L'INTERVIEW Alain Guyard, Cabri d'Or 2024 : « Recevoir ce prix me rend profondément heureux »
Il a provoqué les rire sincères de la salle entière lors de son discours à la remise du prix du Cabri d'Or. Co-lauréat cette année pour « Ma cabane sans peine », Alain Guyard, caricaturiste et philosophe au style singulier et résolument décalé, se confie après sa victoire.
Objectif Gard : Vous êtes co-lauréat du Cabri d’Or 2024. Qu’est ce que cela représente pour vous ?
Alain Guyard : Je suis très honoré et touché. Je ne suis pas un grand familier des prix littéraires ; j’ai eu un prix Brassens, un prix lycéen… Ce que j’apprécie particulièrement dans ces « petits prix », sans retentissement majeur, c’est leur intégrité. Ils échappent aux jeux de pouvoir et aux compromissions qui peuvent exister autour des grands prix nationaux. Il y a une véritable spontanéité, une sincérité, un rapport direct au texte, sans l’influence d’enjeux éditoriaux ou politiques. Je reste toujours attaché aux « petits lieux » et aux initiatives locales ; pour moi, c’est là que les choses peuvent réellement bouger. Recevoir ce Cabri d’Or me rend profondément heureux. J’ai déjà eu l’honneur d’être nommé citoyen d’honneur dans deux lieux-dits, deux hameaux. Et sans exagérer, cela me fait frétiller de toutes mes extrémités !
Pourriez-vous nous expliquer la genèse de « Ma cabane sans peine », ce titre qui vous a valu le Cabri d'Or, ainsi que l'histoire particulière qui l'accompagne ?
Je cherchais un endroit où me retirer pour écrire, et voilà que je tombe sur un petit mazet de 20 m² près de Génolhac, entouré de 2 000 m² de forêt, avec une rivière au bout. Je l’achète. Presque aussitôt, une question surgit : qu’est-ce que je vais bien pouvoir écrire ici ? J’avais trouvé le lieu pour écrire, mais sans savoir quoi écrire. Et spontanément, je me suis mis à écrire sur le fait d’être dans le mazet pour écrire. Une mise en abyme des plus simples. Ainsi, j’ai noirci des pages consacrées au fait d’écrire des pages sur ce mazet, où j'étais en train d'écrire des pages consacrés au mazet.
Les Cévennes semblent être une source d’inspiration profonde pour vous. En quoi ce territoire nourrit votre inspiration et votre créativité ?
Les Cévennes sont une source d’inspiration pour celles et ceux qui savent observer avec attention. Bien sûr, on peut se faire une image des Cévennes, s’en faire une carte postale et passer à côté de leur véritable essence, comme pour tout lieu. Mais au fond, qu’est-ce que l’écriture requiert de celui ou celle qui veut écrire ? L’art de viser, comme avec une arme. Cela dit, cette image me plaît peu : j’ai un penchant pour l’attitude potache, j’aime ricaner, caricaturer. Caricaturistes et tireurs partagent d’ailleurs une qualité essentielle, à savoir un regard aiguisé, capable de voir au-delà des apparences.
« les Cévennes offrent du bon fromage de chèvre et cultivent une vieille tradition de résistance, un peu de Gauche, donc forcément sympa. »
Alain Guyard, Cabri d'Or 2024
Pourquoi les Cévennes sont-elles inspirantes ? Parce que j’ai réussi à les voir, à aligner mon regard, affiner la pointe du crayon et saisir leur vérité. Elles sont habitées de personnages improbables et surprenants, et la nature y est époustouflante. Mais sans manquer de respect aux Cévennes, j’aurais sans doute pu trouver cela en Corse, en Yougoslavie ou dans la grande ceinture parisienne. En plus, les Cévennes offrent du bon fromage de chèvre et cultivent une vieille tradition de résistance, un peu de Gauche, donc forcément sympa.
Vous avez remporté le Cabri d’Or et pour la première fois, il faut bien le dire, vous partagez le prix...
J’adore que le prix ait été partagé, c’est très sympa. J’aime bien les œuvres bicéphales ! Je suis très heureux de ce double lauréat, et cela montre bien la diversité de l’édition actuelle : on y trouve du manga, de la bande dessinée, des romans, des récits historiques et de la satire, comme dans mon cas... Plus il y a de variété, plus la biodiversité littéraire s’épanouit, et c’est tant mieux. Favoriser la contradiction, c’est aussi nourrir un amour de la démocratie et de ce grand bazar qu’est le vivant dans toute sa richesse. Un écosystème vivant et sain.