FAIT DU JOUR Les tarifs de fret maritime explosent, les importateurs gardois trinquent
Depuis le début de la crise sanitaire, les tarifs de fret maritime ont été multipliés entre dix et vingt. Une situation qui complique sérieusement les affaires de plusieurs entreprises gardoises dont le business est basé sur la distribution de produits fabriqués en Asie, et plus particulièrement en Chine. Analyse des causes et des conséquences de cette crise des importations.
Tous en font le constat : le coût du transport maritime a explosé. Patron de l'entreprise vauverdoise Bleu Cerise, spécialisée dans la revente de valises et autres produits de maroquinerie, Guillaume Journel a vu la situation se dégrader petit à petit ces derniers mois. "Avant la crise sanitaire, un conteneur coûtait 1 500 $, rembobine-t-il. Courant 2020, les sociétés de transport maritime ont dû faire face à des faillites de fournisseurs chinois, tandis que des problèmes de congestion intérieure aux États-Unis ont accentué la pénurie de conteneurs."
De quoi engendrer une première augmentation du prix des importations pour Bleu Cerise, avec des conteneurs à 7 000 $ l'été dernier. Mais la situation a empiré en mars 2021 avec un incident provoqué par un navire géant bloquant le canal de Suez. "Aujourd'hui, pour nous, le prix du conteneur se situe autour de 13 000 $, indique Guillaume Journel. Mais les sociétés de transport maritime servent en priorité les plus offrants. Si on veut absolument être livré, il faut débourser 15 000 $."
La délocalisation comme solution
Spécialisée dans le commerce de faïences, de poteries et de verreries, la société Bastide dispose d'une boutique historique en plein cœur d'Alès et mise beaucoup sur les importations, notamment depuis la Chine. "L'augmentation des tarifs de fret a été progressive mais continue, pointe le responsable du magasin. La dynamique s'est encore accélérée au premier trimestre 2021 avec des prix parfois multipliés par 20. Tous les produits hors Union européenne sont concernés."
"Certaines de nos marques ont pris à leur charge l’impact de l’inflation et n’ont pas fait d’augmentations franches, poursuit-il. Mais plusieurs d'entre elles nous imposent des augmentations de 10 à 20% des tarifs. Les marchandises volumineuses sont encore plus impactées. C’est inévitable, dans un conteneur on mettra toujours moins de fauteuils que d’assiettes. Aujourd’hui, cela devient très compliqué d’avoir des grosses pièces."
Du volume, c'est justement ce qu'importe Bleu Cerise pour qui l'approvisionnement est devenu un enjeu logistique majeur. Mais cet handicap est aussi un atout pour ce distributeur de valises. "L'avantage pour nous, avance Guillaume Journel, c'est que les Chinois ne peuvent pas faire de vente directe de valises sur leurs plateformes Internet. Cela reviendrait trop cher pour eux d'expédier directement les marchandises aux consommateurs. Ils ont besoin de nous."
Et si l'entreprise vauverdoise dispose d'un partenariat historique avec l'Empire du Milieu, elle est aujourd'hui à la recherche de nouveaux points de production. "Nous allons essayer de nous délester d'une partie de nos importations chinoises, sans doute 20%, projette le PDG de Bleu Cerise. Nous disposons d'une option en Turquie. Les coûts de production sont supérieurs de 20% mais ils seront compensés par le prix du transport, avec des conteneurs à environ 2 000 €. Nous cherchons aussi des solutions similaires en Europe de l'Est."
Inflation à deux chiffres ou ruptures de stock
D'ici là, Bleu Cerise doit inévitablement répercuter ces surcoûts sur le prix de ses valises. "Avant, faire venir une pièce coûtait environ 1 €, aujourd'hui c'est 10 €, chiffre Guillaume Journel. Alors, les marchandises que nous vendions 30 € sont passées à 40 €." Face au même problème, d'autres se refusent pour l'heure à toucher à leurs tarifs. "Rien n'a bougé pour nos clients mais nos marges qui étaient importantes se sont considérablement réduites", fait savoir un importateur de paillotes en bambou depuis l'Indonésie basé à Saint-Christol-lez-Alès.
Jusqu'à quand ? D'après les prévisions, la situation n'est pas prête de s'améliorer. "On nous annonce une nouvelle flambée au 1er janvier 2022, souffle le gérant du magasin alésien Bastide. Les représentants des marques nous conseillent tous de commander massivement maintenant pour stocker." Pour Guillaume Journel, les choses sont claires : "Pour tout ce qui vient de Chine, la France devra faire face à une inflation à deux chiffres ou à des ruptures d'approvisionnement dans les prochains mois." Pour les importateurs gardois, les jours meilleurs ne sont pas pour tout de suite.
Boris Boutet (avec Corentin Migoule)