Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 02.07.2024 - Boris De la Cruz - 5 min  - vu 3527 fois

NÎMES Affaire Senim : après 18 ans de procédure l'avocat général demande la relaxe de l'élu Franck Proust

C’est ce lundi 1er juillet que Franck Proust, l’actuel président de l’agglomération de Nîmes, poursuit son périple judiciaire devant la cour d’appel de Montpellier. Pour des raisons juridiques déjà évoquées par la Cour de cassation, l'avocat général réclame la relaxe sur le délit de trafic d'influence reproché à l'élu nîmois... 

Beaucoup le croyaient mort judiciairement et politiquement, mais il est encore en vie et se bat comme un lion ce lundi après-midi dans le dossier pénal dit de la Senim. Cette société d’économie mixte dont il fut le président au milieu des années 2000 est au cœur des investigations et de l’épineux problème juridique qui accapare les juges de la cour d’appel de Montpellier, ce lundi 1er juillet depuis 14h.

Si l’affaire est jugée dans l’Hérault c’est que la cour de cassation a « cassé » le jugement de la cour d’appel de Nîmes du 14 avril 2022 qui a condamné Franck Proust à 12 mois de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, une sanction complémentaire synonyme de fin de règne pour l’édile nîmois sanctionné pour "trafic d'influence". Avec le promoteur Jean-Luc Colonna d’Istria, ils ont décidé de se pourvoir en cassation... Et la plus haute juridiction française a estimé que la cour d’appel de Nîmes a prononcé une condamnation irrégulière en prenant comme date pour caractériser le délit de trafic d’influence la fin de l’année 2001 et le début de l’année 2002… Problème : ces dates ne figurent pas sur le renvoi de l’édile devant les tribunaux. La cour d’appel de Nîmes s’est donc saisie, selon la cour de cassation, de faits et de dates pour lesquelles elle n’aurait pas dû statuer pour lier le pacte de corruption qu’a toujours nié avec vigueur l’élu gardois. Une précision juridique capitale sur l'éventuelle sanction du président actuel de l'agglomération de Nîmes. 

D’ailleurs, ce lundi 1er juillet, la première question du président de la cour d'appel de Montpellier est tournée vers cette date et savoir si Jean-Luc Colonna et Franck Proust acceptaient d’être jugés pour les faits de 2001 et 2002 qui ne sont pas dans la prévention initiale. Les deux prévenus refusent catégoriquement… « Monsieur Proust aurait bénéficié d’un bail de location d’une permanence en date du 1er novembre 2001, ce serait la contrepartie du trafic d’influence supposé », estime l’avocat général qui en tire dès le début du procès des conclusions : « Il s’agit d’éléments constitutifs de l’infraction en dehors de la prévention, vous devez entrer en voie de relaxe », estime la représentante du parquet général bien que le dossier sur le fond se poursuive et soit débattu en audience publique de ce jour.

L’affaire débute en 2006

Une affaire qui débute avec des dénonciations en 2006 de l’ancien directeur de la Senim qui révèle à l’autorité judiciaire des anomalies en passation de marché public, notamment autour des travaux du « Triangle de la gare de Nîmes » et de cessions de terrain de la Senim au promoteur Colonna. C’est la chambre régionale des comptes qui ensuite a informé le procureur de Nîmes en février 2008... En mars de cette année, une information judiciaire a été ouverte et les juges d’instruction se sont succédé avec parfois de très longues périodes de calme plat dans la procédure.

Les tribunaux jugent depuis 2021

Franck Proust et le promoteur Colonna, mais aussi d’autres prévenus, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Nîmes en juillet 2021. La juridiction du premier degré a annulé les actes d’enquête et d’information en prenant comme prétexte juridique le « délai raisonnable » de la procédure qui avait été outrepassé. Un délai qui sera rendu raisonnable par la cour d’appel de Nîmes en avril 2022 et qui condamne Franck Proust à 12 mois avec sursis, 15 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité comme peine complémentaire pour ce délit de trafic d’influence. C’est cette décision de la cour de Nîmes qui a été dénoncée par l’élu et ensuite cassée par la cour de cassation.

« Cette affaire a brisé ma vie »

Les juges montpelliérains examinent donc ce lundi 1er juillet cette affaire pénale gardoise qui revient de cassation. D’emblée, le président de l’Agglomération réitère son innocence absolue. « Je n’ai fait que respecter les décisions du conseil municipal de Nîmes, à l’unanimité, je précise », tacle Franck Proust. « À aucun moment, j'ai fait un geste positif pour monsieur Colonna. (...) Est-ce que oui ou non, on a fait une faveur à monsieur Colonna ? Moi, j'affirme que non. Ce dossier a brisé ma vie, ma carrière, mes parents, mes enfants pour un loyer de 146,90 euros », enchaîne l’élu Proust. « Je ne savais pas que monsieur Colonna était le propriétaire à 30 % de ce local de 25 m² et les loyers ont été payés au juste prix », se défend l’édile.

Le président de la cour d’appel correctionnelle de Montpellier évoque ensuite la situation politique de l’époque et un conflit à Droite entre deux hommes, Franck Proust d’un côté et Yvan Lachaud de l’autre. « Monsieur Lachaud parle beaucoup avec des sous-entendus, il ne dit pas que c'est illégal, il dit ce n'est pas habituel », estime le président de la cour d'appel qui évoque « un théâtre d'ombres », dans le Landerneau politique de la Droite nîmoise.

 « Il a changé dix fois d’étiquettes et il n’a pas beaucoup de colonne vertébrale monsieur Lachaud », charge Franck Proust à l’encontre de son ancien copain de la Droite nîmoise évoquant des réglements de compte politique et un éventuel complot à son égard. « Oui, il y avait des adversités au sein de la Droite, mais où est le pacte de corruption évoqué et dénoncé par certains. Il n’y en a pas, je suis victime de rumeurs infondées depuis 20 ans », affirme l’élu combatif face aux questions du magistrat...

"Monsieur Proust, vous êtes alerté que Les trois brasseurs veulent signer directement avec vous et vous signez avec un intermédiaire que se prétend titrer et qui ne l'est pas. Ce n'est pas sérieux vu de l'extérieur, vous auriez pu avertir le conseil municipal", résume le président. "Il y a eu une note pour vous alerter, poursuit le magistrat qui reprend la procédure et s'interroge... "Vous signez avec le promoteur Colonna alors que vous pouvez vendre directement et monsieur Colonna en tire un bénéfice de 200 000 euros immédiatement, plus 60 000 euros sur 30 ans. Cela soulève des questions quand même", poursuit le président qui place des questions percutantes face à un Franck Proust qui nie toujours le moindre caractère illégal dans ce dossier et qui se défend sur l'enemble des points.  

"Je n'ai même pas offert un stylo à monsieur Proust"

L'ex-promoteur immobilier Colonna refute également la moindre infraction. "J'ai acheté un terrain à un prix convenu (...) et je n'ai même pas offert un stylo à monsieur Proust, il n'y a eu aucune contrepartie"

"Aucun élément constitutif d'une infraction ne peut être retenu dans ce dossier", certfie Maître Guillaume Barnier pour le promoteur immobilier prévenu.  "Il n'a pas bénéficié d'un traitement de faveur (...) Je vous demande avec une très grande conviction de relaxer monsieur Colonna", poursuit maître Barnier.  

"Il s'agit de l'acte quatre des procédures pour manquement à la probité publique de l'ère Proust et Fournier", tonne de son côté l'avocat de l'association Anticor, maître Stéphane Fernandez. 

Pas de condamnation pour un motif juridique pour le parquet général

"Vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation pour un motif purement juridique", réitère l'avocat général qui ne s'épanche pas sur le fond du dossier. Sur le banc des prévenus, Franck Proust et Jean-Luc Colonna d'Istria sont soulagés par ces réquisitions. 

Le calvaire de Franck Proust 

"Je plaide pour quelqu'un qui a été traîné dans la boue depuis 20 ans. Il a connu le calvaire et le supplice Franck Proust, il a été présenté comme le malfaisant, comme celui qui abuse de l'argent public, dénonce maître Philippe Expert. C'est une honte la manière dont il a été jugé (...) pour une petite querelle politique locale", confie le pénaliste gardois qui cible un autre élu de Droite et une ancienne salariée de la Senim dont le mari s'est présenté aux élections il y a quelques années au moment où le dossier de la Senim a éclaté.  "Vous ne pourrez pas le condamner. Je veux qu'il lui soit rendu justice à Franck Proust, que la page soit tournée", conclut Maître Expert. "Car il faut se rendre à l'évidence que ce dossier ne récèle aucun élément qui constitue un trafic d'influence".

Après 7h de débats judiciaires, les magistrats annoncent que le délibéré sera rendu le 12 septembre prochain....

Boris De la Cruz

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