LAUDUN-L’ARDOISE La majorité se déchire lors d’un conseil municipal tendu
La séance du conseil municipal de Laudun-l’Ardoise qui se tenait ce mardi soir au Forum avait un ordre du jour aussi court que lourd de conséquences, puisqu’il s’agissait du maintien ou non de quatre adjoints ayant demandé il y a deux semaines au maire de rendre leurs délégations.
Le tout sur fond de divorce entre le maire Yves Cazorla et le premier des « frondeurs », son premier adjoint et fidèle de longue date, Patrick Pannetier. Lequel a donc décidé, en compagnie des adjoints Jean-Claude Magès, Patricia Chenel et Florian Reyrolle, mais aussi des conseillers délégués Claudine Chastel, Pascal Lentheric, Bernard Bougé et Jonathan Migné, de rendre ses délégations, arguant « l’absence de dialogue. Le manque de concertation ou en rattrapage, la monopolisation des décisions, ne correspondent pas au rôle participatif que nous nous étions fixés ».
Si le sort des conseillers municipaux ne dépend que du seul maire, celui des adjoints doit être tranché par le conseil municipal, d’où cette étrange séance où le linge sale de la majorité a été lavé à huis-clos mais en direct vidéo. Une séance qui, telle une bonne bouteille de Laudun qui aurait été trop secouée, a tourné au vinaigre.
« Une situation surréaliste »
Il faut dire qu’elle a démarré sur les chapeaux de roues, cette séance, Patrick Pannetier s’exprimant d’emblée pour s’enquérir de la démission, ou pas, de Cindy Bonillo, conseillère municipale de la majorité. Dans un échange déjà tendu, le maire lui répondra qu’il n’avait pas reçu de lettre de démission de son élue, qui a donc continué de siéger dans la majorité, qui ne tient qu’à un élu désormais, et de voter. « Je vais l’acter, mais laissez-moi un doute », dira Patrick Pannetier. « Ok, je vous le laisse », lui rétorquera Yves Cazorla. Ambiance.
Est ensuite venu le dur, l’ordre du jour, en commençant par le cas Pannetier. Yves Cazorla se lancera pour commencer dans une longue tirade de « contexte », durant laquelle il accusera les dissidents de « jeter le discrédit sur la commune », et où il actera l’impossibilité de dialogue avec les huit élus, qui ne serait pas de son fait. S’il leur a retiré leurs délégations, « c’est leur volonté, pas la mienne », lancera-t-il, tout en affirmant que leur démarche avait été faite « sans donner de raison précise ». Le maire affirmera aussi que la crise actuelle n’était d’après lui pas comparable à celle qui avait fini par coûter sa place à son prédécesseur Philippe Pecout en 2018, car désormais « la commune est dans une situation confortable ».
Philippe Pecout justement, désormais opposant, parlera d’une « situation surréaliste », un an après l’élection, avant de saluer dans les élus dissidents « quatre élus qui ont montré leur application, leur attachement dans leurs fonctions et leur volonté de travailler pour tous les habitants ». L’opposant s’en prendra au maire, qui « oriente la commune dans une impasse », avant de faire le pont entre la situation actuelle au sein du conseil et celle des agents communaux, « qui dénoncent des méthodes d’un autre temps ». Pour l’opposant Marcel Lozzi, qui s’exprimera ensuite, la crise actuelle « marque une réaction vis-à-vis d’un management sur lequel il faut s’interroger ».
« Nous n’avons plus confiance en vous »
Patrick Pannetier prendra ensuite le micro pour lancer au maire que sa démarche et celle des sept autre élus dissidents était faite « car nous n’avons plus confiance en vous ». « Nous vous avons alerté plusieurs fois, mais ça n’a pas servi à grand chose », reprendra-t-il, avant de lâcher que « ce soir, la seule chose que nous savons, c’est que nous ne travaillerons plus avec vous, et c’est un soulagement ».
Après avoir réaffirmé que les huit élus ne rejoindront « jamais » les deux groupes d’opposition, le premier adjoint pour encore quelques minutes tancera « l’ego démesuré » du maire. Quant à l’accusation de manipulation sous-entendue par le maire, Patrick Pannetier la rejettera en bloc : « Nous sommes des personnes mûres. Vous ne vouliez plus les vieux, peut-être trop compétents, qui vous faisaient de l’ombre. »
L’élu, ancien gradé de l’armée, affirmera que dans sa longue carrière, « jamais (il n’a) été traité de cette façon » et que s’il avait choisi de claquer la porte, comme les sept autres élus, c’était « pour préserver notre santé mentale, physique et nos familles ».
Au tour ensuite de l’opposant Jean-Pierre Laffont, ancien colistier d’Yves Cazorla, avant une scission en 2015 « pour les mêmes raisons », affirmera-t-il. « Vous avez réussi à écœurer vos plus proches », lancera-t-il à Yves Cazorla avant d’estimer, avec une formule d’une rare virulence, qu’outre la crise sanitaire, « à Laudun-l’Ardoise nous avons un problème supplémentaire, et ce problème c’est vous ».
Suivront deux élus de la majorité. L’adjointe Jessica Abate pour dénoncer le fait que dans le budget voté il y a deux semaines et présenté par Patrick Pannetier, « il y a zéro pour le sport », et de l’adjoint Michel Agnel qui se dira « trahi » par Patrick Pannetier. Un mis en cause qui répondra que le budget était « finalisé par le maire », et que Michel Agnel ne prenait « pas beaucoup de décisions ». Ce à quoi le principal intéressé lui rétorquera que s’il n’en prenait pas beaucoup, c’est que « des fois les décisions sont déjà prises avant ». « Par qui ? », le relancera le maire. « Patrick Pannetier », lâchera-t-il.
Le conseiller municipal Frédéric Berne s’en prendra lui aussi à Patrick Pannetier, évoquant sa « petitesse », et demandant publiquement à Cindy Bonillo, évoquée en début de séance par Patrick Pannetier, combien de fois ce dernier l’avait appelée dernièrement. « Une dizaine de fois », entendra-t-on alors. « Ça doit être quatre fois et un message », corrigera Patrick Pannetier.
« Nous avions un opposant au maire dans la majorité depuis un bon moment »
Suivra une nouvelle longue intervention du maire. « Aujourd’hui j’ai mal, je suis déçu. J’ai honte de l’image renvoyée par la partie dissidente de la majorité car j’ai choisi les membres de cette équipe », lancera Yves Cazorla, estimant plus loin que « rien ne justifie la trahison du vote des habitants ». Le maire tentera bien de trouver des explications, comme celle d’un confinement « qui n’a pas aidé notre équipe à se souder », ou encore « la désinformation chronique » qui sévirait sur les réseaux sociaux, qui atteindrait « certains élus plus fragiles que d’autres ».
Yves Cazorla choisira ensuite de régler à son tour ses comptes avec Patrick Pannetier qui « jusqu’à 2020 décidait tout sur tout. En 2018 il a même décidé de l’ordre des adjoints et en 2020 j’ai souhaité le faire moi-même, ce qui ne lui a pas plu ». Le maire affirmera que son premier adjoint n’avait « jamais accepté » cet état de fait. « J’ai eu la faiblesse de penser que les états d’âme de l’ancienne garde s’estomperaient », poursuivra-t-il, accusant ensuite les intéressés de lui avoir mis « des bâtons dans les roues ».
Dans une esquisse de mea culpa, le maire dira qu’il avait « donné tout pouvoir, peut-être trop » à son premier adjoint, qui se serait mis à « parler dans (son) dos ». « Nous avions un opposant au maire dans la majorité depuis un bon moment », ajoutera Yves Cazorla, avant de se demander si ce ne sont pas « (sa) présence et (sa) fonction supérieure qui incommodent » Patrick Pannetier. L’opposition et les huit dissidents décideront alors de claquer la porte avant même le premier vote à bulletin secret sur le maintien ou pas des adjoints.
Vote qui, sans surprise, les verra démis à l’unanimité des quinze élus restants. Ils forment donc la nouvelle majorité, qui ne tient plus qu’à un élu. Les quatre adjoints concernés redeviennent donc simples conseillers municipaux sans délégation. Le maire conclura ce triste spectacle pour les Laudunois et les l’Ardoisiens en se disant « désolé pour la tournure de ce conseil municipal ». On le serait à moins.
Thierry ALLARD