GARD Disparitions, assassinats, droit pénal des affaires : Maître Mimran quitte la scène judiciaire
La discrète et efficace pénaliste prend sa retraite après 40 ans d’exercice jour pour jour.
Quel peut-être le lien entre les disparitions de Lucas et d’Antoine qui ont tant défrayé la chronique dans le Gard ? Quelle relation peut-il y avoir entre l’adolescent meurtrier Matthieu condamné pour avoir tué Agnès Marin et la tuerie du Sofitel à Avignon au début des années 80 ?
La seule connexion entre ces dossiers est la présence de maître Isabelle Mimran. En défense comme en partie civile, elle était de tous les grands procès, de toutes les grandes affaires ou énigmes judiciaires.
Isabelle Mimran la discrète fuit la presse et les honneurs. Depuis son départ à la retraite le 20 décembre dernier, un concert de louanges accompagne celle qui a marqué plusieurs générations de pénalistes.
« Elle aime partager son expérience. Elle est d’une grande technicité mais elle a aussi des talents oratoires évidents », affirme Maître Baptiste Scherrer.
40 ans qu’elle bosse à la perfection ses dossiers, « il faut les connaître sur le bout des doigts », avoue-t-elle dans un rare moment de confidence avant de se rappeler, sur les marches de la vieille cour d’appel de Nîmes, les affaires qui ont marqué sa carrière.
Cette passionnée de musique et d’équitation a débuté le 20 décembre 1983 et déposé la robe le 20 décembre 2023. Sa dernière affaire est le procès aux assises d’une jeune mère de famille accusée d’avoir commis des violences mortelles qui ont entraîné la mort de son bébé.
Des débuts avec Marcel Lobier
Le 20 décembre 1983, elle prête serment au barreau de Nîmes le matin, et son mentor, Maître Marcel Lobier « qui (lui) a tout appris » l’envoie plaider l’après-midi dans le Vaucluse. Un dossier qu’elle qualifie d’ « imperdable ». « Je me souviens le trajet avec ma 2 CV et le mal au ventre qui m’étreignait ce jour-là », sourit-elle, quatre décennies plus tard, alors que ses confrères et de nombreux magistrats viennent la saluer pour son départ à la retraite. Ce vendredi 22 décembre, elle porte la robe noire pour la dernière fois… Comme un symbole, la pénaliste nîmoise est, ce jour-là, aux premières loges à la cour d’appel de Nîmes pour accueillir les jeunes avocats venus prêter serment.
L’abolition de la peine de mort et Badinter
Elle se souvient des affaires qui lorsqu’elle était lycéenne ou étudiante lui ont donné l’envie d’épouser la carrière d’avocat. Avec un bac scientifique en poche, elle file en droit : « une première année de fac magique, pour moi le droit me permettait de découvrir le monde. J’avais trouvé ma voie », se remémore l’auxiliaire de justice. Elle regarde aussi les grands évènements du monde avec un avocat qui va marquer son esprit, un certain Me Klaus Croissant, avocat d’un terroriste dans la période de la « bande à Bader » des années 70. Elle se passionne pour le combat en faveur de l’abolition de la peine de mort et assiste à une conférence de Robert Badinter. « Je me souviens parfaitement du matin où j’ai entendu à la radio la mort de Christian Ranucci, condamné à mort et guillotiné aux Baumettes en juillet 1976 », complète-t-elle, le visage encore marqué par cet évènement.
Puis, petit à petit, l’étudiante avance dans ses études de droit et la profession d’avocat lui ouvre les bras. De nombreuses dossiers criminels ont marqué sa vie professionnelle alors qu’elle avait comme bagage juridique des compétences commerciales et en droit des affaires. Elle va se spécialiser par le biais des commissions d’office avec ce droit pénal qui ne la quittera plus.
Massacre à Avignon
Son premier procès marquant se déroule à Avignon au milieu des années 80. Il fait suite à un massacre en août 1983 avec 7 innocents tués dans un hôtel. La tragédie du « Sofitel » une affaire qui garde encore une part de mystère va permettre à l’avocate nîmoise de représenter la veuve d’un barman tué. « Il a laissé une veuve et une petite fille », témoigne avec émotion Me Mimran.
On ne compte plus ensuite les procès dans lequel la pénaliste nîmoise intervient. Notamment celui d’une jeune femme accusée de l’assassinat de son mari... Une jeune femme violée alors qu’elle était mineure et qui a finalement épousé son violeur avec qui elle a eu un enfant. Ou encore le procès très médiatique de Matthieu, cet adolescent gardois qui a tué la jeune Agnès Marin au collège du Chambon-sur-Lignon. Sans oublier le procès auprès de la jeune épouse qui avait été énuclée à Nîmes par son mari.
Lucas et Antoine et le drame des familles
Des grands procès, mais aussi l’accompagnement de familles en souffrance comme celle de Lucas Tronche ou Antoine Zoia. « Des familles qui vivent cette terrible épreuve de ne pas savoir ce qu’est devenu leur enfant. Des années en se demandant si son fils est mort, il n’y a rien de plus dramatique et d’éprouvant », insiste maître Mimran. Mais il y a aussi ces moments de joie intense. « Pour un avocat entendre que son client est acquitté reste un moment inoubliable dans une carrière ». La pénaliste se souvient notamment d’un homme qu’elle défendait et qui avait été condamné pour meurtre à 15 ans en première instance : « il a été acquitté en appel puisque la légitime défense avait été retenue ».
Elle restera une référence
Pour Maître Scherrer, « Isabelle Mimran a incontestablement marqué de son empreinte le barreau de Nîmes et elle le marquera encore très longtemps. À ceux qui comme moi pratiquent la matière pénale elle manquera énormément ». Il résume ainsi ce que pense de très nombreuses robes noires du sud de la France… Dans la magistrature comme auprès des avocats, Isabelle Mimran restera une référence.