L'INTERVIEW Corentin Dupuy, co-animateur des jeunes Insoumis d'Alès : "C'est notre rôle de jeunes d'être à la hauteur de l'Histoire"
Les pourparlers ont été prolongés, mais ce jeudi soir, les partis de Gauche du nouveau "Front populaire" ont annoncé dans un communiqué avoir "scellé" leur alliance, établissant un programme et désignant des candidats communs. Parallèlement, les jeunes Insoumis d'Alès et son co-animateur Corentin Dupuy, ont également proclamé cette semaine leur union avec les jeunes communistes alésiens. Cette démarche d'unité poursuit un objectif unique, celui de gouverner à partir du 8 juillet.
Objectif Gard : Quel est votre parcours et qu'est-ce qui vous a conduit à rejoindre les jeunes Insoumis d'Alès ?
Corentin Dupuy : Je suis militant Insoumis depuis cinq ans, depuis les Européennes de 2019. J'ai commencé à militer à Montpellier, puis j'ai rejoint les Insoumis d'Alès, car je suis originaire du grand bassin alésien, entre Alès et Barjac, dans un petit village de la 4e circonscription du Gard. Cela correspond à mon territoire d'origine, celui où j'ai ma famille et mes attaches, et celui dont je connais le mieux l'histoire politique et l'ancrage ouvrier. Mais aussi aux idées auxquelles je crois : un réformisme radical, une rupture sociale et écologique.
Quelle a été votre réaction à l'annonce d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale ce dimanche ?
D'abord, il y a eu la sidération. Lorsque nous avons appris cela, j'étais en compagnie des autres Insoumis et du député sortant de la 5e circonscription, Michel Sala. Nous nous réjouissions du score relativement bon de La France Insoumise aux Européennes, puisque nous avions gagné près de 4 points par rapport à 2019. Nous étions globalement satisfaits, mais aussi déçus face au score trop élevé du Rassemblement national, notamment dans de nombreux bureaux de vote du Gard. À titre personnel, j'ai été d'autant plus sidéré d'apprendre, en direct à la télévision, que ce soir-là, je venais de perdre mon emploi, sachant que j'étais également collaborateur du député sortant, Laurent Alexandre, de la deuxième circonscription de l'Aveyron. On en parle peu, mais ce qui s'est passé dimanche avec la dissolution de l'Assemblée nationale, c'est aussi un plan social de 2 200 personnes.
Dans un contexte aussi décisif que celui que traverse le pays aujourd'hui, pourquoi est-il nécessaire, plus que jamais, que la jeunesse fasse entendre sa voix ?
C'est important parce que nous vivons un moment véritablement historique. Pour la première fois dans l'histoire politique de notre pays, le Rassemblement national, donc l'extrême-droite, peut arriver au pouvoir par les urnes. Cela n'est jamais arrivé auparavant, car la seule fois où l'extrême-droite a pris le pouvoir, c'était sous Vichy. C'est d'autant plus important pour les jeunes, car leur vote est majoritairement orienté à gauche. Quant aux jeunes qui semblent soutenir le RN, il faut distinguer ceux qui parlent du Rassemblement national de ceux qui parlent de Jordan Bardella. Cette personnalisation autour de Bardella crée un effet de loupe déformant le prétendu succès du RN auprès des jeunes. Ce qui me désole le plus, c'est que nous avons 20 ou 25 ans et nous nous disons que, dans moins d'un mois, nous pourrions avoir l'extrême-droite au pouvoir, avec ce que cela implique : un gouvernement liberticide, des mesures anti-écologiques, anti-féministes, et des politiques contre les minorités sexuelles et raciales, qui toucheraient tout le monde.
Comment encourager alors les jeunes à s'engager politiquement, dans un contexte où ils sont souvent perçus comme désintéressés par la politique et l'actualité ?
Le constat est qu'il y a une dépolitisation relative de la jeunesse, ou du moins un recul de la culture politique ou de parti. Mais de nouvelles formes d'engagement ont émergé, comme l'engagement associatif et l'engagement pour le climat. La France Insoumise, par essence, grâce à son statut de mouvement, a permis à des jeunes éloignés de la politique de se former politiquement ou de commencer à s'engager sans passer par une structure partisane fermée et stricte.
Depuis dimanche, La France Insoumise a enregistré plusieurs dizaines de milliers d'inscriptions sur la plateforme Action populaire, et dans mon groupe d'action, les Jeunes Insoumis d'Alès, nous avons déjà accueilli une dizaine de personnes souhaitant nous rejoindre pour aider dans cette campagne. Les jeunes veulent se mobiliser, ont compris le danger de l'extrême-droite, et veulent faire entendre leur voix.
Dans un récent communiqué, les Jeunes Insoumis d'Alès ont annoncé leur union avec les jeunes communistes alésiens, à l'image du nouveau Front populaire. Pouvez-vous nous raconter les coulisses de cette union ?
Je suis très heureux, car cela s'est fait très rapidement grâce à notre excellente communication et relation avec les jeunes communistes d'Alès. Nous avons immédiatement décidé de nous engager. En Cévennes, c'est même notre groupe de jeunes qui a initié ce qui a été créé il y a deux jours par des groupes que je qualifierais de "non-jeunes", à savoir le Front populaire cévenol (relire ici). Je trouve cela extrêmement positif, car cela prouve l'unité de la gauche sur ce qui est, je crois, son ADN le plus absolu : la lutte contre le fascisme, pour les travailleuses et travailleurs, et pour la justice sociale.
J'appelle tous les jeunes à nous rejoindre et à se mobiliser avec nous. Cela ne signifie pas nécessairement adhérer à La France Insoumise ou à un autre parti, mais simplement être à la hauteur de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je pense que c'est notre rôle, en tant que jeunes, d'être à la hauteur de l'Histoire.
Le Rassemblement National a exprimé son ambition, dans le Gard, de réaliser ce qu'ils appellent « le grand chelem », en terminant en tête des 6 circonscriptions (relire ici). Pensez-vous qu'il soit possible de les faire chuter, notamment à Alès, où le député sortant Pierre Meurin (RN) se représente dans la 4e circonscription ?
Ce que je trouve désolant concernant Pierre Meurin, c'est que nous, les Gardois, sommes des personnes profondément ancrées sur notre territoire. Or, il fait partie des personnes parachutées, ne connaissant pas du tout le territoire, et qui ont été élues en profitant d'une dynamique favorable au RN, notamment dans les zones rurales. Il y a également la question des votes. Il faut constater que, malgré la respectabilité apparente du RN, ce dernier et Pierre Meurin votent contre les intérêts des territoires ruraux : contre le recrutement de sapeurs-pompiers et la revalorisation de leurs salaires, ce qui est grave ; contre les augmentations de budget pour les hôpitaux, alors que le CHU d'Alès fonctionne mal et que la Clinique Bonnefon à Alès fonctionne à rythme réduit. Pour les jeunes, Pierre Meurin a voté contre un revenu universel garanti de 1 063 euros proposé par LFI, alors que beaucoup de jeunes ruraux renoncent aux études supérieures. Il a également voté contre la revalorisation des bourses étudiantes au niveau de l'inflation, contre la gratuité des cantines et des fournitures scolaires pour les plus modestes. Tout est dit...
Quelles seront vos prochaines actions à Alès dans les jours à venir pour cette campagne "éclair" ?
Premièrement, nous nous mobilisons au niveau des lycées, allons à la rencontre des gens, ce que nous avons déjà commencé à faire, pour convaincre les abstentionnistes et encourager les gens à voter. La dissolution ayant été précipitée, il est crucial d'informer sur les élections du 30 juin et du 7 juillet. Ensuite, à travers le Nouveau Front populaire, nous visons à rallier ceux qui partagent nos convictions, en particulier dans les quartiers populaires d'Alès qui, à mon avis, n'ont pas été suffisamment mobilisés lors des Européennes. Enfin, nous irons chercher le soutien dans les villages. Nous n'organiserons pas de réunions publiques jeunes, mais nous mènerons une campagne de terrain, à la rencontre des Gardoises et des Gardois, directement.
INFORMATION
Ce jeudi soir à Alès, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur le parvis du Cratère pour protester contre l'extrême-droite. Parmi elles, de nombreux jeunes Communistes et jeunes Insoumis étaient présents pour leur première union, comme Quentin, 27 ans, venu exprimer sa détermination à combattre la politique d'Emmanuel Macron et la montée du RN. Il souhaite ainsi éviter, comme il le dit, de "payer toute sa vie les pots cassés des votes pour ce parti d'extrême-droite."