FAIT DU JOUR Ces maires gardois accros à la politique...
Aux quatre coins du Gard, des maires sont élus depuis plusieurs décennies. Un record de longévité où l’intérêt général côtoie les désirs personnels. Zoom sur ces passionnés de la chose publique.
William Portal à Marguerittes, Gilles Dumas à Fourques, Édouard Chaulet à Barjac ou encore Martin Delord à Lanuéjols… Leur point commun ? Être au pouvoir depuis au moins trois décennies ! Dans le Gard, ces élus de petite localité surprennent par leur record de longévité. La palme revient au premier magistrat de Fourques, maire depuis 42 ans. Les autres célèbrent cette année leurs 30 ans de mandat. Et certains ne sont toujours pas prêts à décrocher...
Au fil des années, la politique est devenue une addiction. Pourtant, mis à part Édouard Chaulet déjà élu sur le canton de Barjac, ces messieurs n’étaient pas impliqués en politique. Du moins, pas dans cette vie. Le maire de Fourques confie : « Un de mes ancêtres meurt en 1858 en plein conseil municipal alors qu'il était maire ! »
Leur entrée en politique
Dans notre société contemporaine, nos édiles se sont, au départ, investis autrement dans la vie de leur cité : « J’ai été enfant de chœur, puis une fois lycéen avec des copains on a monté un ciné-club », se souvient Gilles Dumas. En 1977, ses copains viennent le chercher pour les municipales : « On a monté une liste qui est passée au premier tour. Mes copains m’ont dit de devenir maire… C’est ce que j’ai fait ! », ajoute l'élu (divers Gauche).
À Marguerittes aux portes de Nîmes, scénario similaire. Professeur d'histoire-géographie, William Portal est revenu de ses « pérégrinations à l'étranger. J’ai eu envie de m’impliquer dans la vie du village. Alors avec une bande de copains, on a monté une liste. » Banco !
Leur rencontre avec les administrés se mue en histoire d’amour. « Le mandat de maire ne se fait pas sans passion, sans cette envie d’aller au contact, sans aimer les gens, qui vous le rendent », explique le maire communiste, Édouard Chaulet. Cette passion se traduit dans les urnes : à Marguerittes, William Portal est élu dès le premier tour : 57,2% en 2014 et 64,6% en 2008. À Lanuéjols, Martin Delord ne récolte pas moins de 80%. Des scores à la soviétique...
Le secret de leur longévité
Quel est donc le secret de leur succès ? « J'ai fait des choses exceptionnelles », fanfaronne le maire de Fourques. Sous-entendez : il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. « J'ai monté une zone d'activité tout seul [...] En 1977, j'ai baissé le taux d'imposition des terres agricoles de 114 % à 60,63 %. Il n'a jamais bougé depuis », poursuit-il. En Cévennes, le socialiste Martin Delord présente aussi un bilan fourni : « Réalisation d'un centre de formation dans les travaux publics, de la première Maison en partage du Gard et de la station météo au mont Aigoual. »
Reste qu'après plusieurs décennies de pouvoir, ces élus ne sont-ils pas dépassés par les nouveaux enjeux ? Pire, ne deviennent-ils pas de petits monarques scotchés à leur strapontin ? « Pourquoi faire du racisme anti-vieux ? L'expérience compense la vitalité et les jugements à l’emporte-pièce... », rétorque le maire de Marguerittes. Le maire de Fourques abonde : « Je viens de couler 35 m3 de béton avec 22 bénévoles. J'ai tiré la brouette avec eux, ce n'est pas trop un esprit monarque ! »
Usés par le pouvoir ?
Plus nuancé, le maire de Barjac reconnaît ne pas apprécier l’essor des intercommunalités. Des regroupements de communes qui prennent de plus en plus de pouvoir au détriment des mairies : « Je vois des compétences que j’ai dû transférer être exercées de si mauvaise façon, que je me dis "quel gâchis" », peste-t-il. Idem pour la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), qu’il qualifie de « loi à la con. »
Une contestation qui pousserait Édouard Chaulet à se représenter. « Vous savez, la politique c’est comme le vélo : si j’arrête de pédaler, je tombe. » Quant aux maires de Marguerittes et de Fourques, candidats à leur succession en mars 2020, ils sont loin de penser à leur retraite.
Raccrocher l'écharpe ?
« Une défaite aux municipales, ce serait un uppercut, un traumatisme psychique important », avoue William Portal. « Étant élu c'est certain que l'on sacrifie des choses de la vie personnelle. On a fêté nos 50 ans de mariage avec mon épouse. J'ai beaucoup de chance que ma femme supporte et porte tout ça », indique le maire de Fourques.
Seul à raccrocher l’écharpe : Martin Delord qui a annoncé ne pas se représenter en mars 2020. Le maire de Lanuéjols sort par la grande porte avec le passage du Tour de France, le 2 juillet, au Mont Aigoual. : « À un moment, il faut accepter que l’on n’est pas éternel ! », explique celui qui conserve toutefois son poste de conseiller départemental. Un sevrage en douceur.
Thierry Allard, Franck Chevallier et Coralie Mollaret
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Fin d’une carrière par Édouard Chaulet. Interrogé sur la fin de carrière des maires élus depuis plusieurs années, l'édile de Barjac décrypte : « Il y a la fin à la Molière sur scène. Il y a celle de simplement me retirer dans l’amertume devant l’ampleur du chantier... Et il y a le tableau de Brueghel, le Triomphe de la Mort où ça crève de partout, mais en bas, il y a un bonhomme qui tire l’épée. » Reste à savoir laquelle des trois le communiste choisira.
La vie après la politique. Si la plupart de nos maires n'imaginent pas quitter leur fonction, Martin Delord va en profiter pour voyager et marcher. Un sport qu'il affectionne particulièrement, l'élu ayant déjà réalisé le GR20 en Corse. Quant au maire de Fourques, Gilles Dumas, il pourrait « visiter sa fille à Paris, peindre dans les Alpilles et visiter des amis en Grèce... » En espérant qu'il ne se découvre pas une passion pour la politique grecque.