FAIT DU JOUR Pierre Mauméjean, maire d'Aigues-Mortes, se confie
Maire d'Aigues-Mortes, Pierre Mauméjean fêtera ses 70 ans en juin. Après une carrière d’inspecteur de police à la PJ de Marseille puis à Nîmes, le voilà depuis 2008 baignant dans la vie politique camarguaise. À Aigues-Mortes, évidemment, ville qu’il a peu quittée.
Objectif Gard : Comment passe-t-on du poste d’inspecteur de police judiciaire à la fonction d’élu ?
Pierre Maumejean : C’est une vocation, la police nationale. Le seul concours que j’ai passé est celui d’officier. Je voulais faire de l’investigation. J’ai vécu sur Marseille de très grandes affaires de banditisme. D’un point de vue humain, j’ai touché ce qu’il y avait chez l’homme de plus vil. Des comportements complètement dégueulasses. Je suis arrivé inspecteur à Marseille en 1975 et je suis resté trente ans, jusqu’en juin 2004. J’ai été ensuite sous-directeur de la logistique à l’institut d’Alzon pendant trois ans. J’ai aussi contribué à mettre en place la vidéo-surveillance à Pont-Saint-Esprit. J’ai connu le président de Nîmes métropole, Yvan Lachaud, il y a vingt ans, quand j’étais policier. Je précise aussi que j’ai d’excellentes relations avec le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier. J’ai eu la chance à ma sortie de l’école de police d’être affecté à la Section criminelle de la police judiciaire de Marseille qui ouvrait une antenne sur le parquet de Tarascon. J’y suis resté treize ans, avant de prendre la responsabilité de la brigade des stupéfiants et du proxénétisme à Nîmes. Mon grand-père maternel était ouvrier agricole. Côté paternel, c'était des commerçants multicartes. J’ai toujours vécu, dès que j’ai pu, à Aigues-Mortes. En 2008, deux ennemis irréductibles de Droite se sont affrontés au deuxième tour et c’est la liste socialiste qui est passée avec 36%. J'ai fait mes débuts dans l’opposition. Nous avons pris toujours des positions raisonnées, apaisées, constructives. Ce n'est pas toujours le cas de l’opposition actuelle...
Et le traitement de la délinquance à Aigues-Mortes vous est toujours apparu essentiel ?
Quand on est arrivé, on avait trois axes : sécurité, propreté, proximité. Je trouvais que la délinquance sur la voie publique était élevée. On a mis en place des mesures très rapidement et on a rétabli des contacts avec la gendarmerie nationale, qui étaient insuffisants. Des réunions hebdomadaires se tiennent avec tous les acteurs de la sécurité pour favoriser les échanges, l’harmonisation des patrouilles. La délinquance du quotidien a chuté de 35 à 60%, selon la nature de l’infraction. Celle qui pourrie la vie des gens. J’ai eu la chance d’avoir dans mon équipe un ancien commissaire divisionnaire. Le système de vidéo-surveillance marchait mal. On a refait un maillage sur la ville avec 52 caméras, puis lancé la participation citoyenne et la cellule citoyenne, avec l’accord du parquet et de la gendarmerie. Pour des incivilités ou de petites dégradations, nous recevons la personne mise en cause. C’est un système de travail d’intérêt général.
Quel souvenir gardez-vous de votre prédécesseur, devenu votre principal opposant ?
M. Bonato a fait beaucoup de promesses. Il a refait les mêmes six ans après. Il s’est à mon avis coupé des Aigues-Mortais. On était toujours dans la démesure. Son mot d’ordre était : « je ne bouge pas ». À six mois des élections, on s'est retrouvé sans tête de liste pour notre tendance. Ça a été assez compliqué de fédérer. Je me suis retrouvé avec Isabelle Secrétan dans le bureau de Jean-Paul Fournier, puis dans celui de Yvan Lachaud. Ils se sont entendus. À l’époque, ça arrivait !
À la communauté de communes de Terre de Camargue, vous vous sentez comment ?
C’est compliqué. En 2014, la présidence aurait du revenir à Aigues-Mortes. Quand je suis arrivé ici, c’était un terrain miné, avec des cadres très acquis à l’ancienne municipalité. Un peu comme Robert Crauste au Grau-du-Roi. Et j’ai décidé de me consacrer à ma ville. La présidence de l’intercommunalité Terre de Camargue a échu à M. Pélissier qui n’attendait que ça. Après, les relations de confiance se sont complètement détériorées. La Communauté de Communes n’a pas de majorité. Elle fonctionne sur des à-coups, par la défiance. Chacun reconstruit son opposition municipale à travers la communauté. Quand vous voyez que le président de la Communauté de communes a été désavoué unanimement par l’ensemble des conseillers communautaires pour la délégation de service public sur l’eau... Par deux fois son budget a été retoqué par le conseil communautaire. Ça fonctionne mal et ça ne peut pas avancer.
Et la coopération intercommunale camarguaise plus large ?
Je suis ouvert à l’extension de l’intercommunalité, même du côté de Lunel ou de Palavas-les-Flots ou de la Grande-Motte, voire des Saintes-Maries. Si on ne le fait pas, on sera bouffé par Nîmes ou Montpellier. 100 000 habitants au total, c'est viable. Si on n’est pas plus costaud, ce sera très difficile. On ne peut pas continuer à être recroquevillé sur nous, sur ce petit espace, avec une commune plus riche que les autres et trois communes dans une seule intercommunalité.
Quel est le principal défi pour Aigues-Mortes à vos yeux ?
Aigues-Mortes est une ville qui vieillit mais qui n’a pas connu la désertification de son centre ancien comme cela se passe partout ailleurs car nous avons les remparts. Le foncier de l’intra-muros a un prix très élevé. C’est un bon ancrage pour les gens âgés et un peu fortunés qui viennent s’installer. La population diminue, vieillit. On a fermé trois classes ces dernières années et on en a sauvé une d’extrême justesse. Un signal d'alarme (NDLR : depuis 2015 la ville a perdu 170 habitants).
Vous avez le souci de rajeunir la population et d'ancrer des nouveaux arrivants pour redynamiser. Ça marche ?
On a actuellement trois projets en habitat collectif. Celui du secteur de la gare, avec un pôle médical, va aboutir à la fin du mois. Les terrains ont été achetés par la Région. D'autres HLM sont projetés par un Toit pour Tous. Là aussi, ça se boucle en ce moment. Cela concerne une trentaine d’appartements, huit à dix villas et dix à douze appartements pour seniors.
Que pouvez-vous dire sur LE sujet polémique qui agite depuis 2006 la cité : le projet d'urbanisation du Mas d'Avon ?
Moi, je ne suis pas un obsédé du Mas d’Avon. Je veux retenir la population jeune sur Aigues-Mortes et cette zone-là était pour l’État la seule urbanisable. Le Mas d’Avon est un projet porté initialement par la municipalité précédant celle de M. Bonato. À l'époque, 33 hectares ont été retenus pour des espaces stratégiques en mutation, avec la construction d’un troisième pont sur le canal et une rocade. Le projet était bouclé en 2006. Cédric Bonato a fait campagne contre ce projet, comme M. Charpentier, en 2008. Élu, M. Bonato l'a fait casser. Les services de l’État ont réduit ensuite l’espace stratégique en mutation sur 17 hectares seulement, mais non aménageables. Le Plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) a ensuite été annulé suite à l’action judiciaire entamée par les Salins. Le nouveau PPRI est prévu pour 2019. Je suis optimiste quant à ses conclusions mais jusque-là, c’est suspendu. Les opposants au projet inventent l’inondabilité de la zone. Ils ont le droit d’être contre pour des tas de raisons, mais là, c’est faux.
Propos recueillis par Florence Genestier