FAIT DU JOUR Leur adolescent autiste isolé : le cri d’alerte des parents
Odile Contassot et Marc Ruggirello sont installés depuis quinze ans à Nîmes. Ils sont les parents de Vincenzo, un adolescent de 16 ans atteint de troubles de l’autisme. Après une scolarité perturbée, leur fils est désormais isolé. Démunis, ils ont décidé de créer l’association Aspie Family pour alerter les pouvoirs publics et voir les prises en charge s’améliorer.
Dès la maternelle, des premiers signes sont apparus, mais malgré des visites chez un pédopsychiatre, Vincenzo a poursuivi une scolarité « classique » jusqu’en CE2. « À ce moment-là, l’école s’est déclarée incompétente. On ne pouvait plus s’occuper de lui. Il était moqué par ses camarades et les professeurs, il a été maltraité et en a énormément souffert », assure sa maman Odile Contassot. Pendant cinq ans, Vincenzo est pris en charge à l’ITEP Saint-Pierre Le Genevrier à Courbessac, un institut spécialisé pour les enfants exprimant des troubles du comportement. C’est seulement à 14 ans, après de nouveaux tests effectués, que Vincenzo est déclaré atteint de trouble du spectre de l’autisme (TSA).
Par la suite sa scolarité est fortement perturbée, ses parents ne parvenant pas à lui trouver un établissement où il puisse rester à temps plein. Ils entament des démarches pour que leur fils intègre l’Itep Villa Blanche Peyron à Nîmes. « D’abord on nous a dit : on vous le prend puis plus rien », s’interroge encore le papa, Marc Ruggirello. Vincenzo fera quelques heures au collège spécialisé Samuel Vincent, qui accueille les élèves dont la scolarité est perturbée par des problèmes de santé ou une situation de handicap. « Faute de professionnels, il n’a pas pu continuer là-bas », explique le papa, « on s’est retrouvé comme des couillons, on a tapé à la porte de tous les collèges. » En vain.
Alors l’adolescent est depuis plus d’un an reclus chez lui, seule une arthérapeute, financée par ses parents, vient pendant quelques heures le distraire. « Il faut que je me fâche pour qu’il sorte trois minutes respirer dehors », confie Odile. En France, l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. La famille a reçu la visite des services sociaux pour faire en sorte que le jeune homme passe son brevet, mais les conditions n’étaient pas réunies pour se présenter à l’examen ou le faire à domicile. Démunis, les parents n’ont pas souhaité pour autant baisser les bras et ont décidé de créer l’association Aspie Family, le 6 juin dernier.
« On dirait qu’ici, ça n’intéresse pas »
« On se retrouve esseulé, c’est la galère. Alors on veut rassembler les familles concernées par un enfant autiste pour fonder un groupe de parole afin d’aider les enfants », résume Marc. S’unir dans la difficulté pour mener des actions ensemble avec un seul but : améliorer le quotidien des enfants. « On a un manque de structures associatives dans le Gard. On dirait qu’ici ça n’intéresse pas. Dans d’autres départements, il y a des maisons spécialisées », pointe Odile. Afin d’avancer concrètement, un premier événement aura lieu le 1er décembre au restaurant le W à Nîmes. C’est l’artiste Chris Nuez, l’arthérapeute de Vincenzo, qui s’engage et organise un vernissage appelant à toutes les âmes charitables de faire don d’une création artistique (tableaux, sculptures, bijoux…). Ces objets seront vendus et la somme récoltée sera remise à l’association. Les dons spontanés sont aussi les bienvenus.
De quoi déjà retrouver un peu d’espoir pour Odile et Marc et surtout se sentir soutenu. Car cette situation a complètement modifié leur vie et leurs relations sociales. « Quand tu as un enfant autiste, tu ne peux plus travailler », précise Odile qui élève à domicile différentes races de chiens. C’est aussi complexe pour se rendre dîner chez des amis. Des événements pour faire parler de l’association et inciter les parents qui vivent la même situation à les rejoindre.
« Certains parents ont honte et certaines familles éclatent à cause de ça car on est trop isolé », regrette Odile qui a elle-même été diagnostiquée autiste il y a quelques années. Avec Aspie Family, ils veulent pouvoir à terme, en sollicitant également les collectivités pour obtenir des financements, permettre aux enfants de bénéficier de certaines activités spécifiques dont le coût est parfois élevé. « On ne peut pas s’en sortir tout seul, on a besoin de professionnels pour nous aider », prévient Marc, vice-président, qui cherche un local et milite aussi pour être référencée en tant qu’association nîmoise.
« Il est tout à fait capable d’être intégré à la société »
« On a besoin de bienveillance et d’une envie volontariste pour aider ces enfants intéressants mais qui ont une pensée différente en termes d’interactions sociales. Je suis archi diplômé mais je ne sais pas comment dire bonjour. C’est l’autre qui créé le problème car on a peur de la différence », explique Odile qui veut enlever certains tabous autour des enfants atteints d’autisme. Des parents qui mettent en avant les capacités intellectuelles de leur fils capable par exemple d’apprendre seul l’Anglais dans sa chambre ou de faire certaines activités deux fois plus vite que la moyenne. Un adolescent qui s’exprime mais qui peut rapidement tomber dans l’anxiété qui se traduit par des crises d’angoisse.
« Une fois le chauffeur du bus lui a simplement dit qu’il fallait lever la main pour que le bus s’arrête. Cela l’a perturbé et il n’a plus jamais voulu y remonter », raconte son papa pour illustrer ce que représente au quotidien ce handicap. Car maintenant, ce qu’il souhaite, c’est que son fils puisse trouver un métier et s’épanouir. De grandes entreprises embauchent des personnes avec ce profil notamment dans la cyber sécurité pour la faculté à pouvoir regarder pendant plusieurs heures les écrans.
« Il faut que ça change ! Il n’y a aucune raison pour qu’un autiste reste chez lui. Il est tout à fait capable d’être intégré à la société », martèle Odile qui ne veut pas voir son fils finir en hôpital psychiatrique. Pour cette famille, il faut que les pouvoirs publics mettent davantage de moyens : « Il n’y a pas besoin de grand-chose mais seulement des gens qui soient formés à l’autisme et mettre un AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap) par enfant dès la maternelle pour les intégrer avec les autres enfants », concluent Odile et Marc qui espèrent voir les choses évoluer à travers cette association.
Corentin Corger