Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 30.12.2020 - stephanie-marin - 5 min  - vu 3019 fois

FAIT DU JOUR Pierre-Emmanuel Portheret, sous-directeur des moyens nationaux à la Sécurité civile : "Faire de la base un centre d’excellence européen..."

Photo : Ministère de l'Intérieur - 2018MINT0436

La Sécurité civile recouvre un large éventail de missions, de la prévention des risques de toutes natures (industriels, environnementaux, climatiques…), à l’information et l’alerte de la population ainsi que la protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres, les catastrophes. Un certain nombre de moyens relevant de l’État - qui assure la coordination -, des collectivités territoriales et d’autres personnes du public, du privé ou du monde monde associatif. Pierre-Emmanuel Portheret, sous-directeur des moyens nationaux à la Sécurité civile, nous en dit plus.

Photo : Ministère de l'Intérieur • MAV

Objectif Gard : Pierre-Emmanuel Portheret, vous êtes le sous-directeur des moyens nationaux à la Sécurité civile. Précisez-nous votre rôle ?

Pierre-Emmanuel Portheret : J’ai sous ma responsabilité tous les moyens de compétence nationale ou internationale susceptibles d’intervenir en cas de sinistres, de catastrophes. Cela comprend les moyens aériens, c’est-à-dire la flotte des avions et celles de hélicoptères. Ainsi que les moyens terrestres, ce qu’on appelle les formations militaires de la Sécurité civile. 1 401 militaires de l’Armée de Terre sont mis à disposition du ministère de l’Intérieur pour intervenir sur des situations de catastrophes. Enfin, il y a un troisième type de moyens : les démineurs. J’ai sous ma responsabilité 340 démineurs qui interviennent pour deux types d’opérations. D’abord les recherches et enlèvement de munitions historiques - entre 400 et 500 tonnes de munitions historiques sont retrouvées par an - et les objets suspects.

Revenons, sur les moyens aériens, sujet qui nous intéresse particulièrement dans le Gard...

On compte 34 hélicoptères aujourd’hui sur le territoire national répartis sur 23 bases et sept bases temporaires que nous ouvrons l’été en fonction des afflux de population. Nîmes-Garons est la maison-mère. C’est là où se situent les ateliers de maintenance, l’administration du groupement d’hélicoptères. Le second volet concerne les avions. Aujourd’hui, il y a 12 Canadair stationnés à Nîmes, puisque la base avions qui était à Marignane jusqu’en 2017, y a été implantée pour en faire un vrai pôle des moyens aériens de la Sécurité civile qui rayonne sur tout le territoire national. On compte également quatre Dash - quatre autres seront livrés d’ici 2023 - trois Beechcraft, des petits avions de reconnaissance à double hélice. Soit en tout, 19 machines stationnées à Nîmes qui peuvent intervenir sur tout le territoire national et en Europe.

Infographie : Adrien Fenniche

En 2020, la direction générale de la sécurité civile a pris la décision d’arrêter d'utiliser les Tracker pour les remplacer par des Dash. Expliquez-nous pourquoi ?

Le développement de la flotte de Dash a en réalité été anticipée, la fin des Tracker était prévue en 2022. Le tragique accident de Générac (qui a coûté la vie au pilote de Franck Chesneau, Ndlr) d’une part et puis d’autres petits soucis sur d’autres machines ont conduit la direction générale à stopper les vols de Tracker en février 2020. Et donc à accélérer leur remplacement par des Dash (un investissement financé par l’État. Un Dash coûte 60 millions d’euros, Ndlr).

Que vont devenir ces Tracker ?

Un certain nombre d’institutions souhaitent qu’on les leur remette. La décision n’a pas encore été prise mais le musée de l'Air et de l'espace du Bourget voudrait bien en avoir un, de même que des associations d’amateurs d’avions qui veulent les restaurer, des services départementaux d'incendie et de secours, etc. En réalité, on a plus de demandes que d’appareils disponibles. Ce sera arbitré bientôt. Il faut aussi prendre en compte le coût de leur transport par voie terrestre puisqu’ils ne volent plus.

Photo : K. Tokunaga • Katsuhiko TOKUNAGA/DACT, INC.

De quelle manière la sécurité civile s’adapte-t-elle au changement climatique ?

Nous remarquons que la saison feux de forêts se décale dans le temps. Il y a quelques années, elle se situait entre fin juin et fin août. Là, la saison démarre mi-juillet et perdure jusqu’au mois de septembre. On s’aperçoit aussi qu’il y a maintenant des feux toute l’année et qu’ils se déplacent vers le Nord et l’Ouest. Alors évidemment, le pourtour méditerranéen reste le plus concerné. Mais avec le réchauffement climatique, les demandes d’intervention sont de plus en plus nombreuses au nord de la Loire. Cela nécessite aussi une adaptation des moyens de la Sécurité civile parce que c’est facile d’envoyer un Dash par exemple, mais encore faut-il qu’il soit en capacité de se poser, d’être ravitaillé en produit retardant ou en eau.

S’ajoutent les actes de malveillance…

Chaque personne est responsable de Sécurité civile en réalité. Chaque personne est responsable de ce qu’elle fait. Il y a évidemment ces actes de malveillance qui peuvent se produire partout. Et comme maintenant tout est sec sur de plus en plus d’espaces, le risque est élargi.

"La maison mère reste à Nîmes..."

Vous parliez d’une adaptation des moyens de la Sécurité civile. Est-ce que cela veut dire que les bases secondaires vont se multiplier sur le territoire à l’avenir ?

On mène effectivement une réflexion sur une implantation la plus efficiente possible des bases hélicoptères qui interviennent sur des secours primaires. Par contre, il n’y a pas de réflexion sur des implantations nouvelles de bases avions, en plus de celle de Nîmes. Il peut y avoir des détachements estivaux, c’est pour cela que l’on doit équiper les zones de défense de pélicandromes (base de ravitaillement en produit retardant ou en eau des avions bombardiers d’eau pour la lutte contre les feux de forêts, Ndlr) pour que tout avion puisse se déplacer partout sur le territoire. Mais la maison mère reste à Nîmes.

Quels sont les atouts de cette implantation de la maison mère à Nîmes ?

D’abord, il y a un effet de masse, c’est-à-dire qu’il y a clairement un investissement de la direction générale de la Sécurité civile vers le Gard, vers la base de Nîmes-Garons. Le fait de rassembler sur un même endroit les hélicoptères et les avions, c’est un signe de rationalisation et d’attachement de la Sécurité civile au département du Gard. Et puis à Nîmes, il y a peu d’aviation civile donc nos Canadair, nos Dash peuvent décoller quand ils le souhaitent et gagner ainsi du temps dans la lutte contre les feux de forêts.

Par ailleurs, à Nîmes, l’ambition est de faire de la base un centre d’excellence européen qui accueillera des spécialistes de la Sécurité civile de tous les pays de l’Union européenne. On a les outils et tout un environnement à Nîmes et autour, pour permettre le développement de ce centre d’excellence européen. Nous avons un simulateur d'entraînement à la coordination des opérations aériennes de secours. Un outil unique en Europe qui accueille des stagiaires de tous les pays.

L’ambition, portée par le président de la République, est de faire de Nîmes le fer de lance de la flotte européenne de la Sécurité civile. L’enjeu est là : faire de la base de Nîmes l’endroit de formation et d’échanges de retour d’expériences de bonnes pratiques des spécialistes de la Sécurité civile à l’échelon européen.

Propos recueillis par Stéphanie Marin

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Stéphanie Marin

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