FAIT DU JOUR Emma MRG, cette jeune rappeuse nîmoise qui rêve de se faire une place dans l'arène
Repérée après un freestyle sur les réseaux sociaux, Emma MRG a participé au Planète rap de Soprano sur Skyrock, radio n°1 du rap français. Suivie depuis quelques jours par le média Brut, la jeune nîmoise (16 ans) clôturera cette folle semaine en assurant la première partie du concert de Naps. Un show devant 3 500 personnes aux arènes du Tempéras d'Alès, ce vendredi soir.
"C'était le 6 septembre 2021. J'ai pris le train à 5h du matin à Nîmes et j'ai visité la ville avant d'enregistrer l'émission." Cette date restera à jamais gravée dans la mémoire d'Emma, jeune rappeuse qui fêtera ses 17 ans en octobre prochain. Accompagnée de sa maman et de son beau père, la Nîmoise monte donc à Paris pour participer à l'émission Planète Rap de Skyrock, alors consacrée à Soprano. "J'avais gagné un concours organisé par la radio avec plus de 200 participants", se souvient la fille unique.
Ce jour là, cheveux bouclés tirés vers l'arrière, maillot du Maroc sur le dos, celle qui n'a alors que 15 ans ne se démonte pas. Les yeux rivés sur son smartphone qu'elle finira par poser, elle envoie un freestyle rempli de punchlines. "On m'dit que j'suis la relève de Diam's alors que j'suis la p'tite nouvelle", lâche-t-elle avec conviction. Son énergie plait à Sopra' qui hoche la tête et sourit en guise d'approbation. Une prestation visionnée par près de 75 000 personnes sur Youtube (revoir ici) et qui lui a valu les compliments du célèbre rappeur marseillais. "Il m'a dit que j'avais du potentiel mais qu'il fallait encore beaucoup travailler."
Une connexion "Brut'ale"
De retour sur Nîmes, celle qui a choisi le nom de scène "Emma MRG" en hommage à son village, Marguerittes, est approchée par plusieurs maisons de disques. Méfiante, elle rejette toutes les offres et reste en indépendant. "J'ai vu des jeunes artistes se faire avoir alors je suis prudente", justifie la Franco-marocaine. Depuis, sa musique inspirée du rap old school d'IAM et de Diam's auquel s'entremêlent "les mélodies de Tiakola" l'a menée jusqu'en Suisse pour l'enregistrement d'un premier feat avec le jeune rappeur Cosni.
Il y a un mois, nouveau coup de projecteur pour la Marguerittoise lorsque le média Brut pose ses caméras au cœur de la Zup sud de Nîmes. La journaliste Camille Courcy y brosse un tout autre portrait du quartier habitué à être cité dans la presse à travers des faits divers. En plein enregistrement d'un son dans un appartement aménagé en studio musical, Emma MRG figure en bonne place dans le reportage de la jeune femme. "Je pense que les filles ont peur de se lancer", répond sans hésitation l'adolescente, lorsque l'intervieweuse lui demande pourquoi les femmes sont si peu nombreuses dans le milieu artistique nîmois.
"Je me faisais virer de cours assez souvent"
Elle, n'a pas eu peur. "On a qu'une vie", lâche-t-elle. Pourtant, les réseaux sociaux sont parfois sans pitié, y compris avec une jeune femme de 16 ans à peine. Alors, quand les critiques pleuvent, Emma MRG encaisse : "Je les lis parfois. Ça me fait rire mais ça ne me touche pas, j'ai un cœur en pierre !" Alors qu'elle rêve d'instaurer un nouveau genre dans le rap, "le old school moderne", l'adolescente se nourrit des exploits de Doria, "la seule vraie rappeuse" du moment.
"Aujourd'hui, une femme peut percer dans le rap plus facilement qu'avant. Surtout grâce aux réseaux sociaux", analyse la Nîmoise. Ainsi, celle qui s'habille "comme un garçon" y croit dur comme fer. "Je me suis inscrite à la Sacem pour protéger mes sons", confie-t-elle. Scolarisée dans un lycée privé nîmois, la rappeuse entend tout de même obtenir son Bac Pro Commerce dès l'année prochaine. Aujourd'hui bonne élève avec une moyenne générale autour de 15/20 qui lui a valu les félicitations de ses professeurs, Emma MRG n'a pas toujours été aussi studieuse. "Au collège c'était compliqué. Je me faisais virer de cours assez souvent", avoue-t-elle.
Tout a changé depuis un an et cette fameuse escapade parisienne. "Après mon passage chez Skyrock, ma mère m'a dit que je pourrais aller au studio autant que je voulais si je travaillais bien à l'école. C'est un peu du chantage, mais elle a raison car ça fonctionne (rires)." Fière des traditions locales telles que les fêtes votives et la Feria, elle n'a pas encore trouvé l'occasion de l'exprimer en musique. C'est le soir, depuis sa chambre d'ado et sur son smartphone que la Nîmoise écrit les paroles de ses futures chansons. "Quand j'ai cours le lendemain, ma mère m'enlève mon portable le soir. Dans ce cas, je gratte sur le papier", développe Emma MRG.
"Ça me met la boule au ventre"
Car l'écriture demeure une phase importante de son projet musical. "J'essaie de faire en sorte que mon vocabulaire soit de plus en plus précis", poursuit l'adolescente qui a demandé à sa mère de lui offrir un dictionnaire. Faire rejaillir son ressenti, ses émotions, est un défi permanent pour celle qui n'a jamais pris de cours de chant, pas plus que des cours pour se perfectionner en matière de placement et de technique. Biberonnée aux clips de musique, Emma MRG n'a jamais été adepte des dessins animés.
Pourtant, c'est bel et bien un rêve d'enfant qu'elle s'apprête à réaliser ce vendredi. À l'occasion du festival Anim'Alès, elle assurera la première partie du concert de Naps, dans les arènes du Tempéras d'Alès. Une grande première devant 3 500 personnes pour celle qui a toujours rappé devant ses potes, comme lors de son récent passage à la fête votive de Marguerittes. "Ça me met la boule au ventre. On ne sait jamais ce qui peut se passer. J'ai peur d'oublier mon texte à cause de mon stress. Mais si j'y arrive, ça va me donner confiance pour la suite", résume la jeune rappeuse lors de notre rencontre devant les arènes de Nîmes ce jeudi.
Venue accompagnée d'un ami, Senzo, 17 ans, jeune rappeur lui aussi, Emma MRG est suivie de près par les caméras du média Brut, lequel s'apprête à lui consacrer un nouveau reportage vidéo. Une pression supplémentaire pour l'artiste en devenir qui a commencé le rap "pour le délire", sur les encouragements d'un ami, Valentin, qui croit beaucoup en son "flow". À quelques heures de son passage sur la scène alésienne, la Marguerittoise le sait : une telle occasion ne se représentera peut-être pas. "C'est une vraie opportunité pour moi de me montrer. On ne sait jamais, si l'équipe de Naps me repère... Il peut aussi y avoir des managers dans le public", échafaude-t-elle. Un début de réponse s'esquissera ce vendredi, à la tombée de la nuit...
Corentin Migoule