ASSISES Le glaçant et bouleversant témoignage de Catarina : « ce soir-là, c’était lui ou moi »
Un frisson a pénétré dans la cour d’Assises du Gard, mercredi en soirée. Pendant près de deux heures et dans un silence de cathédrale, Catarina Castro, une mère de famille accusée de l’assassinat de son compagnon et père de ses enfants, a détaillé sa vie… Les violences conjugales qu’elle aurait endurées, et la soirée mortelle. Un récit glaçant, émouvant, et pourtant une déclaration, « je l’aimais » en écho à son geste. Mais « ce soir-là c’était lui ou moi, je n’avais pas le choix ». « J’ai sauvé ma vie, et celle de mes enfants. C’était un geste de survie, si je ne l’avais pas fait, je ne serai pas là aujourd’hui pour vous parler. » Un témoignage fort, éprouvant, entre pleurs, sanglots et un malaise, l’accusée revit sa vie et cette soirée tragique du 30 août 2015.
Je l’aimais, j’aurais tout fait pour lui
« Très tôt, il m’a battue. Mais bon, il était jeune, il était impulsif. Je croyais que c’étais normal. Moi aussi j’ai vécu le coup de pied dans le ventre pour perdre le bébé. Mais mon fils il est là aujourd’hui et je suis fière, fière d’avoir mes enfants. Il a reproduit sur madame Boutarane (sa maîtresse) ce qu’il a fait sur moi », déclare, mercredi en soirée, au début de son interrogatoire l’accusée Catarina Castro, 49 ans.
« Malheureusement, j’ai été violentée, ma douleur est réelle, je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. Un jour, j’ai sauté de la fenêtre du premier étage pour ne pas l’affronter, il m'a rattrapée, il m’a frappée. Puis j'avais dans la tête de le couvrir, le protéger, je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça toutes ces années. Il me frappait au visage et tout de suite je mettais de l’Arnica pour que l’on ne voit pas mes marques au visage. Lorsque l’on est battue, on a honte, c'est triste mais c'est comme ça », ajoute, la voix brisée par l’émotion, cette femme qui se dénude devant la cour d’Assises.
Il pouvait être gentil, il avait deux visages
« Badre pouvait être gentil, tout nous donner par moment. Etre un bon père et un bon mari et être l’opposé. Il avait deux visages. Moi, je n’étais pas une femme battue tous les jours. C’est quand il disait que j’avais fauté, lorsqu’il était en colère qu’il cognait. Je n’ai jamais porté plainte, j’avais peur de lui. Il me disait que si je portais plainte, il me tuerait », poursuit l’accusée alors que ses deux fils aînés co-accusés de l’assassinat de leur père essuient les larmes qui coulent sur leurs joues.
« Moi aussi, j’ai eu le couteau, la carabine sous la gorge. Je mettais mon bébé de 6 mois pour me protéger, tellement j’avais peur. Il s’excusait après », indique Catarina Castro en se souvenant d’un vieil épisode de violence, datant d'il y a près de 25 ans.
Ce soir-là c’était lui ou moi, je n’ai pas eu le choix
"Je l’aimais, je l’aime encore. Je regrette mamie ( en s’adressant à sa belle-mère derrière elle dans la salle d’audience) tout ce que j’ai fait, je suis désolée. J’ai pas eu le choix j’ai sauvé ma vie, et celle de mes enfants. C’était un geste de survie, si je ne l’avais pas fait, je ne serai pas là pour vous parler. Il m’a dit ce soir là c’est toi ou moi. Je ne sais pas où j’ai trouvé la force de faire ça, de lever la vie du père de mes enfants, car mes enfants l’aimaient. Ce soir-là, c’était lui ou moi, je n’ai pas eu le choix. L’amour ça ne s’explique pas, ça se vit et malgré ces violences, je l’aimais. Il m’a dit un de nous deux doit partir », enchaîne l’accusée dans une silence de cathédrale dans la salle d’Assises.
« J’ai écrasé les médicaments et j’ai mélangé dans le lait et la menthe. Il me le fait goûter et me dit ce n’est pas possible de le boire. C’est ce que lui voulait, il voulait mourir. Un somnifère ce n’est pas pour mourir c’est pour dormir. Moi c’est pour dormir que je lui donne les somnifères. Lui voulait mourir, moi je ne voulais pas le tuer, je voulais qu’il se calme », ajoute la mère de famille mise en cause qui s’effondre à la barre avant d’être prise en charge par les pompiers.
L'audience est interrompue quinze minutes. La mère de famille reprend en évoquant la scène d'étranglement lorsque Badre était somnolent à cause du cocktail à base de somnifères qu'il avait ingurgité. "Je tirai, je tirai, je tirai, je ne voulais pas m’arrêter. Il ne fallait pas que je m’arrêtes. J’ai tiré longtemps longtemps longtemps », complète en pleurs la mère de famille. "Il ne bouge pas. Tu ne me feras plus de mal maintenant c’est fini. J’ai honte de ce que j’ai fait », ajoute la mère de famille.
Elle demande à son fils d'écouter le corps de son père pour voir s'il est mort
« J’ai fait une connerie, j’ai tué papa. J’ai dit à mon fils qui avait 19 ans à l'époque, "écoute écoute s’il est mort". Pardon Jordan, je m’excuse, je suis désolée. Je lui ai demandé d’écouter le cœur de son père, quelle mère fait ça, vous vous rendez compte. Il m’a dit il est mort. Après, il a fait un bruit bizarre, je me suis dit il n’est pas mort. Pour moi, c’est là que je lui ai mis des coups de couteau, mais je ne m’en souviens pas !"
"Et comment avez-vous fait pour vivre avec le corps de monsieur Fakir alors que ses enfants sont dans la maison ?" s’inquiète le magistrat. « Je les ai sauvés », reprend-elle.
« Les enfants, il ne les frappait pas, ils étaient trop petits. Sur Jordan et Mickaël les plus grands oui. Il a dit à son Jordan « comme je t’ai donné la vie, je peux te la lever ". Est-ce que c’est les paroles d’un père ? est-ce que ça c’est normal dites-moi monsieur le président ? » hurle l’accusée en s’accrochant à la barre.
« Qu’est ce que l’on a dans le cœur et dans la tête à ce moment-là ? » relance le juge. Le magistrat désigne le fait de vivre pendant près d’un mois avec le mensonge d’avoir tué son compagnon et de ne pas le dire.
« Dans le cœur, on se trouve ignoble d’avoir fait ça, surtout d’avoir menti à sa maman », conclut-elle avant que le président ne suspende l'audience. Le procès doit reprendre jeudi matin.
Boris De la Cruz