NÎMES Connaissez-vous la pyramide ?
C’est le monument à la mémoire des martyrs de la Résistance du Gard. Avec les 80 ans de la Libération de Nîmes, évoquons cette étrangeté monumentale.
Nîmes appartient au réseau national des Villes et Pays d’art et d’histoire. Le ministère de la Culture, direction générale des patrimoines, attribue le label Ville ou Pays d’art et d’histoire aux collectivités territoriales qui mettent en œuvre des actions d’animation et de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Il garantit la compétence des guides-conférenciers, des animateurs de l’architecture et du patrimoine et la qualité de leurs actions. Des vestiges antiques à l’architecture du XXIe siècle, les villes et pays mettent en scène l’architecture et le patrimoine dans sa diversité.
Aujourd’hui, un réseau de près de 200 villes et pays vous offre son savoir-faire dans toute la France. La région Occitanie compte actuellement vingt-sept Villes et Pays d’art et d’histoire.
Le Centre d’interprétation de l’architecture et du Patrimoine met à disposition du public, au sein de l’office de tourisme, une maquette-vidéo « Nîmes au fil des siècles » retraçant l’histoire de Nîmes, de l’antiquité à nos jours. Mais venons-en au monument à la mémoire des martyrs de la Résistance du Gard ! Sur l’avenue Jean-Jaurès existe un drôle de bâtiment, un monument, une pyramide.
Les monuments aux morts de la Seconde Guerre mondiale présentent des caractéristiques différentes. Certes, les monuments de la Grande Guerre sont à nouveau sollicités et portent bientôt les noms de ceux qui sont morts entre 1939 et 1945 : militaires tués au combat mais aussi de très nombreux civils (résistants, otages, déportés).
Mais des monuments spécifiques ont souvent été érigés dans les années qui suivent la fin du conflit. Ces monuments sont installés sur les lieux mêmes des combats de la Résistance ou sur les lieux des massacres perpétrés par l'armée allemande ou par les unités SS.
Selon Francine Cabane et Danièle Jean dans leur excellent Nîmes au fil de l’histoire, le 28 février 1944, les Allemands décident de détruire les maquis cévenols Aigoual-Cévennes et Bir-Hakeim. Ils attaquent simultanément les villages de Driolle, Lassale, Ardaillès et Saint-Hippolyte-du-Fort. Dans chacun des villages, ils arrêtent des maquisards ou des otages pris dans la population, les rassemblent puis décident d’en emmener 15 à Nîmes.
Là, le 2 mars 1944, sans procès et dans une mise en scène terrifiante, la Gestapo organise, sous les yeux des Nîmois qui sont contraints de regarder, la pendaison de ces résistants en trois points de la ville : six résistants sont pendus au pont du chemin de fer de la route d’Uzès, 3 au pont du viaduc de la route de Beaucaire et 6 autres aux arbres près du pont oblique de la route de Montpellier. Des plaques du souvenir figurent en ces trois endroits.
« En 1945, le maire de Nîmes Léon Vergnole, résistant communiste, ouvre un concours pour l’édification d’un monument aux martyrs du Gard afin de graver dans la pierre l’épopée historique de la Résistance. Le projet retenu est celui de l’architecte Jean-Louis Humbaire et du sculpteur Jean-Charles Lallement surnommé « Bacchus », artiste gardois qui vit alors au Grau-du-Roi. Le monument est inauguré en 1954 et Picasso, de passage à Nîmes, vient admirer le travail de Bacchus qui revendique l’inspiration du maître. Humbaire conçoit une pyramide de 39 m de haut, symbole de liberté et d’éternité dont la porte d’entrée est gardée par deux maquisards de 4 m de haut, nus et armés, sculptés par Jean-Charles Lallement. Dans la crypte, autour d’un gisant spectaculaire de 4 m de long, quatre grands bas-reliefs de 20m² chacun racontent la liberté enchaînée, la reconquête de la liberté par les armes et la vie des maquis, le martyr des résistants et plus particulièrement celui des pendus de Nîmes, et enfin la liberté retrouvée », expliquent Francine Cabane et Danièle Jean.
Rappelons d’abord que ce Monument qui doit être élevé à Nîmes est un monument aux Martyrs de la Résistance du Gard et non un monument de la Résistance. Il s’agissait avant tout, pour les artistes-sculpteurs et architectes, de perpétuer par la pierre le souvenir d’un drame, de faire des gestes héroïques des résistants martyrs une chose éternelle, de donner un caractère sacré à une action humaine qui a dépassé, en courage comme en souffrance, tout ce qu’il est humainement possible de réaliser.
La pyramide. Le monument qu’elle représente est certes un tombeau, mais un tombeau qui n’éteint pas le souvenir de ceux à qui il est destiné, un tombeau qui abrite et protège et exalte l’âme toujours vivante des martyrs. Plus qu’un tombeau, cependant, ce monument est, comme on l’a dit, un symbole, « un signal destiné à perpétuer dans l’esprit des générations à venir le témoignage éternel d’une grande et belle action » et, à ce titre, il glorifie et perpétue l’esprit de la Résistance.
À l’entrée de la crypte, deux statues de pierre de Lens, hommes nus, hauteur quatre mètres, symboles de la Résistance victorieuse, gardiens de l’entrée de la crypte où reposent le gisant.
À l’intérieur de la pyramide : la crypte, au milieu de laquelle, dans l’axe de la pyramide, repose un gisant de bronze (sic), longueur quatre mètres en bronze (fondeur Rudier Alexis), symbole des Martyrs. À l’intérieur de la crypte : autour sur les murs de la crypte sont gravés quatre bas-reliefs, décorant cet ensemble où sera placée une flamme du souvenir, sculptés en taille directe sur les murs de soutènement de la crypte. Les dimensions de chaque bas-relief ? 14 mètres x 3,30 mètres (46,20 mètres²), avec une surface totale des bas-reliefs : 46,20m² par quatre (180,80m²). Les thèmes des bas-reliefs ? la Liberté enchaînée, la Liberté reconquise, des scènes de pendaisons de résistants à Nîmes, l’oppression, l’occupation, et, pour finir, la reconquête de la Liberté et ses combats.
Pour la petite histoire, si vous ne connaissez pas le sculpteur Lallement, d’autres en savouraient les traits. Picasso notamment. Il s’est lié d’amitié à Jean-Charles Lallement quand il était encore étudiant à l’école des Beaux-arts de Paris. Une amitié semblait nourrie d’admiration réciproque. Picasso se déplaça à quatre reprises sur le chantier du monument de la Résistance du Gard à Nîmes.
« Un article de presse et un brouillon de lettre manuscrite de Jean-Charles Lallement atteste cela », révèle Fabienne Griot dans son Bacchus, Jean-Charles Lallement (1914-1970). « À la suite de la corrida du 2 juin, Pablo Picasso m’a fait l’honneur de revenir sur le chantier du monument de la Résistance à Nîmes. Il a examiné avec une simplicité extrême et avec une juvénile gentillesse les trois statues et les deux cents mètres de bas-reliefs dont j’achève l’exécution. Il m’a paru satisfait de ce travail, j’en suis touché au-delà de ce qui est possible de l’exprimer. Comme suite à votre proposition, il a accepté chaleureusement que la direction des monnaies et des médailles me confie l’exécution d’une médaille avec son effigie. » Lallement étudia avec fascination les symboles de Guernica dont on retrouve l’évocation dans certaines de ses œuvres à Nîmes et à Troyes.