FAIT DU JOUR Le Delta rhodanien veut se construire un destin commun
Pendant des millénaires, il l’a séparée, aujourd’hui il la rassemble : c’est autour du Rhône que le destin de cette large zone comprise entre les métropoles de Lyon, Montpellier et Marseille pourrait bien se jouer.
Une zone comprenant la majeure partie du Gard, de Bagnols à Alès, en passant par Nîmes, Beaucaire et le littoral, la quasi-totalité de Vaucluse et l’ouest des Bouches-du-Rhône, ainsi que les parties les plus proches du Rhône au sud de l’Ardèche et de la Drôme, soit 32 communautés de communes ou communautés d’agglomérations.
Un espace « morcelé, fragmenté »
Une zone jouxtée par trois grandes métropoles et qui ne veut pas se résoudre à devenir la banlieue Montpelliéraine, Marseillaise ou Lyonnaise. Et comme la loi renforce désormais les métropoles, il faut faire quelque chose, et tant pis si le secteur ne compte pas — avec Nîmes et ses 150 000 habitants, Avignon et ses 95 000 âmes ou encore Arles et ses 53 000 résidants (de véritables métropoles), elles ont des coopérations à mettre en place. C’est tout le but de la démarche entamée il y a deux ans par le président du Grand Avignon Jean-Marc Roubaud dont nous vous parlions en juin dernier, à la faveur d’une rencontre réunissant huit communautés de communes et huit agglos au Pont du Gard.
Lors de cette rencontre, « à l’unanimité, nous avons acté certaines actions, et décidé de monter une association, car certains avaient peur qu’on démarre trop vite vers un pôle métropolitain », explique Jean-Marc Roubaud. Les statuts seront déposés en octobre, « et dès qu’ils seront validés, on passera du diagnostic à l’action », promet le Villeneuvois.
Un diagnostic affiné par l’Agence d’Urbanisme Rhône Avignon Durance (l’AURAV), qui a remis aux élus mercredi soir au Pontet un rapport sur ce fameux Delta rhodanien. Un espace d’1,8 million d’habitants, « qui existe, mais qui est morcelé, fragmenté», avance le directeur de l’AURAV Gilles Périlhou.«Par exemple, l’aire urbaine d’Avignon est la plus fragmentée de France. » De fait, ce large espace est partagé entre trois régions, cinq départements et 32 communautés de communes et communautés d’agglomérations.
Les financements publics, nerf de la guerre
Autant de frontières franchies quotidiennement par des milliers de personnes, ne serait-ce que pour aller travailler : d’après l’étude, Nîmes Métropole irrigue son territoire de proximité d’environ 350 millions d’euros de transferts de revenus et draine environ 150 millions sur une année. Pour le Grand Avignon, c’est environ 500 millions d’irrigués, et 220 millions drainés.
Sur le secteur du Delta rhodanien, « il y a 12 000 hectares de zones artisanales et commerciales, présente Gilles Périlhou. La question est qu’est-ce qu’on considère comme stratégique pour porter une vraie politique économique et éviter les concurrences internes ? » L’économie est un des principaux enjeux, si ce n’est pas le principal, de cette démarche. Car outre l’activité des entreprises, « les métropoles sont appelées à devenir de vrais espaces d’attractivité, mais aussi des pompes à financements, note Christian Gros, président de l’AURAV et de la Communauté de communes du Pays Rhône-Ouvèze. Charge à nous d’exister, pour pouvoir obtenir des financements à venir. » Le conseiller régional PACA Louis Biscarrat est plus direct encore, en affirmant que « si le territoire n’est pas structuré, il ne pourra pas pleurer s’il ne profite pas de la manne de l’Union européenne. » Car c’est le nerf de la guerre : à une époque où les financements publics se raréfient pour les communes, la démarche de métropolisation et de pôle métropolitain sera dans un avenir proche le plus sûr moyen d’obtenir des financements de l’État, de la Région et de l’Europe. « Et pour nous, la bonne échelle, c’est le Delta rhodanien », affirme Christian Gros.
« Il faudra qu’on arrive au pôle métropolitain »
Outre l’économie pure et simple, la Delta rhodanien sera amené à travailler sur une politique touristique commune. « Il y a ici la plus forte concentration de site classés à l’Unesco d’Europe et une très forte concentration d’événements culturels, explique Gilles Périlhou. Il faut mettre en place une offre lisible et visible. » Des sujets autour de la politique universitaire ou des transports vont également rapidement émerger, pour favoriser les liaisons entre les différentes parties du Delta. « Le maire de Carpentras m’a contacté, et il est très intéressé par monter un réseau de transport commun », affirme Jean-Marc Roubaud. Pour autant, un sujet aussi lourd que les transports ne bougera pas du jour au lendemain. « On travaille aussi sur du court-terme, du visible, pour engager une dynamique de succès », affirme Christian Gros. Des actions sur l’offre touristique et sur la mutualisation de certains achats devraient intervenir rapidement.
« Il est temps qu’on passe à l’action », lance Jean-Marc Roubaud, qui a donc impulsé la création d’une association dans un premier temps, « pour laisser les choses se faire naturellement. » Cependant, le Villeneuvois ne s’en cache pas : « il faudra qu’on arrive au pôle métropolitain. » Une structure qui en effraie certains, « mais qui est très souple, à la carte et qui permet la multi-appartenance, comme c’est le cas de Nîmes », rappelle Gilles Périlhou, quand Christian Gros affirme que « c’est le contraire d’une métropole. » « Le pôle n’aura pas de siège, pas de nouvelle structure administrative », ajoute Jean-Marc Roubaud. Et évidemment, le pôle ne lèverait pas d’impôt et, mutualisation oblige, n’induirait pas de recrutement. D’ailleurs, Jean-Marc Roubaud a annoncé avoir « identifié au Grand Avignon deux cadres supérieurs qui vont travailler sur le projet. »
« Il y a un destin hors des métropoles », affirme Gilles Périlhou. Reste à voir si ce sera le cas pour le Delta rhodanien.
Thierry ALLARD