ALÈS AGGLO Les élus communautaires jouent les pompiers de service
Ce jeudi soir, en préambule du conseil communautaire d'Alès Agglomération, les sapeurs-pompiers du bassin alésien, en grève depuis le 18 janvier dernier, ont été entendus par les élus locaux. La nouvelle caserne qu'ils réclament pourrait être construite à Bagard.
En grève illimitée depuis un mois tout pile, les sapeurs-pompiers d'Alès ont délaissé quelques minutes le parvis du Cratère qu'ils occupent quotidiennement pour rejoindre le perron du bâtiment Atome. Peu avant le comité des maires, lequel a précédé le conseil communautaire d'Alès Agglomération ce jeudi soir, une vingtaine d'entre eux a été entendue par la presse et une demi-douzaine d'élus locaux.
"Le manque de moyens humains et l'augmentation du nombre de nos interventions provoquent un sous-dimensionnement de notre service de secours", ont-ils une nouvelle fois alerté, décrivant un problème qui "persiste depuis trop longtemps". Des propos étayés par des chiffres qui font mention de 6 500 interventions par an assurées par 18 pompiers opérationnels chaque jour en 2005, contre 9 300 en 2021 à effectif égal voire légèrement inférieur.
"Dans certaines conditions, lorsque nos quatre ambulances sont en intervention simultanément, il est impossible d'assurer un départ de feu en périphérie d'Alès. Nous allons droit à la catastrophe !", s'inquiète le collectif de sapeurs-pompiers. À ce jour, si des solutions ont été avancées (diminution de leur champ d'intervention, réduction des interventions via un filtrage des appels, fin de la gratuité de certaines missions), elles sont jugées "inefficaces" par les protagonistes concernés.
Le compromis de vente a été signé
En l'état, ces derniers préconisent l'embauche de 18 sapeurs-pompiers professionnels à court terme, et réclament la construction d'un nouveau centre de secours. Celui-ci pourrait être construit à Bagard, comme l'a laissé entendre le président de l'Agglo, Christophe Rivenq, qui, s'il s'est exprimé une première fois devant l'entrée du bâtiment Atome face aux grévistes, en a remis une couche en conseil d'Agglo devant l'ensemble des élus communautaires.
Le dernier nommé a ainsi relaté sa rencontre avec la présidente du Département, Françoise Laurent-Perrigot, la semaine dernière, à l'issue de laquelle "nous sommes tombés d'accord pour mettre à disposition au plus vite un terrain au SDIS (∗) afin d'y bâtir la nouvelle caserne à Bagard". Si le compromis de vente avec le propriétaire est désormais signé, la cession pour un euro symbolique au SDIS n'interviendra que lorsque ce dernier sera "en capacité de lancer les études pour mener rapidement les travaux".
Le président de l'Agglo, qui aimerait que "le bassin d'Alès soit traité comme certains autres bassins du département en matière de services d'incendie", renvoie désormais la balle dans le camp du patron des pompiers du Gard, Alexandre Pissas, lequel serait à ce jour quelque peu frileux en raison de l'emplacement du terrain. Situé entre l'ancienne route d'Anduze et la route de Saint-Christol-lez-Alès, près du stade de Bagard, il induit le règlement d'un problème de voirie via la jonction de deux routes départementales.
Bonnefon / Merlin Gérin
En marge des délibérations prévues dans la séance du conseil communautaire, ce rendez-vous avec les élus du territoire est toujours l'occasion pour le président de l'Agglo de "faire un point" sur certains dossiers brûlants. Ce fut le cas ce jeudi soir, avec l'évocation du conflit qui oppose une partie des salariés de la clinique Bonnefon et sa direction, lequel s'enlise depuis le 26 janvier dernier.
"Les grévistes mentionnent des problèmes de gestion interne qui ne nous concernent pas directement. Mais quand ça a un impact sur l'activité hospitalière du territoire, ça nous concerne. Aujourd'hui, il y a des déprogrammations d'opérations liées à ce mouvement social", s'émeut Christophe Rivenq. Et d'ajouter : "Nous avons pris contact avec les médecins de l'établissement. Ils reconnaissent des problèmes de gestion de personnel qui conduisent à une sorte de mal-être au travail."
C'est donc avec l'intention de "trouver une issue par le haut" que les élus alésiens ont rencontré la direction du site. "On a aussi échangé avec les propriétaires du groupe Elsan pour leur demander la même chose", prévient celui qui est aussi premier adjoint de la ville d'Alès, ayant par ailleurs "le sentiment que ce conflit pourrait dépasser Alès". Ce samedi 19 février à 11 heures, une nouvelle manifestation est programmée devant l'entrée de la clinique.
A contrario, la lutte menée pendant huit jours par la majorité des employés de Merlin Gérin a trouvé son épilogue (relire ici). Et, s'ils restent un peu sur leur faim, les grévistes ont enregistré "une belle victoire". "Les représentants syndicaux ont tous été très constructifs tout au long du mouvement. Désormais, le travail a repris, l'entreprise d'Alès va bien", expose Christophe Rivenq. D'ailleurs, "plus de 30 millions d'euros" vont être investis dans ce "fleuron" du groupe Schneider Electric.
Débat d'orientation budgétaire
L'heure était alors venue pour les élus communautaires d'engloutir le gros morceau de la soirée, avec le déterminant débat d’orientation budgétaire (DOB), dont la délibération a été votée en bien plus de temps que les 20 autres à l’ordre du jour réunies. Étroitement lié aux événements macroéconomiques qui ont frappé l'Hexagone, ce dernier fixe les objectifs de dépenses de l'Agglo en fonction de ses potentielles recettes sur lesquelles la collectivité n'a que "très peu de prise".
Ainsi, le DOB 2022 ne pouvait faire fi de la crise covid, laquelle, en 2020, a réduit le PIB de la France de 8 points de pourcentage. Bien qu'un retour de la croissance de l'ordre de 4% soit espéré cette année, "des tensions dans le secteur de l'emploi demeurent", signale le président de l'Agglo. Puisque le déficit public a atteint 210 milliards d'euros en 2020 et ne passera "sous le seuil des 3% qu'en 2027", les collectivités territoriales se préparent à jouer les "variables d'ajustements" pour baisser le niveau de l'endettement.
Dans ce contexte, l'enveloppe globale de dotations de l'État aux collectivités sera inévitablement baissière. Ce qui obligera Alès Agglomération à gérer ses dépenses d'une main de fer, en réduisant par exemple de près de 4 millions d'euros par an le coût exorbitant du traitement des déchets. Mais, dans la mesure où la collectivité entend réaliser sept années d’investissement en six afin de mener à bien son projet de territoire, elle prévoit tout de même d'investir 19 millions d'euros chaque année. "Tout ça sans compter les réseaux d'eau et d'assainissement, qui représentent à tous les deux quasiment 200 millions d'euros d'investissement à l'horizon 2030", achève Christophe Rivenq au terme d'une avalanche de chiffres.
"Les besoins seront certainement supérieurs à nos recettes et j'espère que nous ferons les compromis nécessaires pour notre territoire", est intervenu Sylvain André. "Il faut aussi que les gens comprennent que les réglementations que l'État fixe aux collectivités sont très onéreuses et nous contraignent dans nos démarches", a aussi pesté le maire de Cendras, citant le récent porter à connaissance (PAC) sur le risque feu de forêt.
"Sommes-nous des moutons qu'on va continuer à tondre indéfiniment ?", a quant à lui interrogé Jean-Michel Perret, maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas. Et d'étayer : "L'État continue de nous dépouiller. Après la taxe professionnelle dans les années 2000, la taxe d'habitation il y a deux ans, la taxe d'aménagement cette année. Où va-t-on ?" Faire toujours plus avec toujours moins, tel est le casse-tête que tenteront de résoudre les élus communautaires.
Corentin Migoule
∗ Service départemental d'incendie et de secours (SDIS)
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