FAIT DU JOUR Les collectivités face à la menace de l’explosion des prix de l’électricité
Si les particuliers bénéficient du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour limiter la hausse du prix de l’électricité, ce n'est pas le cas des collectivités comme les communes, en tout cas de celles qui ne font pas partie des plus petites.
Les plus petites, celles qui comptent moins de dix salariés et de 2 millions d’euros de recettes de fonctionnement, sont au tarif réglementé, comme les particuliers. C’est le cas de Cavillargues, dont le maire Laurent Nadal peut souffler : « on n’est pas concerné, mais c’est sûr qu’avec une augmentation de 150 %, on ne pourrait pas payer. » Ce montant, c'est la hausse estimée des tarifs de l’électricité l’année prochaine. Plus qu’une vague, un véritable mur qui se profile pour les collectivités !
En juin dernier, la lettre envoyée par le Smeg (Syndicat mixte d’électrification du Gard) a ses 150 communes adhérentes a fait pour certaines, l'effet d'une bombe. Depuis quatre ans, le Smeg conclut des contrats d'achat groupé d'énergie pour les collectivités : « Ça nous permet de mutualiser les contrats et d’être plus compétitifs sur les prix », commente le chargé de mission François Fargier. Seulement le Smeg subit aussi l'envolée des prix... Ledit courrier du syndicat, que nous nous sommes procurés, prévient : « nous allons subir une hausse très élevée des tarifs d’énergies à compter du 1er janvier 2023. »
« Je ne sais pas comment on va faire »
Cette hausse est estimée à une multiplication du poids de l’électricité dans les budgets communaux par 2,5 sur l’électricité, 1,5 sur l’éclairage public et 2,3 sur le gaz. Même si elle est contenue par rapport à d'autres mairies ayant conclut seules des contrats avec des fournisseurs, certaines communes s'inquiètent. À Saze, 2 000 habitants, « le surcoût est de 181 800 euros », souffle le directeur général des services de la commune Hubert Maillot. Soit un peu plus de 10 % du budget de fonctionnement du village. « Nous n’avons pas de visibilité, c’est surtout ça la difficulté, reprend Hubert Maillot. Si on subit cette augmentation, très sincèrement, je ne sais pas comment on va faire. Nous sommes une petite commune, et nous avions anticipé des économies sur le volet développement durable. Nous avons passé tout l’éclairage de la commune en LED, ce qui nous permet d’économiser 73 % d’énergie, mais même en ayant fait ces économies, on se retrouve quand même à devoir payer beaucoup plus. »
Pour l'heure, grâce à la commande groupée auprès du SMEG, les communes adhérentes n’ont pas encore subi d’augmentation pour l’instant. Cette hausse interviendra l'an prochain, après l'entrée en vigueur du nouvel appel d'offres lancé par le syndicat. Pas très loin de Saze, c'est Jean-Louis Banino, le maire des Angles, 8 500 habitants, qui est préoccupé. S'il n’a pas encore estimé le surcoût pour sa commune, il l'assure : « ça va être énorme. » Et face à cette augmentation sans précédent qui menace fortement au 1er janvier prochain, l’élu se sent démuni. « On étudie les mesures pour économiser l’énergie le plus possible, on fait attention au chauffage, aux éclairages des stades, des salles municipales, mais ce sont des économies de bouts de chandelles », se désole-t-il.
Fatalement, plus la commune est grande, plus le montant de l’augmentation grossit. À Bagnols, 19 000 habitants, on sera près du million d’euros de surcoût. Tout sauf une paille pour la troisième commune du département. « Ce million d’euros, on va aller le chercher sur du fonctionnement, en faisant des économies, principalement sur les ressources humaines, sur les consommables, sur tout ce qu’on va pouvoir aller chercher, avance le maire Jean-Yves Chapelet. Ça va être chaud car on n’a pas des marges de manoeuvres extraordinaires en fonctionnement, le travail est lancé depuis deux mois. »
Une certitude, aux Angles comme ailleurs, « Le budget 2023 va être très acrobatique, pronostique Jean-Louis Banino. On essaiera de se débrouiller, il ne faut pas compter sur l’État pour nous aider. » « En l’état, je ne vois pas comment on peut boucler notre budget », affirme Hubert Maillot, sachant que les communes, contrairement à l’État, n’ont pas le droit de présenter un budget en déficit, et ne peuvent pas emprunter pour du fonctionnement. Il va donc falloir faire rentrer cette explosion des prix de l’énergie, même si ce sera au chausse-pied. Sachant que, une tuile budgétaire n’arrivant jamais seule, « l’État nous impose une augmentation du point d’indice des fonctionnaires, c’est une bonne chose pour eux, mais ça n’a pas été anticipé, et en ce moment, la taxe d’aménagement est transférée aux intercommunalités », rappelle le DGS de Saze, soit des sorties supplémentaires et des rentrées en moins. « Là, nous sommes à l’os », reprend-t-il.
Quid des investissements ?
Pour Jean-Louis Banino c’est simple, « Il n’y aura plus d’investissement, c’est clair et net. Ce qui avait été enclenché, on va essayer de le finir, mais il n’y aura plus rien de neuf. C’est bien dommage pour les collectivités, mais aussi pour les entreprises qui travaillent pour nous, dans le bâtiment, les travaux publics. Ça va faire très mal. » Au contraire, à Bagnols Jean-Yves Chapelet compte tout faire pour sauver son autofinancement de 3 millions d’euros, qui permet à la ville d’investir. « On ne va pas arrêter les investissements, sinon on tue l’économie », ajoute-t-il.
Mais les investissements vont changer : « Nous allons réorienter le programme pluriannuel d’investissements pour faire des investissements intelligents, sur les systèmes de chauffage, l’accélération du renouvellement de la flotte de véhicules, et nous allons aller chercher tous les effets d’aubaine, avance le maire de Bagnols. Nous allons donc accélérer certains investissements et en retarder d’autres, comme la voirie, pour économiser le plus vite possible. » Jean-Yves Chapelet espère que l’État viendra aider les communes à passer le cap.
Hubert Maillot, quant à lui, ne voit qu’une solution : « une réforme européenne. L’électricité est alignée sur le prix du gaz, tant qu’on n’aura pas déconnecté les deux, et ramené le prix de l’électricité à la réalité de celui de sa production, ça continuera. La seule chance serait que cette réforme passe d’ici décembre, mais ce n’est pas gagné. »
Thierry Allard (avec Marie Meunier)
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Les hôpitaux aussi : au centre hospitalier d’Uzès, le directeur Jean-Luc Montagne estimait cette semaine devant le député Philippe Berta l’augmentation de la facture d’électricité de son établissement à 100 %. « On a prévu de travailler avec la NFH, notre partenaire finançant les formations, de travailler sur le développement durable pour sensibiliser le personnel sur les économies d'énergie, d'eau et sur la sobriété énergétique », affirme-t-il.