ALÈS Une grève illimitée et inédite s'amorce à la clinique Bonnefon
Ce mercredi, tôt dans la matinée, une grève illimitée s'est amorcée devant l'entrée de la Nouvelle clinique Bonnefon d'Alès. À l'appel de la CGT et FO, une cinquantaine de salariés manifeste pour dénoncer "la pression patronale constante" de la direction et contester le licenciement "abusif" d'un infirmier du bloc opératoire.
Le "ras-le-bol" est général et ne date apparemment pas d’hier. "Nous sommes à bout, épuisés par cette crise sanitaire et par le manque d’effectif", jure Hella Kherief, représentante syndicale CGT de la Nouvelle clinique Bonnefon. Arrivée il y a tout juste un an en Cévennes, cette aide-soignante, qui se définit comme "une lanceuse d'alertes", est à l'origine du mouvement de contestation qui s'est amorcé tôt ce mercredi matin devant l'entrée de la clinique alésienne.
Un contingent d'une cinquantaine de personnes, comprenant des salariés venus sur leur jour de repos, des salariés ayant quitté leur poste, d'anciens salariés de la clinique, ainsi qu'une poignée de sympathisants du centre-hospitalier d'Alès. Tous acteurs d'une grève illimitée portée par la CGT et Force Ouvrière (FO) et au caractère inédit : "C'est la première fois que j'assiste à ça ici", prévient Bruno Biondini, représentant syndical (FO), en poste depuis 21 ans à Bonnefon.
Au-delà de l'usure causée par "une surcharge de travail" et de la volonté d'être "reconsidérés", les salariés se sont réunis autour du piquet de grève pour dénoncer "l'autoritarisme" de leur direction ayant opté pour des décisions lourdes de conséquences. "Tout est parti d'un préavis de grève lancé le 15 décembre 2021", rejoue Frédéric, infirmier au bloc opératoire depuis plus de dix ans. Et de développer : "Le directeur nous avait alors invités (une dizaine de salariés, Ndlr) à rencontrer la représentante syndicale et déléguée du personnel (CFDT). Suite à cet échange un peu mouvementé, elle est allée se plaindre à la direction pour agression verbale."
"Le groupe est obsédé par la rentabilité"
Après quoi, quatre salariés syndiqués FO ont été convoqués pour un entretien préalable. "48 heures après cet échange avec la direction, le mardi 18 janvier 2022, j'ai reçu une lettre de licenciement pour cette pseudo agression", indique le néo-licencié, abasourdi. Un licenciement pour "mesures disciplinaires" via un courrier dans lequel il est aussi reproché à l'infirmier de bloc, par ailleurs trésorier du syndicat FO, d'avoir "dérangé une réunion de cadres qui se tenait sur un pallier, face à des ascenseurs".
Les trois autres salariés impliqués ont connu des fortunes diverses, deux d'entre eux recevant un avertissement, là où la secrétaire de Force ouvrière a écopé d'une mise-à-pied de sept jours avec retenue sur salaire. Des décisions à l'égard de ses confrères que ne digère toujours pas Hella Kherief : "La direction licencie des gens abusivement parce qu'ils sont syndiqués et ont réprimé certains fonctionnement de l'entreprise. On devient des esclaves des temps modernes, obligés de travailler comme l'entend le patron. Quand on n'est pas d'accord, on est licencié ou sanctionné. C'est scandaleux !"
Fort de deux décennies à Bonnefon, Bruno Biondini n'a pas eu de mal à repérer le point de bascule : "Depuis le rachat début 2020 par le groupe Eslan, on a basculé dans le 100% lucratif. Nos dirigeants sont des mercenaires de la santé privée !" Les violons des deux représentants syndicaux sont très accordés si l'on en croit les propos semblables portés par Hella Kherief : "Le groupe est obsédé par la rentabilité, au mépris des conventions collectives et des obligations légales. On ne devrait pas gagner de l'argent sur la santé."
Les élections professionnelles en ligne de mire
Si le divorce semble consommé entre la direction du groupe leader français de l'hospitalisation privée et une partie des salariés de la Nouvelle clinique Bonnefon, il l'est aussi entre les syndicats, alors que se profilent les élections professionnelles en mars prochain. En faisant cause commune sur une seule et même liste, la CGT et FO représenteraient une "menace" pour la CFDT, actuellement "dominatrice". "On est en train de démarcher les salariés et une majorité d'entre eux se dit prêt à nous rejoindre", promet Hella Kherief, également auteure du livre Le scandale des EHPAD qui avait fait bouger les lignes.
Un basculement "flagrant" que la direction, qui entretient des relations cordiales avec la CFDT, ne verrait pas d'un très bon œil. À demi-mots, les syndiqués CGT et FO admettent une forme de "complaisance réciproque" entre la CFDT et la direction, laquelle aurait facilité l'embauche de "deux enfants de la déléguée du personnel" en échange d'une certaine docilité du syndicat sur le plan revendicatif.
C'est dans ce contexte qu'Hella Kherief et Bruno Biondini réclament l'ouverture des négociations avec la direction "pour qu'on arrête de licencier pour un "oui" ou pour un "non" et qu'on travaille sans pression". De son côté, Frédéric, l'infirmier licencié, qui a pris contact avec un avocat pour dénoncer cette sanction qu'il juge "abusive", entend "faire valoir ses droits auprès des institutions concernées". Quant au caractère disparate des sanctions adressés aux quatre salariés syndiqués, "c'est la grande interrogation du dossier", conclut le dernier nommé.
Corentin Migoule