Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 25.12.2020 - marie-meunier - 4 min  - vu 909 fois

COLLIAS Conserver les deux moulins : un problème "grand mais pas forcément insoluble"

Le commissaire-enquêteur a rendu sa copie, publiée il y a quelques semaines sur le site de la Préfecture, concernant les expropriations de biens exposés au risque naturel majeur d'inondation.
Le moulin Revezy est un édifice familial. Il servait à produire de l'huile d'olive avec la variété locale : la picholine. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le moulin Roger-Fages, un peu en aval de celui d'Henry Revezy, doit aussi être détruit. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Les moulins Revezy et Roger-Fages, bordant l'Alzon, vont-ils rester debout ? Ces deux édifices, pans de patrimoine de la commune de Collias, sont menacés de destruction car exposés au risque naturel majeur d'inondation. Le rapport d'enquête, sorti il y a quelques semaines, fait état des inquiétudes des habitants, des réponses apportées par la Préfecture du Gard et des conclusions tirées par le commissaire-enquêteur.

Suite à la violente crue de septembre 2002, les services préfectoraux du Gard procèdent à des expropriations des biens sinistrés ou exposés à un risque naturel majeur pouvant mettre en danger la vie de ses occupants en cas de crue. La commune de Collias avait été particulièrement impactée par ces inondations. Il restait encore neuf propriétés visées par la procédure d'expulsion et donc indubitablement de démolition pour éviter toute occupation des lieux et donc de mettre en danger des vies humaines.

Et parmi ces neufs biens : deux moulins habitables, véritable part du patrimoine du village mais ne bénéficiant d'aucun classement pouvant les protéger. Les Amis du patrimoine de Collias et l'association pour la protection du Gardon et de ses affluents se sont émues de l'éventuelle disparition de ces moulins et ont averti le maire, Jonathan Pire. Alors que l'enquête a été ouverte dans la commune du 17 septembre au 2 octobre, les deux associations ont formulé plusieurs idées pour le devenir des deux moulins. Bien qu'ils ne peuvent plus être occupés en tant qu'habitation, Jean-Marc Esberard, président de l'association pour la protection du Gardon et de ses affluents, imaginaient bien le moulin Remezy comme lieu de visite et son seuil exploité pour produire de l'énergie en hydraulique, et le moulin Roger-Fages en poste de secours. Les deux édifices seraient alors rétrocédés à la mairie et entretenus par les bénévoles des associations. Quant aux propriétaires actuels, ils ne s'opposent pas à l'expropriation mais aimeraient que les moulins restent debout.

Une forte mobilisation des Colliassois pendant l'enquête publique

Le commissaire-enquêteur a bien noté que la majorité de la population souhaitait que ces deux moulins soient épargnés. D'ailleurs, il a reçu 21 personnes durant ces trois permanences à Collias quand il en a rencontré qu'entre deux ou quatre à Aramon, Vers-Pont-du-Gard et à Remoulins, également concernées par ces procédures d'expropriation. Treize remarques se sont retrouvées sur le registre colliassois, la plupart à propos des moulins.

Encore en très bon état, l'association pour la protection du Gardon et de ses affluents aimerait organiser des visites du moulin Remezy pour faire découvrir ce pan d'histoire aux habitants et au-delà. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Parmi elles, celles du maire qui "s'oppose à la destruction de ces deux moulins". Ce que la Préfecture entend mais elle pointe l'incohérence avec la finalité du fonds Barnier : "La problématique engendrée par le maintien d’un bâti sur des terrains acquis par le fonds Barnier, est que celui-ci reste soumis à un nouvel évènement climatique, est donc appelé à percevoir une nouvelle indemnité d’assurance, alors que l’objectif final est bien de soustraire le bien à une nouvelle sollicitation de la solidarité nationale. Par conséquent, la déconstruction des bâtis semble être la meilleure réponse à cette attente."

Pas très encourageant mais la Préfecture de préciser : "la déconstruction de ces 2 moulins devra faire l’objet d’une autorisation par décision ministérielle après avis de l’Architecte des bâtiments de France (ABF), de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL Occitanie), et de la Commission départementale de la Nature, des paysages et des sites (CDNPS)".

Il est important que les collectivités locales [...] trouvent une solution afin de sauvegarder ces patrimoines"

Le commissaire enquêteur prend note et écrit : "Effectivement, la démolition semble être la solution la plus facile et appropriée dans le cas présent. [...] Aussi le commissaire enquêteur demande que, malgré la complexité du problème à résoudre, toutes les solutions soient étudiées afin de sauvegarder ce patrimoine."

Le maire, Jonathan Pire, et les deux présidents des associations Les Amis du Patrimoine et celle pour la protection du Gardon et de ses affluents, souhaitent que les deux moulins menacés de destruction soient préservés. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Un peu plus bas dans la lecture du rapport, la Préfecture redit : "Le maintien d’une construction expropriée nécessiterait des frais d’entretien, de conservation, de gestion et de surveillance imputable sur les budgets de fonctionnement des services de l’État, non financés par le FPRNM (Fonds de prévention des risques naturels majeurs alias fonds Barnier, ndlr). À ce jour le programme de prévention des risques du budget de l’État n’a pas prévu les dépenses destinées à gérer des bâtiments acquis par cette procédure." Elle précise que la destruction des moulins n'implique en aucun cas celle des seuils qui devrait être soumise à une étude d'impact préalable. Surtout que ce n'est pas du tout prescrit dans le PPRI (plan prévention du risque inondation) du Gardon aval.

Malgré la position de la Préfecture penchant plutôt pour la démolition, le commissaire-enquêteur conclut que "le problème de la conservation des deux moulins est donc grand mais pas forcément insoluble. [...] Si une rétrocession des moulins est éventuellement réalisée, il est impératif que les collectivités doivent s’engager, malgré les contraintes qui vont s’avérer très lourdes, à empêcher toute occupation de la bâtisse, à prendre en charge l’entretien des moulins et à ne plus solliciter les services de l’Etat en cas de nouvelles inondations. Il est important que les collectivités locales, les élus, trouvent une solution afin de sauvegarder ces patrimoines." Il resterait environ 60 000 moulins en France à ce jour.

Marie Meunier

Marie Meunier

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