FAIT DU JOUR La ministre Geneviève Darrieussecq en visite dans le Gard
Ce lundi, la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants s’est rendue dans le Gard. Le matin, Geneviève Darrieussecq a visité l’entreprise Thermo Fischer et l’après-midi elle est allée à Laudun-L’Ardoise pour échanger avec des associations de harkis du Gard.
C’est avec 15 minutes d’avance que Geneviève Darrieussecq a débuté sa journée gardoise. La ministre déléguée a commencé par visiter les locaux nîmois de l’entreprise Termo Fischer (280, allée Graham-Bell). Cette entreprise développe et fabrique des systèmes et des réactifs de diagnostic médical pour le dépistage prénatal, le cancer et autres infections. Sa technologie est vendue dans les hôpitaux et laboratoire de 60 pays.
Qu’est venue faire une ministre dont le portefeuille est celui de la Mémoire et les anciens Combattants ? L’intéressée à répondu à cette question avant même quelle soit posée : « Figurez-vous qu’il y a un service de santé dans les armées ». Genièvre Darrieussecq a trouvé cette visite très intéressante : « Cette entreprise fait rayonner Nîmes à l’étranger. J’ai découvert qu’ils fabriquent des appareils importants pour la santé. C’est une chaîne complète et très importante. Dans le domaine de la santé, la crise sanitaire a bien montré qu’il y a des enjeux de souveraineté ou d'indépendance en cas de coups durs. »
Marie-Françoise Lecaillon (préfète du Gard), Françoise Dumas (députée LREM du Gard), Franck Proust (président de Nîmes métropole), Philippe Berta (député du groupe Modem) et Pascale Venturini (adjointe déléguée à la ville de Nîmes à l’Environnement et à la Transition écologique, aux énergies renouvelables et au chauffage urbain) ont accompagné la ministre lors de sa visite. Hormis l’intérêt de la visite, la ministre déléguée était aussi venue pour faire la promotion de la politique économique du gouvernement français : « J’ai été aussi très heureuse de constater que "France relance", donc la contribution de l’État leur permet d’augmenter leurs activités et poursuivre leurs recherches. Je crois qu’il y a beaucoup d’entreprises qui vont bien en ce moment. Nous avons une reprise économique spectaculaire avec 7% en 2021, un taux de chômage qui baisse. L’activité économique va bien. »
Après cette visite, Geneviève Darrieussecq s’est rendue en préfecture du Gard pour rencontrer des associations d’anciens combattants avant de prendre la direction du camp de Saint-Laurent-l'Ardoise, là où l'Agglomération du Gard rhodanien porte un projet de site mémoriel pour les harkis et leur famille. De 1962 à 1976, le site les a accueillis.
Souvent dans des conditions difficiles comme le raconte Abdel Aidoud, qui a fait "l'ouverture et la fermeture du camp. On avait une cuisine de 6 m2 pour sept personnes avec un évier dans lequel on faisait la vaisselle et on se lavait en même temps. Notre poêle à charbon servait à se chauffer mais aussi à faire cuire des plats. Les toilettes se trouvaient à 100 mètres. Nous vivions dans des baraques avec des cloisons de 60 centimètres d'épaisseur. On se gelait en hiver. On nous apportait l'eau alors que les gens de l'administration en avait à volonté."
Beaucoup d'archives ont été perdues, même brûlées lors du soulèvement du camp. L'Inrap va avoir pour objectif de repérer, attester la présence de sépultures ou de témoignages de tombes, et essayer de délimiter le périmètre du cimetière. À cause des conditions précaires, le camp a été marqué par des morts infantiles (rougeole, froid...). Au-delà du cadre de vie indigne et d'une éducation très limitée, cette communauté a eu des difficultés pour s'intégrer en France.
Abdel Aidoud, qui fait aujourd'hui partie de l'association Aracan (Association des rapatriés anciens combattants d'Afrique du Nord) et sa famille ne pouvaient partir, faute d'endroit où aller: "On nous a demandé de partir de chez nous en Algérie. On a tout laissé, nos meubles et même la nourriture en train d'être cuisinée. Mais on s'est toujours dit mieux vaut être ici à l'abri dans un camp protégé que le couteau sous le cou."
C'est tout un pan de l'histoire du territoire du Gard rhodanien qui réside dans ce lieu à cheval entre Laudun-l'Ardoise et Saint-Laurent-des-Arbres. Un pan encore trop méconnu comme l'a redit Jean-Christian Rey, président de l'Agglomération du Gard rhodanien : "C'est notre devoir de préserver cette mémoire importante. Peut-être encore plus aujourd'hui quand on voit les tentatives de réécrire l'histoire à sa façon." En venant ce lundi sur ce camp, Geneviève Darrieussecq, marque le grand lancement de projet de mémorial harkis sur le camp Saint-Maurice-l'Ardoise. Un projet resté au stade de l'esquisse depuis des années et qui après les mots du président de la République en 2019 a redémarré.
Après un dépôt de gerbe devant la stèle, la ministre a assisté à la réunion du comité de pilotage puis a signé l'autorisation temporaire des terrains avec Jean-Christian Rey et le 1er Régiment étranger de génie (REG). Un grand pas dans l'avancée du projet. Reste maintenant à valider le cahier des charges, à trouver le cabinet qui accompagnera et aidera à dessiner les contours définitifs du mémorial. Même si on sait déjà que cela devrait être un projet d'une taille intermédiaire entre Rivesaltes et Ongles, avec une reconstitution de baraquement et un espace muséographique. Un comité scientifique va donner son avis à chaque avancée.
Si chacun est d'accord sur la nécessité de transmettre, de faire perdurer la mémoire des harkis, le sujet reste encore sensible. À plusieurs reprises, la ministre déléguée a été interpelée par des descendants de harkis, qui ont pour certains vécu aussi dans le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise. L'un d'eux, Rahib Benahi, a insisté pour que le mémorial retrace seulement l'histoire des harkis "sans qu'elle soit associée, mélangée à celle de nos bourreaux". Ce sera "l'objectif premier de porter la mémoire des harkis" a assuré la ministre, qui n'est toutefois pas décisionnaire sur le sujet mais qui fait confiance au comité scientifique qui va travailler sur le contenu.
Sa visite intervient aussi la veille d'un important vote au Sénat lié au projet de loi sur la reconnaissance par la patrie des harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie et sur la réparation des préjudices qu'ils ont subi. "C'est un vote qui parachève un long travail, un parcours que nous avons mené pendant cinq ans sur les harkis, leur famille et leurs conditions d'accueil en France. Ce parcours se termine ce mardi." Et d'ajouter : "Ils ont vécu quelque chose d'assez unique qui les a marqué dans leur chair et leur coeur et qui a laissé des cicatrices importantes. Je souhaitais vraiment que cette histoire soit connue. Le projet qui va être développé ici dans le Gard va participer à cette meilleure connaissance de la population, à dire cette histoire sans fard, sans cacher la vérité."
Plusieurs harkis ont aussi évoqué la question de l'indemnisation. Le texte prévoit 2 000€ minimum puis 1 000€ par année passée dans les camps. Un montant dérisoire aux yeux de certains : "Il n'y aura jamais de somme qui arrivera à enrayer cette douleur. Nous allons essayer de simplifier les choses avec cette loi, sinon la réparation n'aura jamais lieu." 50 000 personnes pourraient en bénéficier.
Norman Jardin et Marie Meunier