FAIT DU JOUR Frédéric Bruyère fait voyager le vignoble français
Le Gardois exporte avec succès des vins français au Japon, aux États-Unis et au Danemark. Parcours.
Cela fait maintenant près de vingt ans que Frédéric Bruyère sélectionne et commercialise des vins français pour les marchés étrangers. « J’ai réussi à faire de ma passion pour le vin mon métier », dit-il en souriant. D’aucuns diront, que de nos jours, il s’agit-là d’un véritable privilège. Seulement, la route qui mène à la réussite professionnelle n’a pas toujours été tranquille pour celui qui a débuté sa carrière dans la grande distribution au mitan des années 90. « J’ai occupé de nombreux postes dans différentes villes avant de devenir chef de département en charge de la partie alimentaire », souligne le Gardois installé aujourd’hui à Pouzilhac. Seulement la grande distribution, ça use ! Les horaires, les mutations régulières, le stress, l’impact sur la vie de famille... Autant d’éléments qui à tout juste trente ans le font réfléchir sur son avenir et le poussent à envisager une nouvelle orientation professionnelle. Et pourquoi ne pas travailler dans le vin ? Un milieu qui ne lui est pas vraiment étranger. Et pour cause ! Il a passé une partie de sa jeunesse à Léognan, commune girondine située dans le vignoble des Graves près de Bordeaux. « Mon père, passionné de vins, m’a transmis très tôt le virus. Et puis, mon grand-père, qui habitait dans le Var, travaillait dans un domaine viticole. » À cela s’ajoute un carnet d’adresses qui s’est bien rempli au cours de ses années passées dans la grande distribution. Ce qui peut toujours servir !
Passage par la cave de Saint-Hilaire-d’Ozilhan
Il débute sa nouvelle expérience dans le milieu viticole par un passage à la cave coopérative de Saint-Hilaire-d’Ozilhan en tant que responsable de la logistique. Une première approche enrichissante mais qui ne répond pas totalement à ses attentes. Mais qu’à cela ne tienne, pour l’heure il profite d’apprendre et de comprendre un univers qui, jusqu'ici, lui était en grande partie inconnu. En 2002, à la naissance de sa troisième fille, Frédéric Bruyère décide de prendre un congé parental et d’en profiter pour voler de ses propres ailes et créer sa société qu’il baptise iQuantum. « Au départ, mon projet était de travailler avec les caves du département et d’endosser le rôle d’intermédiaire entre elles et les responsables des rayons vins de la grande distribution avec lesquels j’avais gardé de nombreux contacts. » Pendant cinq ans, il va ainsi promouvoir les vins gardois auprès des metteurs en marché français. Parmi ses nombreux clients, se trouve la cave Les collines de Bourdic avec laquelle il entretient des liens étroits. Et c’est grâce à elle que sa vie professionnelle va prendre une nouvelle tournure, comme le raconte le jeune quinquagénaire : « Un beau jour, les responsables de la cave m’appellent pour me proposer de participer à un salon des vins au Japon. J’ai dit oui tout de suite et j’ai embarqué pour l’Asie de l’Est. Sur place, j’ai découvert un milieu dynamique et captivant à la fois ; et cerise sur le gâteau, j’ai fait une très belle vente. »
Une dizaine de clients français
C’est décidé, désormais la société gardoise iQuantum se consacrera entièrement à l’exportation de vins français représentatifs des grandes régions viticoles. « Au début, j’ai fait quelques erreurs mais j’ai su rapidement rectifier le tir. » Pendant plusieurs années, apprentissage oblige, Frédéric va parcourir la planète, de salon en salon. « Au début, c’était attrayant et puis je me suis rendu compte que pour être efficace il fallait que je me concentre seulement sur une poignée de pays. » Ça sera donc le Japon, les États-Unis, le Danemark et depuis peu la Corée du Sud. Au fil des rencontres, la confiance s’installe, son réseau s’étoffe, et puis le monde de l’exportation viticole est tout petit, « on rencontre toujours les mêmes ». Aujourd’hui, son catalogue compte une dizaine de clients français. Des vignerons de renoms issus de vignobles connus et reconnus qui n’ont pas de structure interne dédiée à l’exportation de leurs vins et pour lesquels il met à leur service son réseau. C’est le cas notamment des champagnes de la famille Chaudron, des vins de Banyuls du domaine du Mas blanc ou encore des vins d’Alsace de la maison Ehrhart. Sans oublier le Château Courac perché sur les hauteurs de Tresques dans le Gard, propriété de Frédéric et Joséphine Arnaud. « J’exporte majoritairement des vins blancs », précise Frédéric Bruyère. Et d’expliquer : « Face à moi, lors des salons, j’ai essentiellement des importateurs. Je connais leurs clients qui le plus souvent sont des restaurateurs, des responsables de la grande distribution voire de sites internet dédiés aux vins, mais je ne travaille pas en direct avec eux. »
Du rosé au Japon !
La société gardoise exporte en moyenne 350 000 bouteilles par an. Son chiffre d’affaires, quant à lui, est réalisé en très grande partie au Japon. « Je vais quatre fois par an au Japon, deux fois aux États-Unis et trois jours au Danemark en septembre. Je considère qu’il est nécessaire d’être présent sur les salons. La rencontre physique est très importante pour installer la confiance. C’est souvent l’humain qui fait la différence ! » Pour autant, Frédéric Bruyère ne cache pas que les crises politiques et économiques qui se succèdent actuellement un peu partout sur la planète ne sont pas bonnes pour les affaires. L’envolée du prix du verre avec la guerre en Ukraine, la baisse de la consommation du vin au profit des bières et spiritueux, la menace de nouvelles taxes pour les exportations américaines rendent le contexte économique actuel compliqué. « Je n’ai pas perdu de clients mais les commandes, elles, sont beaucoup moins importantes. Sauf aux États-Unis où les importateurs passent leurs commandes maintenant, avant que Trump mette en place une hausse des taxes. »
Reste cependant quelques coins de ciel bleu notamment sur l’archipel nippon où les consommateurs se tournent de plus en plus vers les vins rosés qui jusqu’ici n’avaient pas la cote. « Le 27 janvier, je serai au Japon et je présenterai des vins rosés du Château Courac. » Et comme le Gardois a plus d’un plan B dans sa besace, il n’exclut pas, dans les mois à venir, d’investir également les marchés mexicain, brésilien et une partie de l’Afrique. « Ce sont des pays qui portent un intérêt grandissant à nos vins, notamment dans les zones touristiques, au sein des hôtels de luxe et des grands restaurants... Je sais que la démarche ne sera pas facile mais c’est un beau défi à relever ! »
Le plaisir de transmettre
Depuis vingt ans, en parallèle de son activité d’exportation de vins, Frédéric Bruyère anime des ateliers de formation liés à la commercialisation des vins. Depuis plusieurs mois maintenant, il travaille en collaboration avec la société Franck Thomas formation, créée par le célèbre sommelier éponyme, et intervient à Montpellier et Châteauneuf-du-Pape.