FAIT DU JOUR Croisement antique, funéraire et voie gauloise pour de nouvelles fouilles à Nîmes
Les équipes d’archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives ont fait de nouvelles découvertes à Nîmes, rue de Beaucaire.
« Quand les Romains viennent et fondent la Narbonnaise, il y a déjà des gens, des axes routiers. Avec leur urbanisation tout est repensé et de nombreuses choses nourrissent notre intérêt. Ici, c’est cette seconde route, proche de la Via Domitia. Les équipes de l’Inrap sont sur le chantier depuis janvier et y resteront jusqu’à la mi-juin. Maintenant, les vestiges mis au jour sont visibles et lisibles alors nous allons organiser une journée porte ouverte pour que le public puisse venir découvrir tout cela. Des résidents aux curieux il faudra s’inscrire car nous sommes contraints de fonctionner ainsi en faisant des visites de 30 minutes pour 15 personnes » explique Jean-Yves Breuil, directeur adjoint scientifique et technique de l’Inrap Midi-Méditerrannée à Nîmes.
À Nîmes existent une route de Beaucaire puis une rue du même nom qui est dans son prolongement une fois la voie ferrée passée quand on entre en ville. Cet axe doublement nommé est connu pour être le résidu urbain de la fameuse Via Domitia qui arrivait de Rome par l’Est et filait en Espagne par le Sud-Ouest.
Le secteur est bien connu mais de nombreuses questions demeurent. Quand l’archéologie préventive est appelée à la rescousse c’est pour une bonne raison, fouiller avant l’avènement d’un chantier de construction.
Détruire ce que l’on a d’historique sous les pieds pour élever une nouveauté. Détruire en consignant via l’analyse et l’étude pour que ces savoirs ne soient pas entièrement perdus est la mission de la fouille préventive et par extension de l’Inrap. Consigner pour analyser afin que les générations futures puissent avoir une base de données toujours plus qualitative et mieux renseignée.
« L’opération de diagnostic archéologique engagée aux 45-49 rue de Beaucaire à Nîmes a été réalisée en amont de la construction d’une résidence de logements avec parking souterrain. L’emprise considérée est située aux abords de la voie Domitienne, à 640 mètres de la porte romaine d’Auguste, dans une zone de plaine urbanisée depuis le XVIIIe s. Cette opération de diagnostic s’est déroulée sur le terrain du 10 au 20 octobre 2022 » explique Marie Rochette, archéologue et responsable de ces fouilles pour le compte de l'Inrap.
Actuellement en quasi-cœur de ville, cette antique plaine urbanisée et encore mal connue même si les abords de la Via Domitia le sont. Pour savoir si des fouilles devaient être menées sur ce nouveau secteur, le diagnostic fut important. Neuf tranchées ont été creusé pour mettre en évidence une occupation antique caractérisée par la présence d’une portion d’un axe viaire, au nord de la voie Domitienne, et d’une quinzaine de structures funéraires.
« Le diagnostic n’a livré aucun élément pouvant être attribué à la voie Domitienne, dont le tracé peut néanmoins être restitué, au regard de différentes découvertes réalisées dans le quartier, immédiatement au sud de la parcelle sous l’actuelle rue de Beaucaire » poursuit Marie Rochette. À savoir que la voie Domitienne nîmoise n’a jamais pu être fouillée correctement car la chaussée moderne la recouvre et modernes comme nous sommes nous empruntons encore le même cheminement.
Point de Via Domitia ? Mais comment cela se peut ? Pour le responsable du secteur, Sébastien Pancin, « Une seconde voie a été mise en évidence, traversant toute l’emprise, suivant un axe sud-ouest/ sud-est. Sa mise en place peut intervenir dans le courant de la période tardo-républicaine, avec des niveaux les plus anciens datés IIe-Ier s. av. J.-C. La voie est bordée de murs bordiers au Nord et au Sud, elle fait 15 mètres de large et on peut y lire trois ou quatre phases d’aménagements. Le plus ancien est sur le substrat géologique et a été construit à la fin du deuxième siècle avant notre ère. Le deuxième niveau, datant de quelques décennies plus tard, et légèrement surélevé mais fait toujours 15m. Le troisième état date de la fin du premier siècle de notre ère et nous avons peut-être un dernier niveau mais qui a été détruit. »
Un segment qui se trouve dans le même alignement que les portions de voie déjà repérées à l’Est, au n° 53 de la rue de Beaucaire, et à l’ouest du côté de la Zac des Carmes. Il se trouve que la jonction entre ces deux voies antiques, quasi créées à la même époque, soit à la fin du deuxième siècle avant notre ère, est à chercher du côté de l’actuel carrefour des rues de Beaucaire et Notre-Dame.
Pour Marie Rochette, « Cela interroge sur un éventuel changement de tracé de la voie Domitienne ou sur l’existence de deux itinéraires. Cette voie, nommée voie « des Carmes - chemin de Grézan », apparaît sur l’emprise étudiée large au maximum de 17,50 mètres. Son profil en creux reçoit donc plusieurs niveaux de roulement successifs. Au Nord et au Sud, au-delà des murs bordiers, il y a des murs d’enclos funéraires. »
Comme souvent le long des routes pénétrantes des cités, des monuments funéraires sont à remarquer. Ici, une quinzaine de structures a été mise au jour. Les chronologies apparaissent centrées sur la période allant du IIe av. J.-C. au IIe ap. J.-C., la fourchette pouvant sans doute être resserrée entre le Ier av. J.-C. et le Ier ap. J.-C. Chez les romains, pas beaucoup de diversité. « Deux pratiques funéraires sont actées. Nous avons des inhumations avec une tombe et de la crémation, de manière majoritaire, avec un bûcher et une tombe avec un dépôt secondaire » explique Julie Grimaud, responsable du secteur funéraire sur cette fouille.
On voit clairement les tombes et dépôts secondaires et, à l’entrée du site, deux exemples de bûchers, un maçonné en moellons et au sol dallé, l’autre dans une simple fosse en terre dont les bordures sont devenues rouges par le feu.
« Onze tombes, ainsi que la récupération d’un probable petit monument et quelques fosses indéterminées ont été reconnues entre les deux voies Domitienne et des Carmes - chemin de Grézan. L’organisation de l’occupation funéraire dans cet espace n’a pas été clairement discernée dans la cadre de l’opération » avoue Marie Rochette.
Pour Julie Grimaud, archéologue et responsable du secteur funéraire sur ce chantier, « On a cette quinzaine de structures funéraires, majoritairement liées à la crémation avec de nombreux dépôts secondaires enterré et composé d’une amphore qui renferme un ossuaire, ici une urne en verre, contenant les ossements brûlés du défunt. On a aussi un autre petit vase, une sorte de gobelet en verre qui n’est pas brûlé et qui est donc une offrande. »
Un de ses enclos ne comporte pas de bûcher mais 15 structures funéraires. En tout, quatre structures funéraires ont été mises au jour soit immédiatement le long de la voie, soit à une distance de cinq à six mètres faisant d’elle un lieu remarqué.
Et Marie Rochette de reprendre, « On aurait trois bûchers et sept dépôts secondaires. Trois possibles inhumations ont également été repérées. Pour cinq au moins, des aménagements complexes apparaissent dès la surface : chambre funéraire aux grandes dimensions, présence d’architecture. »
Cette voie montre, par endroits, une forte densité de structures qui peuvent aussi se recouper. À l’inverse dans une proche tranchée aucune tombe n’a été mise en évidence, signalant peut-être dans ce secteur l’aménagement d’un jardin ou d’un espace recevant des structures de surface non conservées en l’absence des sols.
Toutes ces structures contribuent à enrichir le dossier des pratiques funéraires au cours de la période romaine. La grande majorité semble liée à la pratique de la crémation.
Pour vous inscrire à la journée porte ouverte, c’est par ici !