Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 27.02.2019 - veronique-palomar - 4 min  - vu 3871 fois

FAIT DU JOUR La cabane des gilets jaunes

Depuis 10 jours, les gilets jaunes d'Aimargues habitent "la Gaule Jaune".
La Gaule Jaune, vitrine et camp de base (photo Véronique Camplan)

La Gaule jaune, c'est comme ça qu'une partie des gilets jaunes d'Aimargues a baptisé sa cabane construite en surplomb du rond-point de Bricomarché. Finie l'illégalité, les gilets jaunes se posent sur un terrain privé avec autorisation, s'organisent, se connectent et préparent la suite. 

À Aimargues, l'heure est à la réflexion pour les gilets jaunes. Deux cabanes ont poussé en retrait des ronds-points, une vers Royal Canin, l'autre vers Bricomarché. Les deux groupes ne s'entendent pas vraiment. Les uns reprochant aux autres d'être trop radicaux. N'allez pas croire pour autant que la colère s'apaise. C'est seulement que le temps est venu pour le mouvement de s'organiser.

"Tant qu'on ne fait rien d'illégal, on est tranquille"

Un confort sommaire permet d'occuper les lieux 24h/24 et d'afficher les heures de réunion (photo Véronique Camplan)

À la Gaule jaune, le soleil a remis du baume au cœur des occupantes enrouées par quelques jours de froid. L'accueil est amical. C'est l'heure du café, celle de parler aussi. Sur place deux femmes, deux copines d'enfance unies par le même sentiment d'injustice, et Christian, tous trois gilets jaunes de la première heure. La cabane est une construction de planches à claire-voie qu'un plastique transparent épais rend étanche. À l'intérieur pas de cloison mais un coin salon, un autre avec un lit et un troisième pour stocker les provisions. Dehors, un barbecue, fait maison lui aussi, une table, des bancs, des fauteuils de jardin.

"On vit dans la cabane, comme sur les ronds-points mais avec moins de pression policière", explique Marie. "On ne peut plus nous expulser. Le propriétaire nous a donné l'autorisation. Je l'ai plastifiée parce que les gendarmes me la demandent tous les jours. Ils ont photographié nos plaques, relevé nos identités. On s'en fout. Tant qu'on ne fait rien d'illégal, on est tranquille ", se rassure-t-elle.

Christian développe, "pour l'instant, il n'est pas question de sortir des clous. L'heure est à l'organisation. Maintenant, on est connecté à tous les gilets jaunes de France. On est un réseau. On se structure. On discute. La mobilisation ne faiblit pas. Bien au contraire."

Le calme avant la tempête ?

Coin nuit et cuisine où les victuailles, souvent des dons, trouvent leur place (photo Véronique Camplan)

Les occupants de la Gaule jaune mettent en avant des revendications qui semblent s'être clarifiées au fil du temps. "On ne veut pas de récupération politique d'aucune sorte. S'il y a une liste "gilets jaunes" aux élections européennes, on est mort", affirme Christian. "Ce qu'on veut c'est obtenir plus de justice sociale avec la mise en place d'une démocratie participative qui donne aux citoyens un droit de regard sur les prises de décision des gouvernants", reprend le trio d'une seule voix. "Une dame suissesse nous a expliqué comment ça fonctionne chez elle. On pourrait s'en inspirer," avance Marie-Pascale.

Le calme apparent ne serait pas donc pas une démobilisation bien au contraire. "On attend les résultats du "Grand débat" mais on ne se fait aucune illusion. On ne veut pas être taxé de mauvaise foi, alors on patiente tout en constatant qu'on continue à nous prendre pour des imbéciles. Vous avez vu, le Gasoil a augmenté à nouveau?", lance un nouvel arrivant, attrapant la conversation au vol.

La vie s'organise

Autorisations, cagnotte, provisions : autant de biens gardés précieusement dans la cabane (photo Véronique Camplan)

Puis le ton se durcit : "À l'issue du "Grand débat", si la déception attendue arrive on ne fera plus de la figuration. On est bien structuré. Les choses se feront alors partout au même moment." Pendant que l'on parle Christian demande des sous de la cagnotte pour aller acheter une lampe. Un autre sympathisant débarque avec du bois et du Perrier alors qu'un camion chargé de troncs d'arbres se gare à proximité, bois de construction de chauffage, de cuisine…

Une structure sans chef mais pas sans coordination

Les porte-clés, broches et pendentifs de Marie-Pascale  récompensent les donateurs (photo Véronique Camplan)

"Ici on vit sur le même principe que sur les ronds-points, on fait les 3/8. Il y a toujours quelqu'un. La cabane nous sert de vitrine. Elle permet à tous de venir nous rejoindre. C'est notre quartier général. Depuis qu'on s'est installé, il arrive des gens nouveaux tous les jours. Ceux qui étaient avec nous sur les ronds-points et d'autres aussi qui se joignent au mouvement", explique Marie.

Et de poursuivre : " Pour subsister, on fait une cagnotte commune, et puis des gens font des dons et sont récompensés par les portes-clés de Marie-Pascale." "Je suis insomniaque, je les fabrique la nuit et ils plaisent beaucoup", s'amuse cette dernière. "La solidarité des ronds-points recommence. Traiteurs, commerçants... Beaucoup de gens nous aident. C'est touchant et ça donne la chair de poule rien que d'en parler," s'émeut Marie.

L'intendance se cale petit à petit pour les occupants de la Gaule jaune qui veulent oublier le vol de leur cagnotte au temps des ronds-points et se concentrer sur le futur. "Tout marche bien maintenant. On se réunit régulièrement, on dialogue beaucoup. Ici il n'y a pas de chef et ça va très bien comme ça. Et c'est comme ça qu'il faut que ça continue", appuie Christian. Interrogés sur l'avenir du mouvement, les occupants de la cabane préfèrent avancer à vue. "La prochaine étape, ce sera lorsque l'on aura les résultats du "Grand débat". De toute façon, on ne lâchera rien", concluent-ils.

Véronique Palomar-Camplan

Véronique Palomar

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