FAIT DU JOUR Dans le Gard Rhodanien, les communes s’entraident pour faire face au manque d’eau
Cet été, la sécheresse complique, pour ne pas dire tarit, l’approvisionnement en eau de nombreuses communes. Saint-Michel-d’Euzet, dans la vallée de la Cèze près de Bagnols, en fait partie. Elle peut heureusement compter sur la solidarité des communes voisines.
« Ça fait trois ans qu’on a commencé à avoir une chute de la quantité d’eau, retrace le maire de Saint-Michel-d’Euzet Elian Petitjean. En quelques mois, on est passés de 30 mètres cubes par heure à 15 mètres cubes, et actuellement on est à 6 mètres cubes par heure. » Largement insuffisant pour alimenter le village et ses 650 habitants.
Alors le maire est allé toquer à la porte de ses voisins, et des camions citernes sont alors partis de la Roque-sur-Cèze, Saint-Gervais et Saint-Laurent-de-Carnols. Puis l’été dernier, Saint-Michel-d’Euzet et Saint-Laurent-de-Carnols vont plus loin en tirant une conduite semi-enterrée entre leurs deux communes pour aider Saint-Michel en été. « Ce raccord nous permet d’avoir jusqu’à 50 mètres cubes d’eau par jour, grâce à la solidarité de Guy (Aubanel, le maire de Saint-Laurent-de-Carnols, ndlr) », précise Elian Petitjean.
Car ici, même si l’Agglo du Gard Rhodanien a la compétence eau et assainissement depuis 2020, « ça passe aussi par une bonne entente entre les maires », affirme Elian Petitjean. Cet été, sa commune a pu compter sur Saint-Laurent-de-Carnols, mais aussi sur Saint-Gervais, d’où partent quatre à cinq camions de 25 mètres cubes chacun par semaine, ainsi que sur Bagnols. La troisième ville du Gard dépanne déjà Saint-Marcel-de-Careiret, dont la source s’est tarie au printemps, depuis trois mois.
Et si les communes donnent de l’eau, c’est qu’elles savent qu’un jour peut-être, ce seront elles qui en demanderont aux voisines. « Ce n’est pas parce qu’on en a qu’on en aura toujours », glisse le maire de Saint-Laurent-de-Carnols Guy Aubanel. Alors il vaut mieux être plusieurs pour aider Saint-Michel, afin de « ne pas mettre en péril nos communes », note Raymond Chapuy, le maire de Saint-Gervais.
Mailler et forer plus profond
Reste que ces communes de la vallée de la Cèze font figure d’exemple, et préfigurent peut-être l’avenir : connecter les communes entre elles. « J’ai demandé au président de l’Agglo qu’on fasse le point à la fin des vacances, pour revoir la carte du territoire, voir qui peut fournir, comment on peut mailler les communes », explique Monique Graziano-Bayle, adjointe au maire de Bagnols, qui connaît les questions d’eau sur le bout des doigts.
L’idée étant de relier les communes entre elles pour qu’elles puissent se dépanner sans utiliser des camions citernes, « ces transports coûteux et polluants », comme les qualifie Raymond Chapuy. Et en finir aussi avec une certaine incompréhension : « des gens ont appelé la gendarmerie en disant qu’on volait de l’eau », sourit le maire de Saint-Gervais. D’autres craignent de souffrir de restrictions à cause de l’aide apportée aux voisins. « Mais tout le monde a les mêmes restrictions de la préfecture », resitue Elian Petitjean.
Pour en finir avec les pénuries, il va falloir forer plus profond. « Nous nous sommes préoccupés tout de suite de faire un nouveau forage, il démarre en septembre, avance Elian Petitjean. Nous allons le faire à un autre endroit, à 250 mètres de profondeur, contre 144 mètres actuellement. » Bien plus profond donc, dans le karstique et non plus dans les nappes phréatiques habituelles. Il y a quelques années, Bagnols avait dû faire de même au captage de la Croix-de-Fer.
« Il faut que les gens coopèrent, sinon on ne s’en sortira pas »
Mais il n’est pas dit que cela suffise lors d’épisodes de sécheresse de plus en plus précoces, longs et intenses. Par exemple, « depuis début janvier, il n’a plu que 110 mm, on devrait être à 500, 550 », relève le maire de Saint-Michel-d’Euzet. Alors « il faut que les gens coopèrent, sinon on ne s’en sortira pas », avance Monique Graziano-Bayle. En clair : consommer moins d’eau. Outre l’appel à la citoyenneté et au civisme, la question d’autoriser la construction de nouvelles piscines est ouverte, et le maire de Saint-Gervais réfléchit à inclure dans son prochain Plan local d’urbanisme l’obligation dans les permis de construire de détenir un réservoir de récupération d’eau de pluie, ce que Saint-Michel-d’Euzet fait déjà.
« Il faudra aussi parler avec les agriculteurs », ajoute Monique Graziano-Bayle, qui remet sur la table la question des retenues collinaires pour alimenter les agriculteurs, vieux serpent de mer jamais concrétisé. La récupération d’une partie de l’eau des stations d’épuration peut aussi constituer une piste pour les usages de l’eau brute, rajoute-t-elle. En attendant, l’Agglo a lancé son schéma directeur de l’eau et de l’assainissement, avec l’ambition à terme d’avoir une vue d’ensemble.
Reste une question : l’argent. Si les dons d’eau entre communes font partie de la mutualisation et se révèlent in fine transparents, les différents forages bien plus profonds et aménagements nouveaux qui deviennent nécessaires ont un coût, et la facture risque à terme de devenir bien plus salée pour l’usager.
Thierry ALLARD