L'INTERVIEW Arnaud Grosselin, prépa' physique de l'OAC : "Il voulait m'étrangler à la fin de chaque séance"
Fort d'une expérience certaine malgré son jeune âge (29 ans), Arnaud Grosselin a remplacé Lionel Rochette au poste de préparateur physique de l'OAC l'été dernier. Celui qui a fait ses classes à Andrézieux (N2) et Avranches (N1) insuffle une nouvelle vision depuis son arrivée et a dû se réinventer lorsque Hakim Malek et ses exigences élevées ont déboulé en cours de saison. Discussion à bâtons rompus avec un homme apprécié des joueurs et dont le rôle outrepasse largement le seul aspect athlétique, en faisant ainsi un maillon essentiel de la chaîne sportive oacienne. Interview.
Objectif Gard : Comment s'est opérée votre arrivée en début de saison en provenance d'Avranches qui évolue à l'échelon supérieur ?
Arnaud Grosselin : L'année dernière, j'arrivais en fin de contrat à Avranches en National. Ça faisait trois ans que j'y étais avec le même coach. Ils ont décidé de changer le staff dans son intégralité, ce qui arrive souvent quand un nouveau coach débarque avec son nouveau staff. À Alès, je connaissais très bien Lucas Franco puisqu'on a grandi dans la même ville (Montluçon, NDLR) et on a joué dans le même club. Un jour, Lucas m'a appelé en me demandant si je cherchais toujours un club. Je suis venu rencontrer le staff et l'ancien coach (Stéphane Saurat, NDLR) et ça s'est fait rapidement. Mon expérience en N2 et N1 a joué en ma faveur. À 25 ans, j'étais déjà prépa en N1. C'est très jeune ! Forcément, j'ai fait des bourdes, mais ça m'a permis de progresser. Mon but, c'est d'aller le plus haut possible. Même si la N2 est en train de se professionnaliser.
À votre arrivée ici, vous prôniez la stabilité. Avez-vous l'intention de vous inscrire sur la durée avec l'OAC ?
L'OAC, ça peut être un tremplin. Ça peut aussi être une belle aventure commune si le club parvient à atteindre ses objectifs avec le "Cap 2024". J'ai une option de renouvellement de contrat en cas de maintien. Je suis plutôt un bâtisseur. Ici, en termes de structures de performance, il n'y a pas grand-chose. S'il y a des choses à construire, au-delà du sportif, j'aime bien être au cœur des projets. À Avranches, quand le club a décidé de construire un nouveau centre d'entraînement, le président m'avait associé au projet. Si le club veut se professionnaliser, ce sera une étape importante.
Quel était, sur le plan physique, le niveau du groupe que vous avez récupéré au début de l'été ?
Il y avait beaucoup de disparités. Certains joueurs arrivaient de N3 et n'avaient jamais connu la N2. D'autres, comme Yamadou (Fofana, NDLR), avaient connu l'échelon supérieur avec des saisons éreintantes. Il a fallu homogénéiser tout ça. Ça n'a pas été très bien fait. Au vu des résultats en début de saison, il y a forcément une part de responsabilité et je l'assume totalement. On a fait une grosse prépa' estivale et après on a un peu calmé. Peut-être un peu trop. On a relâché trop vite.
L'arrivée au mois de novembre d'Hakim Malek vous a-t-elle obligé à modifier vos méthodes de travail ?
Ça a été un vrai tournant. Quand il est arrivé, il a tout de suite mis l'accent sur le physique en disant que l'équipe n'était pas prête. Il m'a dit "voilà comment je travaille, ça sera des séances de deux heures ou deux heures et demie et c'est comme ça". Je n'avais jamais connu de telles séances en milieu de saison ! Je me suis dit "de toute façon on est dans la merde, il y a un nouveau coach avec une nouvelle vision, autant l'écouter et s'il a raison tant mieux pour nous". On a refait une prépa en novembre. À l'intérieur des séances, je mettais ce que je voulais. Mais c'est lui qui faisait le calibrage. J'avais peur que les mecs se pètent. Mais au final il avait raison. Il m'a permis de voir la préparation physique autrement. J'ai compris que les joueurs sont capables d'encaisser de grosses charges. Tous les mardis et mercredis, les mecs finissaient éreintés après 2h30 de séance, mais on les récupérait le vendredi à la veille du match en forme. Si on a démarré aussi fort en janvier, c'est parce qu'on a tapé fort en novembre et décembre.
Ces deux mois de dur labeur peuvent-ils être préjudiciables pour la fin de saison, ou avez-vous fait en sorte d'atteindre le pic de forme pour le sprint final ?
Non parce que depuis trois semaines on est revenus à un rythme moins soutenu. Le but de cette semaine-là avec seulement deux séances, c'est d'avoir un pic de forme en fin de saison. En discutant avec les joueurs après Saint-Priest, on a compris qu'ils avaient besoin de couper. Il y a une fatigue mentale. Physiquement, les coups font de plus en plus mal. On leur a donc laissé le lundi, puis le mercredi car c'est le jour des enfants. La semaine prochaine, les séances vont être un peu plus courtes mais très intenses. Après, quand tu travailles dur physiquement et qu'il y a les résultats derrière, c'est facile. Ça aurait pu être très difficile mentalement s'il n'y avait pas eu les résultats en janvier.
"Il faut forcément passer par des moments sans ballon"
Arnaud Grosselin, préparateur physique de l'OAC
Vous êtes en charge de la réathlétisation des joueurs blessés. Appréciez-vous cette approche plus "médicale" de la profession ?
Depuis que je fais ce métier, j'ai toujours été en lien avec les kinés et les docs. Dans beaucoup de clubs, les préparateurs sont à deux. Un pour la performance, un autre pour la réathlétisation des blessés. Ici ce n'est pas le cas. Mais ça me plaît bien. C'est très différent, on a un rapport intime avec le joueur. Il faut lui permettre de revenir vite mais pas trop pour ne pas qu'il rechute. Quand un joueur revient de blessure et que ça se passe bien, ça fait toujours plaisir. Quand on voit Abdou' (Abdoulaye Diaby, NDLR) qui revient fort... Pendant deux mois, il voulait m'étrangler à la fin de chaque séance. Il en a chié pendant deux mois, il a rongé son frein, il est passé par la case réserve. Mais aujourd'hui, il sait que grâce à ces deux mois de travail il fait du bien à l'équipe.
Faites-vous partie de ces préparateurs physiques modernes qui font en sorte d'intégrer au maximum le ballon dans leurs exercices relatifs à la préparation physique ?
J'essaie ! Mais à un moment donné il faut aussi passer à des choses sans ballon car il y aussi le mental qui rentre en jeu. Quand il y a une distance à réaliser en tant de temps, ça permet de contrôler. D'autant qu'on n'a pas tous les systèmes de technologie GPS ici. En préparation physique générale, il faut forcément passer par des moments sans ballon.
Dans cette poule C de National 2 extrêmement homogène, quelle est la part de l'importance d'une bonne préparation physique ? Autrement dit, à quel point la préparation physique influence-t-elle les résultats ?
Aujourd'hui, n'importe quel prépa' a les capacités de faire du bon boulot. À ce niveau-là, tout le monde est bien préparé. Ce qui fait la différence, c'est la qualité intrinsèque des joueurs. Sur le papier, on n'a pas intrinsèquement les meilleurs athlètes de la poule. Nous on joue sur notre capacité à être tous à 100 % physiquement. Il faut que les 16 joueurs soient à 100 % physiquement et mentalement. Et que les courses des uns compensent celles de ceux qui sont un peu moins bien. La force du groupe est dans cette capacité à compenser, même si personne n'est vraiment en dessous. L'état d'esprit du groupe est remarquable de ce point de vue-là.
"Mon boulot, c'est de filtrer les infos"
Arnaud Grosselin, préparateur physique de l'OAC
En tant que jeune préparateur physique (29 ans), vous vous efforcez de réaliser la plupart des exercices athlétiques avec les joueurs. Ça aide à gagner l'adhésion du groupe ?
Pour le lien avec eux, c'est important. Il y a des choses que je ne peux pas faire car je dois animer et surveiller les postures. Mais quand je peux, je le fais avec eux. Ils souffrent, ça me permet de savoir comment ils souffrent. Je leur montre que je suis conscient de l'effort qu'ils fournissent.
Ça contribue d'ailleurs à votre bonne entente avec la majorité des joueurs. Au point de faire de vous un relais privilégié entre eux et le coach ?
L'avantage du prépa', c'est qu'on est tout le temps avec les joueurs. On est au courant de tous les petits bobos. Quand ils ont le moindre souci, ils passent par moi. Mon boulot, c'est de filtrer les infos. Je dois déterminer ce que je vais dire au coach et ce que je vais garder pour moi. Il y a des infos que me donnent les joueurs pour que je sois au courant. Je dois décider ce qui est important à savoir pour le coach et ce qui ne l'est pas. Je dois trouver le juste milieu pour ne pas trahir la confiance des joueurs, ni celle du coach. Un exemple concret. La semaine dernière, Yamadou (Fofana, NDLR) est venu me voir en me disant qu'il était KO. J'ai prévenu le coach parce que j'ai jugé que je ne pouvais pas lui cacher. On a géré le truc. Vendredi, veille de match, Yamadou n'a fait que l'échauffement et est rentré aux vestiaires pour se reposer. Le lendemain à Saint-Priest, il a pu être titulaire.
Les questions "bonus"
Quel joueur de l'effectif a le plus progressé physiquement sous vos ordres ?
Bonne question ! Ce n'est un secret pour personne, Jérémy Balmy n'a pas fait une grosse première partie de saison. Il n'y a pas que l'aspect athlétique, mais il s'est remis dedans en se disant qu'il allait se faire "mal". Il a travaillé dur lors des séances pour revenir fort. Après, de manière générale, c'est plus facile de faire progresser les jeunes joueurs sur cet aspect-là. Diaguely Dabo qui est un monstre physique, ce n'est pas maintenant que je vais le faire progresser. Globalement, c'est le groupe entier qui a progressé. Le nouveau coach a mis les points sur les "i". Et ils se sont tous rendus compte qu'ils n'étaient pas au niveau physiquement.
Qui est le plus impressionnant physiquement, celui qui tire tout le monde vers le haut ?
(Sans hésitation) C'est Jeff' (Jeffrey Assoumin, NDLR) ! Il arrive toujours avant les autres et part toujours après. Il a ses routines. Il a permis aux autres d'avoir de l'exigence. Physiquement, il est monstrueux. Ça prouve que ça vaut le coup car il n'a pas eu de pépin physique. C'est un athlète de A à Z !
Qui est celui qui réalise les meilleurs performances sur le plan aérobie ?
On n'a pas refait de tests depuis la préparation estivale. Mais Lenny Houelche faisait partie des gros coureurs, comme Daysam Ben Nasr quand il est à 100 %. Paul (Bonneau, NDLR) était parmi les meilleurs et Jeff' aussi évidemment.