Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 06.07.2020 - tony-duret - 3 min  - vu 5686 fois

FAIT DU JOUR Boisset-et-Gaujac : pourquoi ne veulent-ils pas de la prison ?

Photo d'archive lors d'une manifestation contre le projet de prison à Boisset-et-Gaujac Tony Duret / Objectif Gard

Suite à la révélation par Objectif Gard du projet d’implantation d’une prison sur la commune de Boisset-et-Gaujac (relire ici), de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leurs inquiétudes. D’abord réunis sous la forme d’un collectif, et aujourd’hui d’une association baptisée « GardonS Patrimoine & Environnement », les opposants au projet multiplient les rencontres avec les élus, informent la population et tentent de démonter les outils de langage utilisés par les « pro-prison ».

Ils n’avaient pas imaginé un tel été ! En quelques semaines, la quinzaine de bénévoles de l’association - constituée d’habitants de Boisset-et-Gaujac et des villages voisins - a considérablement travaillé. À l’instar de politiques en campagne électorale, ils arpentent le terrain, rencontrent des élus et prennent sur leur temps libre pour étudier les dossiers.

Ces citoyens engagés, sans couleur politique, mais incontestablement amoureux de leur territoire, de la richesse du patrimoine, de cette splendide vallée du Gardon, des châteaux inscrits aux monuments historiques, de ces propriétés viticoles dont la renommée ne cesse de croître, n’envisagent pas un instant qu’une maison d’arrêt avec 500 détenus s’implante sur leurs terres chéries. Surtout que les autorités, que ce soit au national ou au niveau local, n’ont pas du tout préparé le terrain… « On a découvert ce projet dans la presse, suite à votre article », s’étonne encore Christel Girard, la présidente de l’association « GardonS Patrimone & Environnement ».

Un projet opaque

Ce que les opposants dénoncent, entre autres, c’est « l’opacité » et le secret qui ont entouré ce projet. « On a reconstitué l’historique, détaille Christel Girard, et on a appris qu’une visite du site avait eu lieu en septembre 2019 avec le maire de Boisset-et-Gaujac, le sous-préfet d’Alès et des administratifs. Rien n’a fuité. C’est sûr que si les habitants avaient su que le maire discutait en catimini du projet d’une prison, le résultat des élections aurait été tout autre », avance-t-elle.

Ce qui agace également les membres de l’association, ce sont toutes les rumeurs lancées à leur encontre - « on serait de dangereux gauchistes », rigole l’un d’eux  - et les éléments de langage repris en boucle par les partisans de la prison. Et celui qui revient le plus, c’est celui de l’emploi. « On entend parler de 300 à 400 emplois. D’abord, c’est plutôt 200 à 250, mais il faut savoir que les personnes qui décrocheront un travail ne sont pas forcément du coin. Le personnel pénitentiaire, par exemple, est recruté sur concours, à l’échelon national », explique Christel Girard qui met en avant une étude d’Isabelle Leroux, une universitaire qui a commis plusieurs rapports sur les prisons à destination du ministère de la Justice.

Christel Girard, présidente de l'association GardonS Patrimoine & Environnement. Photo Tony Duret / Objectif Gard

« Cette étude démontre qu’il y a un consensus sur la faiblesse des retombées économiques liées à l’implantation d’une prison et que, dans certains cas, il y a même un ralentissement économique », révèle Christel Girard. Quand on leur oppose un autre argument avancé par les partisans du projet qui voudrait que la construction de la prison pérennise le tribunal de grande instance d’Alès, les membres de l’association répondent : « Quel est le lien entre les deux ? Quand la prison du Fort Vauban à Alès a fermé ses portes, il n’y a eu aucune incidence sur le tribunal d’Alès ».

La prison d’Anduze !

On le voit, en deux mois à peine, les amoureux de ce joli coin des Cévennes ont affûté leurs arguments et parviennent à toucher le grand public sur un point sensible : l’image du territoire. « Ici, c’est le paysage, c’est le vin, c’est le soleil, c’est le camping, c’est le Gardon. Accoler la notion d’une prison, c’est antinomique. On ne part pas en vacances à Fresnes ! », constate un bénévole. Un autre reprend : « La Bambouseraie, qui est à Générargues, est communément appelée la Bambouseraie d’Anduze. Ce sera pareil pour la prison, ce sera la prison d’Anduze. C'est terrible pour le tourisme et l'image d'Anduze ».

La bataille ne fait que commencer

« Une prison d’Anduze » qui, ils l’espèrent, ne verra jamais le jour. « Cette prison doit être implantée au plus près de la commune centre (pour le Gard : Alès ou Nîmes, Ndlr) afin qu’il y ait des structures hôtelières pour accueillir les familles, des entreprises pour faciliter la réinsertion des détenus et les infrastructures adéquates. À Boisset-et-Gaujac, il y a très peu de dessertes, pas de structures associatives et la voirie est incompatible avec la sécurité exigée », développe Christel Girard qui tente de mobiliser les acteurs économiques, mais aussi les maires en faisant voter, lors des conseils municipaux, des motions contre ce projet de prison. À Boisset-et-Gaujac, elle a été votée à l’unanimité le 17 juin dernier, dont par l’ancien maire, Gérard Reverget, aujourd’hui devenu premier adjoint. « Dans ce dossier, tout le monde ne la joue pas franc-jeu », insinue un membre du collectif, « mais nous on se battra jusqu’au bout » !

Tony Duret

Lien vers la page Facebook de l'association

Relire aussi : le maire "abasourdi" après l'annonce de la construction de la prison 

Tony Duret

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