FAIT DU SOIR Le patrimoine peut-il aider à revitaliser les centres anciens ?
Le réseau national des Sites et cités remarquables de France a choisi Uzès ce vendredi pour parler de la reconquête des centres anciens, et du rôle que le patrimoine doit jouer dans cette reconquête.
Quand on parle des centres anciens, surtout dans les petites et moyennes communes, des problématiques remontent souvent : logement dégradé, commerces en berne ou encore manque d’attractivité. Or, ces centres anciens disposent souvent d’un patrimoine important, qui fait parfois l’objet d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), qu’on appelait il n’y a pas si longtemps un Secteur sauvegardé. Dans le Gard, on en compte huit : Nîmes, Uzès, Beaucaire, Villeneuve-lès-Avignon, Saint-Gilles, Aigues-Mortes, Sommières et Pont-Saint-Esprit, le dernier en date.
De quoi faire du Gard, rappelle le préfet Jérôme Bonet, « le département qui compte le plus de PSMV » de la région. Une richesse « qui nous oblige », note le préfet, mais qui peut parfois s’apparenter à un poids. « Il y a cinquante ans, le patrimoine était presque un handicap pour une ville, aujourd’hui il est une source de développement économique », affirme le premier adjoint au maire d’Uzès et conseiller régional, Fabrice Verdier. C’est tout le sujet de ces rencontres du jour : « Faire du site patrimonial remarquable un outil de projet pour la réhabilitation des centres anciens ». En clair : se servir du patrimoine comme un levier d’attractivité pour donner un avenir aux centres anciens.
Conserver les habitants
Certains, comme Uzès, avaient pris un peu d’avance sur ce point, en profitant au maximum de la fameuse loi Malraux, « qui permet d’attirer des gens qui veulent défiscaliser en restaurant des maisons », explique le maire d’Uzès, Jean-Luc Chapon. Corollaire : des personnes aisées rachètent les biens, parfois au détriment des locaux. « Mais ils rénovent et louent des logements intéressants », argue le maire de la cité ducale. Du reste, Uzès a « un des plus anciens Secteurs sauvegardés, qui date de 1965, c’est une très longue histoire avec une évolution spectaculaire », affirme l’Architecte des Bâtiments de France Antoine Paoletti. Et ce alors qu’au mitan du XXe siècle, « la plupart de ces centres anciens étaient paupérisés, comme par exemple le Marais, à Paris », reprend-il.
Mais pour que ça marche, « il a fallu faire comprendre aux gens qu’on ne pouvait pas faire n’importe quoi », rejoue Jean-Luc Chapon, qui admet avoir « passé quelques années avec tout le monde contre (lui) », que ce soit car il avait fait retirer des enseignes publicitaires, piétonnisé la place aux Herbes ou commencé à paver les rues. Reste à veiller à éviter un écueil : « Ne pas faire que ce coeur de ville vivant devienne un musée figé offert uniquement aux visiteurs », pose le conseiller municipal d’Aigues-Mortes, Régis Vianet.
Ainsi, Aigues-Mortes a veillé tout au long du processus à « conserver des services de proximité » dans le centre-ancien, pour tout simplement y conserver ses habitants. Des habitants qu’il a aussi fallu inclure : « Nous avons travaillé sur les aménagements, aussi pour faire comprendre que pour mieux vivre, il faut une ville accueillante », souligne l’élu camarguais. Et ça marche, puisque Aigues-Mortes revendique « 2,2 millions de visiteurs en 2022. » Ce qui peut poser d’autres problèmes, dont un soulevé par le président des Sites et cités remarquables de France, l’ancien ministre Martin Malvy : les AirBnB et leur corollaire, les logements vacants. « C’est dans les centres anciens qu’il y en a le plus grand nombre, et en France on en compte 3 millions », souligne-t-il.
L’enjeu en les redynamisant sans en faire des musées à ciel ouvert est donc de les habiter pleinement, « plutôt que d’aller construire à l’extérieur et continuer l’imperméabilisation des sols », reprend Martin Malvy, un objectif qui rentre d’ailleurs dans la fameuse loi ZAN, pour Zéro artificialisation nette, qui fait peur à nombre d’édiles.
La patrimoine, « une valeur ajoutée »
Si Uzès et Aigues-Mortes profitent à plein de leur patrimoine pour booster leur attractivité, d’autres villes n’en sont pas encore là. C’est le cas de Pont-Saint-Esprit, dont le PSMV a été validé il y a un peu plus de trois ans. Ici, contrairement à Uzès, on constate « une paupérisation du centre ancien », relève la maire de Pont, Claire Lapeyronie. D’ailleurs, le quartier prioritaire politique de la ville est le centre ancien. « Mais ce n’est pas une fatalité », lance la maire, qui mène une politique de rénovation progressive d’un patrimoine riche, mais longtemps laissé à l’abandon. Un des leviers pour tenter de revitaliser le centre ancien.
« C’est un cadre clair, qui peut être perçu comme une contrainte, mais il faut prouver qu’il a une valeur ajoutée », reprend l’élue. D’ailleurs, un porteur de projet va réhabiliter l’ancien Hôtel-Dieu, vide depuis plus de dix ans, pour le convertir en logements loi Malraux. « Il faut arriver à convaincre les maires que le PSMV ce n’est pas l’enfer », résume Martin Malvy. Du reste, ce dispositif ouvre à des financements de l’État, et les communes peuvent se faire aider par l’Établissement public foncier et la Banque des territoires, notamment sur l’ingénierie de projets, autre sujet de blocage dans des communes qui n’ont pas forcément les capacités en interne de mener de lourds projets.
S’il y en a bien un qui est convaincu qu’un PSMV n’est pas « un enfer », c’est bien Jean-Luc Chapon : le périmètre de celui d’Uzès est passé récemment de 10 à 40 hectares.