FAIT DU JOUR Face à la cinquième vague, les restaurateurs dans l’incertitude pour les fêtes
Habituellement, la période des fêtes de fin d’année est très attendue par les restaurateurs. Mais cette année, avec la cinquième vague de covid, restaurants et traiteurs font face à une vague d’annulations, notamment des repas de Noël des entreprises. Nous sommes allés prendre le pouls d’une profession plongée dans l’incertitude dans plusieurs établissements de notre département.
« C’est la merde, clairement. » Nicolas Debuyser, traiteur à Saint-Victor-la-Coste, n’y va pas par quatre chemins pour décrire la situation actuelle. Le trentenaire, qui a lancé son entreprise Côté traiteur l’année dernière, fait face à une rafale d’annulation depuis début décembre et les annonces gouvernementales. « Depuis, j’ai eu 1 200 couverts annulés sur une dizaine de prestations », précise le traiteur, qui s’attend à un manque à gagner de 20 000 euros sur décembre et janvier.
La faute aux multiples annulations venant principalement des entreprises. « Il n’y a pas d’interdiction, mais les gens ont peur », souffle-t-il. Du côté de Nîmes, Jérôme Nutile ne dit pas autre chose. Le chef étoilé a lui aussi sa part d’annulations : « demain (ce vendredi, ndlr), j’étais complet le soir sur le restaurant gastronomique, j’ai refusé du monde toute la semaine, et je me retrouve avec trois tables, car le groupe a annulé », présente-t-il.
Depuis les annonces gouvernementales, le chef recense plusieurs annulations, principalement d’entreprises « qui ne peuvent pas se regrouper, les sièges sociaux leur interdisent. » Même problème à la Villa Montesquieu, à Laudun-l’Ardoise. Le restaurant, habitué à recevoir les salariés des entreprises du site de Marcoule, et de la zone de l’Ardoise, ne les verra pas cette année. « On a subi beaucoup d'annulations de gros groupes d'entreprises, notamment du CEA Marcoule, où des directives sont imposées : ils ne peuvent pas s'attabler au-delà d'un certain nombre de personnes, explique Sacha Degardin, responsable de salle à la Villa Montesquieu. La direction ne veut pas prendre le risque de devoir fermer tout un service à cause de cas de covid et cela se comprend. Entre Marcoule et Port-l'Ardoise, on a une belle base de clientèle mais on ne peut pas travailler avec eux cette année pendant la période des fêtes. »
« C’est un mois de décembre très bizarre »
À Alès aussi, les restaurants souffrent de la situation. À l’Esprit des mets, pour l’heure, la plupart des réservations tiennent encore pour les fêtes, même si plusieurs réservations d’entreprises ont sauté. « C’est un mois de décembre très bizarre. Par exemple, mercredi soir nous avons fait seulement 7 couverts, ce qui est peu pour un restaurant comme le nôtre. Et jeudi soir nous avons 50 réservations ! », constate le chef Christian Achour, maître restaurateur.
L’Esprit des mets, qui comptait 85 couverts avant la crise sanitaire, a abaissé sa jauge à 70 couverts afin d’avoir de la distance entre les tables. Et Christian Achour insiste sur les mesures prises dès le départ : menus désinfectés, port du masque pour tout le monde. « C’est très anxiogène cette crise. On vit dans la crainte de devoir refermer, de ne pas pouvoir exercer. Donc tant que nous n’avons pas de restrictions, nous continuerons à travailler », assure le chef. Il espère bien que les réservations des repas de fêtes vont se maintenir « car ce sont eux qui font le chiffre du mois de décembre. » Quant aux clients qui ont peur, certains optent pour l’achat d’un bon cadeau afin de revenir lorsque les jours seront meilleurs.
Cette incertitude pèse sur un secteur contraint aux multiples arrêts d’activité depuis le début de la pandémie. « Il y a un conseil de défense ce vendredi, on espère qu'on ne va pas nous annoncer des restrictions supplémentaires, affirme Sacha Degardin, de la Villa Montesquieu. Du style couvre-feu à 20h. Là, à coup sûr, les gens préféreront rester chez eux. » Jérôme Nutile a quant à lui choisi de prendre la situation « au jour le jour, les annonces, je ne les écoute pas, on verra. » Le traiteur Nicolas Debuyser attend pour sa part « un déblocage des aides, mais comme on n’a pas de jauge, de couvre-feu ni d’interdiction, il n’y en a pas. »
Bref, c’est le flou. Fâcheux, car « je commence à passer mes commandes pour les fêtes, rappelle Jérôme Nutile. J’ai les chapons qui arrivent et les produits pour le 31, il ne faut pas me dire demain qu’on ferme tout. » Un risque que certains ne sont pas prêts à prendre. Ainsi, en centre-ville d’Alès, sur le boulevard Louis-Blanc, le chef du restaurant La cuisine a décidé ne pas ouvrir le 31 décembre au soir, comme il le faisait les autres années. « Nous sommes toujours fermés le jour de Noël, mais habituellement je proposais un menu spécial pour le réveillon de la Saint-Sylvestre. Cette année, avec la crise du Covid, je ne ferai rien. On ne sait jamais sur quel pied danser avec cette crise sanitaire alors j’ai préféré jouer la sécurité. De plus, nous n’avons eu que très peu de demandes, j’ai le sentiment que les gens préfèrent rester chez eux », témoigne Damien Roux.
Comme les autres restaurateurs, il observe une baisse de la fréquentation et beaucoup d’annulations. « J’en ai eu une vingtaine en une semaine. Depuis mi-novembre, la fréquentation a chuté de 30% », précise-t-il. Le restaurant parvient quand même à rester à flots, notamment grâce au service du midi qui « marche très bien. » Nicolas Debuyser mise quant à lui sur ses menus à emporter, un service que Jérôme Nutile propose toujours à Noël lui aussi, et à la Villa Montesquieu, on compte sur les petites tablées pour sauver les fêtes et éviter qu’elles laissent un goût amer.
Élodie Boschet, Marie Meunier et Thierry Allard