L’INTERVIEW L’éditeur Henri Trubert : « Il y a une demande fiévreuse de débat aujourd’hui »
La deuxième édition du Parlement des Liens se tiendra les 29 et 30 septembre à Uzès.
Après le succès de la première édition de cet événement mêlant enquêtes au long cours sur des grands sujets du territoire et un forum en présence d’intellectuels de renom, l’organisateur et éditeur aux Liens qui libèrent, Henri Trubert, en dit plus sur une initiative qui vise à « remettre du commun ».
Objectif Gard : À l’orée de cette deuxième édition du Parlement des Liens à Uzès, quel bilan tirez-vous de la première ?
Henri Trubert : En termes de fréquentation le bilan est bon, le samedi pour le forum en partenariat avec Libération nous avions une salle pleine. Et sur la teneur des échanges, nous avons eu énormément de retours positifs pour avoir invité des personnalités aussi prestigieuses comme Cynthia Fleury ou Jean-Claude Ameisen, avec de magnifiques échanges.
Le pari est donc relevé ? Organiser un tel événement hors de Paris, ce n’était pas forcément gagné…
Oui, mais nous étions très confiants, on est dans un pays où les questions politiques, culturelles et sociales sont très vivaces, et nous avons un socle culturel très puissant en Pays d’Uzès. Et dans une époque de crise comme on la vit, il y a une demande vraiment importante du public d’avoir des débats de qualité avec des auteurs de qualité. Il y a une demande fiévreuse de débat aujourd’hui, pour comprendre ce qu'il se passe et comment y répondre.
Et ce dans une époque où l’opinion a pris beaucoup, peut-être trop, de place.
Le débat c’est la démocratie, les opinions non. La démocratie c’est une exigence de penser collectivement et d’agir collectivement, et s’il n’y a pas un minimum de débat, nous ne sommes plus en démocratie. Nous vivons avant tout une crise du débat, de la délibération, du partage. Lorsque nous documentons le territoire, nous faisons de la démocratie réfléchie sur tous les aspects possibles avec tous les acteurs possibles. Ces enquêtes sollicitent tout le monde pour documenter le territoire le plus largement possible, et à partir de là on peut débattre, sinon on est dans la confrontation stérile des opinions. Il y a une dictature de l’opinion, du fait d’une société numérique de plus en plus puissante, mais l’opinion ne fait pas avancer. Le partage et l’argumentation oui, à partir d’enquêtes les plus détaillées possibles. C’est pour ça que ces enquêtes dureront pour certaines deux ans, cinq ans, c’est un vrai travail en profondeur.
Au programme à Uzès, la restitution des résidences et expérimentations le vendredi, puis le forum Libération/Liens qui Libèrent suivra le samedi avec trois tables rondes et la première restitution des portraits sonores du territoire. Parmi les invités, les philosophes Isabelle Stengers, Dominique Bourg et Vinciane Despret, l’historien Johann Chapoutot, la politologue Réjane Sénac ou encore le fondateur de NégaWatt Thierry Salomon.
Donc vous vous inscrivez désormais dans la continuité ?
Sur les cinq enquêtes, quatre ont commencé, sur la bande-son du territoire, l’eau, la pleine santé et la perma-économie depuis le printemps. Celle sur les systèmes agraires commence ce mois-ci sous l’égide d’Agro Montpellier. C’est énorme, et c’est la première fois qu’on a telles enquêtes sur le territoire.
A-t-on les premiers résultats de ces enquêtes ?
Chaque collectif, chaque expérience a sa manière de travailler. Sur l’eau, le collectif Hydromondes a posé des questions d’abord aux habitants, avec sept discussions pour une question : « Savez-vous d’où vient l’eau du robinet ? » La plupart ne le savaient pas. C’est une manière de politiser une question qui semblait naturelle. Sur la pratique de la pleine santé, il y a eu un questionnaire fait par une forme de convention citoyenne, avec trente personnes du Pays d’Uzès toutes plus ou moins liées à la question. Et ça a continué avec un panel d’habitants sur la canicule. Nus avons décidé de montrer le travail fait par les quatre premières résidences avec quatre carnets de 50 à 60 pages qui seront distribués gratuitement à l’Ombrière, pour montrer le travail qui se fait et la perspective, à savoir pouvoir collectivement anticiper tous les problèmes qui arrivent.
Le risque n’est-il pas de faire concurrence aux associations et collectifs qui travaillent déjà sur ces questions ?
L’idée est de trouver ensemble des solutions. La question démocratique, c’est une question de contrat social, avec un principe d’égalité entre les citoyens, et de ce principe naît la représentativité. Cette question de représentation du citoyen, on s’en est affranchis. Ce contrat social issu de la Révolution a été totalement oublié, et réduit à une démocratie qui se résume aux élections. Et si ça perdure, on va vers le chaos. Le but du Parlement des Liens est de remettre du contrat social au sein du territoire. La politique, ce sont les pratiques de lien, avec les questions d’interdépendances et des conséquences de nos actes. C’est ça remettre la politique au centre. Les citoyens méritent, et ont besoin, de véritables débats. On a créé un processus, et l’important est que ça continue. On remet du commun.
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