FAIT DU SOIR Faut-il s'inquiéter du niveau de la nappe de la Crau ?
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La Crau abrite un vaste réseau de canaux.
- SymcrauLa préfecture des Bouches-du-Rhône a placé, depuis mercredi 5 février, le département en vigilance sécheresse, "au regard de la situation hydro-météorologique sur l’ensemble du département, et notamment sur la nappe de la Crau." Les services de l'État appellent donc "l’ensemble des usagers utilisant la nappe de la Crau, par l’alimentation collective en eau potable ou prélèvements directs dans la nappe, à la plus grande sobriété dans l’usage de cette ressource." Charlotte Alcazar, directrice du Symcrau, syndicat mixte de gestion des nappes de la Crau, explique la situation.
Objectif Gard : Le département des Bouches-du-Rhône a été placé en vigilance sécheresse, le 5 février par la préfecture, "au regard de la situation hydro-météorologique sur l’ensemble du département, et notamment sur la nappe de la Crau." Qu'est-ce qui explique une telle situation sur cette nappe ?
Charlotte Alcazar : Elle connaît des niveaux particulièrement bas pour plusieurs raisons. Elle a un fonctionnement très atypique, elle n'est alimentée par les pluies seulement à 30 %. Les 70 autres pourcent proviennent de l’irrigation des prairies de foin. On irrigue des prairies pour faire la culture du foin avec l’eau de la Durance qui passe par des canaux, et l’infiltration des surplus d’irrigation rejoint la nappe. Cela la recharge de manière un peu artificielle. Mais comme il y a eu pas mal de pluie en septembre et en octobre, les agriculteurs n’ont pas eu besoin d’arroser. Comme l’irrigation est plus efficace que les pluies pour recharger la nappe, elle s’est vidangée avec un mois et demi d’avance. Habituellement, l'irrigation s’arrête fin octobre et là, elle s’est arrêtée mi septembre. Ensuite, hormis les deux week-ends qui viennent de passer, nous avons eu un hiver plutôt très sec. Cela peut paraître étonnant parce que l’arrêté sort à un moment où on a connu deux épisodes de pluie successifs à deux semaines d’intervalle. Mais avant cela, les dernières pluies dataient de fin octobre, ce qui est assez ancien. Il n’y a donc pas eu de pluie pour amortir cette baisse de la nappe.
Est-ce fréquent que la nappe soit à un tel niveau en février ?
Le fait que la nappe se vide chaque année en hiver c’est normal, c’est son cycle. Mais le fait qu’elle se vide plus tôt et ne soit pas soutenue par des pluies en hiver, c’est anormal. Donc on a atteint des niveaux qu'on n'atteint à cette période que tous les 10 ou 20 ans selon les secteurs.
Ces niveaux sont atteints à quelle période d'habitude ?
On a un bon mois voire un mois et demi d’avance. Ce sont des niveaux qui sont connus à la mi-mars. Sachant que la période où la nappe est la plus basse c’est fin mars. Les pluies ont fait un peu de bien ces derniers jours, mais on part de niveaux assez historiques donc cela va peut-être amortir, mais elle va continuer à se vider jusqu’aux irrigations.
Peut-il être demandé aux agriculteurs d'irriguer plus tôt que prévu ?
On ne peut pas leur demander d'irriguer plus tôt car leurs canaux ne sont pas encore en eau. Sauf s'il y avait une décision préfectorale, mais on n'en est pas encore là, il faudra faire sans. Les canaux vont être remis en eau début mars, et ils pourront réellement irriguer, en fonction des secteurs, entre le 20 mars et le 5 avril.
Est-ce qu'une telle alerte sécheresse en février signifie qu'il y aura des restrictions au printemps ou durant l'été, sachant que la nappe de la Crau alimente à 100 % le réseau d'eau potable de la ville d'Arles ?
La difficulté, c’est qu’est-ce qu'il va se passer au printemps ? S'il n'y a pas trop de pluie, les agriculteurs vont beaucoup irriguer et étonnamment, c’est bon pour nous. S'il y a de grosses pluies, on va perdre l'irrigation mais la pluie sera un minimum contributrice. Le pire, c’est 20mm par ci par là. C’est vraiment le pire parce que cela satisfait le besoin des plantes donc il n'y a pas besoin d’irriguer, mais cela ne va pas s’infiltrer et recharger la nappe.
Cette situation est-elle une conséquence du réchauffement climatique ?
C'est difficile à dire, il y a un peu de tout. Avoir des pluies qui arrivent au mauvais moment, ce n’est pas la première fois. Ce qui est compliqué, c’est qu’on a pris une conjonction d’une nappe qui était fin août à un niveau moyen, pas préoccupant mais pas excédentaire. Là dessus, on prend une fin de saison très pluvieuse où les agriculteurs irriguent peu, et puis on enchaîne avec un hiver sec. Donc qu’est-ce qui relève du changement climatique et qu’est-ce qui n’en relève pas, c’est difficile de vous répondre.