comme le parrain de la ville. Des faits qui sont niés par les accusés. Voici ci-dessous, le long papier publié dans le magazine Objectif Gard....

L’ex-roi des poubelles de Nîmes, déjà connu de la Justice, a rendez-vous pour la première fois de sa vie devant les jurés. Il comparaît, avec quatre autres « complices », devant la cour d'assises du 10 au 14 juin pour « tentative d’assassinat ». Il est soupçonné d’avoir voulu faire exécuter le parrain de Nîmes. Il nie catégoriquement les faits. Un procès criminel sans que la victime désignée du règlement de comptes ne se soit constituée partie civile.

Un personnage de la cité nîmoise

Il faut le voir déambuler dans les rues de Nîmes, à serrer les mains et à faire la bise à la volée. Il ressemble à un élu en pleine campagne électorale. La bonhommie des hommes de terrain, des "comment vas-tu" en permanence, des accolades de grands copains. Richard Perez ne laisse personne indifférent. Nîmes est son terrain de jeu, mais aussi son terrain de ruine. Il a beaucoup gagné… et perdu au pied des arènes. Des années de libertés confisquées par des condamnations judiciaires et cette audience qui avance à grands pas et qui pourrait lui coûter encore de nombreuses années de prison*. Il comparaît en ce mois de juin 2024 pour "tentative d’assassinat en récidive", il est soupçonné d’être le commanditaire d’une tentative d’exécution avortée de celui qui était considéré comme le parrain de la ville.

Une tentative d’exécution près du golf

Dans les faits, il y a plus de onze ans, le 22 février 2013 précisément, il est près de 21h lorsque des coups de feu retentissent près du golf de Vacquerolles, à deux pas du rond-point qui permet d’emprunter l’axe privé allant vers le green. Des coups de feu qui visent les policiers. Ces derniers avaient été appelés à la rescousse par des riverains surpris de voir des individus aux visages cachés, dissimulés dans des fourrées. Lorsque la brigade anticriminalité arrive, les tirs éclatent. Un malfaiteur fait feu en direction d’un policier à deux reprises selon les investigations. Le policier réplique plusieurs fois, sans toucher l’homme qui parvient à s'échapper par le golf.

Un autre homme est interpellé immédiatement, il se dissimule sous une haie à proximité... Il a le visage caché par une cagoule et porte arme sur lui… « Je suis juste le chauffeur », répète l’individu qui prétend se nommer Hakim H.

Rapidement les enquêteurs vont acquérir la certitude que ce commando avait pour but d’éliminer Raymond H, considéré à l’époque comme le parrain de Nîmes. Ce dernier vivait dans la résidence la plus proche du lieu de découverte des individus. Un homme, « membre influent du banditisme nîmois » selon les autorités de l’époque. Raymond H a expliqué en procédure qu’il avait entendu ce soir-là les coups de feu, mais qu’il n’était au courant de rien. D'ailleurs, il ne s’est jamais constitué partie civile dans cette affaire et ne sera pas présent sur le banc des victimes aux assises.

"C’est un procès particulier qui intervient onze ans après les faits, avec mon client qui est poursuivi pour une tentative d’assassinat sur quelqu’un qui ne se sent pas concerné par le dossier. Et en plus il n’est même pas partie civile", s'étonne maître Patrick Gontard, avocat de Hakim H. 

Cet homme originaire de la région lyonnaise, interpellé ce soir d'hiver 2013, va indiquer dans un premier temps qu’il était là pour surveiller le petit ami de son ex-femme. Son téléphone portable sera épluché lors de ses déplacements… Justement, dans ses contacts, les enquêteurs de la PJ "tiltent" sur un prénom "Richard"… Le numéro correspond à celui de Richard Perez, ensuite considéré comme le commanditaire de la tentative d’exécution du parrain.

Un autre homme, considéré comme la personne qui a tiré sur le policier, sera lui aussi devant les jurés gardois. Tous les mis en cause réfutent les accusations de tentative de meurtre ou d’assassinat.

Dans ce dossier, Richard Perez est donc considéré par les enquêteurs comme le commanditaire de cette expédition punitive visant le parrain de Nîmes. Il a toujours farouchement nié toute participation.

Le sens des affaires

À 59 ans, on ne présente plus Richard Perez dans la cité antique. Il a grandi ici, il a tous ses souvenirs dans cette ville et aussi ses plus grands succès professionnels. Lorsqu’à une vingtaine d’années, il "arrache" au nez et à la barbe des grands groupes le marché des poubelles de la ville de Nîmes, il exulte. Lui qui a quitté l’école tôt, se retrouve avec son père à la tête d’un empire. Des centaines de personnes travaillent sous ses ordres.

« Ce marché des poubelles, c’est son idée, il a compris qu’il fallait une reconversion de l’entreprise familiale des travaux publics. En 1988, il a pris part aux travaux de remise en état de la ville de Nîmes, lors des inondations. Ces jours-là, il a compris qu’il ne fallait plus faire dans les travaux publics mais s’intéresser à des marchés longs et prospères. Il a su qu’il fallait se diversifier dans le ramassage des ordures avec des contrats longs de plusieurs années avec les collectivités territoriales », souligne un témoin de cette ascension fulgurante. Car si le père, Roger, est dans le monde des travaux publics, l’empire Perez va exploser avec le fils Richard en mettant la main dans les ordures ménagères. « On peut lui reprocher beaucoup de choses à Richard, mais il a 30 000 idées dans la journée, il est gros bosseur et travailleur. Il se lève tôt comme on dit et c’est quelqu’un de parole. Il aurait fait des études, il aurait brillé c’est certain », estime un même témoin. « Il n’a jamais trahi ses amis. Après, il a sa part d’ombre c’est sûr, mais certains qui ont eu de beaux parcours lui doivent beaucoup et ils lui ont tourné le dos », poursuit ce personnage du mundillo nîmois. « De nombreux problèmes de Richard sont liés à l’univers puant des poubelles. C’est un monde de requins et il a eu affaire à des mastodontes des affaires qui sont sans foi ni loi. Lui était grand localement, mais petit face à des multinationales, à long terme il ne pouvait pas gagner », complète un autre personnage de la capitale gardoise.

« Il faut aussi se remémorer l'époque : les années 80, les années fric, les années Tapie. C’est à ce moment-là que Richard a récupéré à Nîmes le marché des poubelles. Ce que je peux dire, c’est qu’il n’a jamais trahi ses amis d’enfance et ces derniers lui sont également restés fidèles sans cautionner pour autant ce qu’il a fait », confie un autre homme qui connaît Richard Perez depuis le temps des culottes courtes. « Il est resté le même, il a toujours tendu la main. Les petites mains, justement, l’appréciait lorsqu’il était le roi des poubelles ».

Malgré ces témoignages presque dithyrambiques, inutile de dire que la part d’ombre de l’ex-roi des poubelles va le ramener aux assises où il risque gros, même s’il estime depuis le début qu’il n’a rien à voir de près ou de loin dans la tentative d’exécution du parrain de Nîmes. 

*Maître Valérie Devèze, avocat des policiers parties civiles dans ce procès, n’a pas répondu à nos sollicitations avant le procès. Maître Gilles Gauer, un des avocats de Richard Perez, a souhaité réserver ses explications aux jurés.

Boris De la Cruz

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