FAIT DU SOIR « La balle a traversé mon cou », une victime collatérale du trafic de drogue témoigne
Le miraculé de Pissevin, atteint d’une balle dans le cou tirée à bout portant, répond à nos questions…
Miraculé, c’est le mot qui vient lorsqu’on parle de Walid, ce jeune étudiant en cinquième année de pharmacie. Une victime collatérale du trafic de stupéfiants au quartier de Pissevin à Nîmes. Ce jeune homme de 23 ans était « au mauvais endroit au mauvais moment » pour reprendre les propos récents d’un magistrat. La jeune victime est éternellement touchée dans sa chair, dans sa tête, car le tireur lui a logé une balle dans le cou. Le « miraculé » a accepté de répondre à nos questions. Interview.
Objectif Gard : Blessé par balle, vous êtes passé très près de la mort. Comment allez-vous maintenant ?
Walid : Je ne suis pas totalement rétabli, j’ai du mal à évacuer cette violence. J’ai toujours des soins psychologiques. Je suis resté 25 jours à l’hôpital de Nîmes, deux jours en réanimation et le reste en ORL. Je tiens d’ailleurs à remercier toutes les personnes qui se sont occupées de moi, les soignants, les policiers qui ont été d’un très grand réconfort, c’est important pour moi de le dire. Pour ma blessure, je ne comprends pas comment quelqu’un peut tirer sur un autre sans être certain de sa cible, sans être certain de viser la bonne personne. Un enfant de 10 ans est mort à Pissevin il y a quelques jours et moi, quelques temps avant, j’ai été blessé à quelques mètres de là, après avoir reçu une balle au niveau du cou.
Retour sur cette soirée-là. Que faisiez-vous à Pissevin ce 19 octobre 2022 vers 19h30 ?
Après avoir quitté l’Ukraine au début de la guerre où j’étais étudiant en pharmacie, je me suis refugié chez ma sœur et mon beau-frère qui vivent ici. J’étais à Nîmes depuis quelques mois à peine, et ce soir-là j’allais à la mosquée comme je le fais de temps en temps.
Alors que vous êtes à côté de la mosquée, vous êtes pris pour cible. Comment l'expliquez-vous ?
Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai été visé. Je ne participe pas au trafic et je ne suis pas consommateur. Le tireur était à un mètre, un mètre cinquante de moi. Il était caché derrière un mur. Moi, j’étais dans mes pensées et je ne l’ai vu qu’au dernier moment sans vraiment me méfier. Je ne pouvais pas imaginer qu’il allait me tirer dessus. On ne s’est jamais parlé ou même regardé, il était sur le côté et je ne faisais pas attention à lui. J’étais à quelques mètres de la mosquée lorsque je me suis rendu compte que la personne qui se cachait me suivait. J’ai tourné la tête et là j’ai vu une lumière, le coup de feu en réalité.
Vous avez été blessé, quels sont vos souvenirs ?
Après le tir je suis tombé et il a cru que j’étais mort. Il est parti en courant. Si j’avais bougé, je pense qu’il aurait continué à tirer. Il a tiré près de moi en visant ma tête, il a tiré pour me tuer, pas pour me faire mal ou me blesser. Il m’a probablement pris pour quelqu’un d’autre mais c’est à lui qu'il faudrait demander.
Vous souvenez-vous des secondes et minutes après le coup de feu ?
J’étais conscient, il y avait beaucoup de sang. J’ai été rejoint sur place par un guetteur qui avait une cagoule qui cachait son visage. Ce garçon s’est avancé vers moi, il m’a demandé mon portable. Je ne bougeais pas, je pensais qu’il voulait me voler mon téléphone. Mais non, il a appelé la police et les secours et ensuite j’ai été emmené à l’hôpital.
La balle a été tirée sur quelle partie de votre corps ?
Au niveau du cou. La balle a traversé mon cou de gauche à droite et elle est ressortie. Je ne pouvais plus parler car mes cordes vocales étaient touchées. Mais malgré ça, je suis conscient d’être un miraculé. Je pouvais mourir ou être handicapé à vie.
Avec le recul, que pensez-vous de ce qui se passe dans les quartiers ?
Les gens dans ces quartiers ont le droit de vivre sans cette crainte de se dire qu’ils peuvent prendre une balle. C’est pour moi de l’incompréhension de tirer comme ça pour rien, pour effrayer peut-être, mais presque les yeux fermés. Je n’ai pas pris de balle près d’Odessa en Ukraine où j’étudiais, mais à Nîmes oui ! Je suis passé à quelques millimètres de la mort. Jamais je n’aurai pensé vivre ça ici en France, mais Pissevin ce n’est pas la France, c’est l’Ukraine (ajoute l’étudiant en souriant malgré le stress qui l’envahit en racontant cette journée, NDLR)
Aujourd’hui, comment vivez-vous et avez-vous repris vos études ?
Oui, je poursuis mes études en visio avec l’Ukraine. J'étudie tous les jours de la semaine de 7h à 13h. Je suis en cinquième année. L’année prochaine, je retourne au Maroc, pays où je suis né et où j’ai grandi pour exercer. Je ne resterai pas en France.