ÉDITORIAL Macron - Le Pen : comédie ou sincérité ?
C'est la dernière ligne dans cette Présidentielle hors norme marquée par la guerre en Ukraine. Demain soir, les finalistes se retrouveront pour le célèbre débat de l'entre-deux tours. Dans la Ve République, une seule fois il n'a pas eu lieu. Il y a tout juste 20 ans quand Jacques Chirac s'était retrouvé face à Jean-Marie le Pen à la surprise générale le 21 avril 2002. Le président sortant avait refusé alors de débattre avec celui que l'on qualifiait à l'époque de candidat de l'extrême-Droite. Aujourd'hui, Marine le Pen est toujours d'extrême-Droite mais comme le pays semble s'être "droitisé", elle est un peu moins extrême, dirons-nous. C'est un peu vrai et complètement faux aussi. Soyons honnête : la fille Le Pen n'est pas son père. Elle a d'ailleurs pris ses distances, jusqu'à même l'exclure du mouvement qu'il a lui-même créé. Elle a révisé ses positions aussi sur de nombreux sujets polémiques, voir dangereux. Encore cette semaine où elle ne fait plus de l’interdiction du voile, présent dans son projet initial, une priorité dans la lutte contre l’islamisme. C'est peut-être cette dernière inflexion qui laisse penser qu'au final tout cela est probablement un jeu de dupes destiné à masquer son véritable programme une fois parvenue au pouvoir. Comment en effet pourra-t-elle se renier sur la préférence nationale et sa lutte contre l'immigration, ses chevaux de bataille durant des décennies ? Comment imaginer qu'elle puisse tourner le dos à certains de ses proches, notamment issus du groupuscule du GUD (Groupe union défense) dont Frédéric Châtillon (ancien chef du GUD et ex-directeur d’une librairie révisionniste), impliqué dans le scandale du financement des campagnes du parti lepéniste. Du côté d'Emmanuel Macron, on est bien entendu très éloigné de ces thèses nauséabondes. Cependant, demain soir, on sera pas loin non plus de la comédie. En une semaine, le Président sortant est passé de la Droite Sarkoziste à Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon réunis. Promettant samedi dernier dans la ville de coeur de ce dernier, Marseille, la nomination d'un Premier ministre "directement chargé de la planification écologique", afin d'aller "deux fois plus vite" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Se moque-t-il du monde ? Pourquoi ne pas avoir fait la démonstration de son efficacité pendant cinq ans sur le sujet ? Alors que l'ex-Président François Hollande avait fait la fierté du monde grâce aux accords de Paris sur le climat... Sans être trop naïf, imaginons qu'après avoir enfin fait campagne pour le second tour, l'encaissement de la souffrance et la colère d'une partie de la population a fini par le convaincre de faire un pas du côté de la Gauche. Espérons en tout cas qu'il ne s'agit pas seulement d'une stratégie à court terme pour gagner dimanche prochain. Car cette colère de l'entre-deux tours pourrait raviver quelques souvenirs aux Gilets jaunes, pour le moment en sommeil.
Abdel Samari