La victime arrive à la barre avec son CV prestigieux. Elle est analyste financière dans une grosse structure, et elle est passée par des études d’élite « maths sup » et « maths spé »... Un parcours qui ne préserve toutefois pas de tomber entre les griffes d’un manipulateur, d’un guide spirituel qui profite d’un moment de fragilité pour entrer dans votre vie, la briser même. C’est le cas de Nathalie* qui évoque avec émotion cette descente aux enfers. Elle voulait sauver son couple, le gourou a détruit sa vie...

Dans le box des prévenus, détenu depuis son interpellation par la Section de recherches de Nîmes en janvier 2023, un homme à la barbe blanche et aux cheveux longs nie toute infraction. « Oui je m’aime, je m’adore (...) Je suis une personne bienveillante que l’on veut diaboliser, dévaloriser (...) j’aide les autres et voilà où je me retrouve », estime-t-il, avec son accent canadien. Cet habitant de Pont-Saint-Esprit à la tête de « Basta International » évoque « de la sensualité lorsqu’il y a de la sexualité forcée », oppose l’avocat de la partie civile. « Il expose qu’il n’est pas un gourou, mais d’après ce que j’entends à cette audience c’est la défense d’un gourou (...) Il ment sur tout encore aujourd’hui, il n’a aucun recul sur ce qu’il a fait. C’est un mythomane de grande volée », plaide maître Maleine Picotin Gueye, conseil de la plaignante. « La loi c’est lui, il est le guide. Il est au-dessus de tout le monde, au-dessus des psychologues ou des psychiatres. Il s’octroie un titre de docteur en psychologie alors qu’il n’a aucun diplôme ». Miram Laflamme, 76 ans, encaisse dans le box, tout en souriant parfois, lorsque le procureur Jean-Luc Vasserot lui rappelle ses propos : « Ouvrez-vous à moi et vous en sortirez grandi », et « ensuite il arrive ce que l’on voit aujourd’hui : une femme détruite, brisée », poursuit le procureur Vasserot.

Le gourou interpellé par les gendarmes

« C’est un leader naturel c’est comme cela qu’il se définit dans sa réalité ». Un gourou interpellé en janvier 2023 après la plainte de cette femme qui a osé frapper à la porte de la gendarmerie après avoir été abusée sexuellement. Miram Laflamme est représenté, sur la page d’accueil de son site, au milieu des flammes comme un Dieu. Un homme qui malgré ses dénégations incessantes, et devant les propos de certains témoins venus raconter à la barre le travail de manipulation du gourou, ne cesse de croire à un complot.

Cette « adepte » qui a saisi la Justice aurait selon lui déposé plainte car elle pense qu’il est responsable de la séparation avec son compagnon. La victime, elle, décrit des actes d’abus sexuel évidents et désigne son agresseur qui est dans le box.

Il évoque des séances de coaching

L’expertise psychiatrique met en avant « une habilité diabolique » et « un exercice illégal et pervers de la médecine », résume le président du tribunal correctionnel de Nîmes, Jérôme Reynes. Le prévenu rejette les expertises et parle encore de son coaching personnel « pour que les autres s’ouvrent ».

« Je n’ai jamais été un gourou, je n’ai jamais eu de secte (...) Je provoque doucement, parfois violemment, c’est dans mon savoir », affirme celui qui se présente en outre comme magicien capable de faire « parler » les cartes ou « bouger » les tables. Un bien étrange personnage qui affirme avoir soigné une « patiente d’un cancer et sans chimiothérapie (...) Elles sont efficaces mes thérapies. À 12 ans j’avais tout lu en psychologie », poursuit-il. Mais « Miram Laflamme est dangereux, car il manipule, il force, il contraint. Il est dans la négation de l’autre, la négation de la loi », estime le procureur Vasserot qui souhaite une sanction à hauteur de 5 ans de prison et une interdiction définitive du territoire français.

Elle remercie le gourou

« C’est une personne de 76 ans sans aucune condamnation, aucune victime, aucune plainte jusqu’à ce dossier. Et on nous parle d’une personne extrêmement dangereuse », s’étonne maître Grégory Saint-Michel pour la défense de Miram Laflamme. « Écoutez les 57 minutes d’enregistrement, écoutez cette audio où on s’amuse et on rit et ensuite on vient évoquer de l’autre côté de la barre une agression sexuelle », poursuit l’avocat parisien. « Il n’y a pas d’emprise ou d’agression sexuelle. Elle remercie par sms Miram Lafamme le soir même lorsqu’elle rentre chez elle après ce week-end chez lui. Et même 15 jours après elle le remercie encore », complète maître Saint-Michel. « Et puis une secte avec seulement 6 membres et sans essayer d’en recruter d’autres... », poursuit le conseil du mis en cause.

"Je suis bien dans mes baskets et dans mon monde. Pourquoi je devrai remettre en question la justesse dans laquelle je suis ?", enchaîne le guide déchu. Ce dernier est finalement condamné jeudi soir à 5 ans de prison avec un maintien en détention. Il est inscrit au fichier des délinquants sexuels et a l’interdiction du territoire français.

*Le prénom a été modifié