FAIT DU JOUR Sacré chantier à l’église de Bagnols
Depuis la fin de l’été, l’église Saint-Jean-Baptiste de Bagnols connaît des travaux probablement parmi les plus importants de sa (très) longue histoire.
1,5 million d’euros de travaux
C’est bien simple, « à part les façades, il n’y a pas un endroit qui ne va pas être traité. On va jusqu’aux poignées de portes », résume l’architecte, Damien Mercier, qui travaille sur le dossier de l’église de Bagnols avec son collègue Bruno Jouve depuis déjà quatre ans. De fait, entrer dans l’église en ce moment, c’est voir un paysage un peu lunaire, presque post-apocalyptique : des échafaudages partout (et encore, celui servant à la restauration du plafond voûté a été ôté, cette partie des travaux étant achevée), un sol défoncé, un espace vide, seulement jonché de tas d’équipements électriques usagés et constellé de traces des pas non pas des pèlerins, mais des ouvriers qui s’affairent à redonner son lustre à l’édifice.
Un édifice qu’on a un peu de mal à dater, tant son histoire est riche. « L’église existe depuis le VIe siècle, et même peut-être avant car l’emplacement des fonds baptismaux était un temple romain dédié à la déesse Isis, explique le père François Abinader, curé de Bagnols. La région a été christianisée au IIIe siècle et le temple romain s’est transformé en petit oratoire. » Une église romane y sera bâtie au XIe siècle, puis d’importants travaux au XIIIe siècle transformeront l’édifice selon le style gothique languedocien. Un style reconnaissable notamment au fait que l’église « a une nef sans pilier et des chapelles latérales », note le père Abinader.
Une église qui n’avait pas échappé aux outrages du temps et qui avait bien besoin d’un coup de frais. Les études débutent au printemps 2014 avec un but : faire classer ce monument qui, aussi étonnant que ça puisse paraître, ne l’était pas. Les architectes Damien Mercier et Bruno Jouve établissent le diagnostic, qui permet au bâtiment d’être inscrit aux Monuments historiques. Une coquetterie ? Pas vraiment : cette inscription est également synonyme de financements. Notamment en cas de travaux. Et quand on en envisage d'aussi colossaux que ceux concernant l’église Saint-Jean-Baptiste, mieux vaut ne pas se fermer de portes. D’ailleurs, sur les quelque 1,57 million d’euros que vont coûter les travaux, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) a mis 20 % et la région 15 %. Le reste étant financé par la mairie et la paroisse, qui investit la plus grosse part avec 560 000 euros.
« Un chantier exceptionnel »
Une somme suffisante pour refaire l’église du sol au plafond. Et ce n’est pas un exercice de style. La liste des travaux dressée par l’adjointe Monique Graziano-Bayle est longue : « décroûtage complet de toutes les parois et du plafond, enduits, dallage, remplacement de l’installation électrique, pose d’un système de chauffage à air pulsé, changement de toutes les menuiseries, mise en place d’un plancher en verre sur les fonds baptismaux, nettoyage des vitraux du chœur, remplacement de ceux de la partie de droite, construction d’une avancée pour l’orgue. » L’orgue, dont les1 571 tuyaux ont été démontés, est lui aussi en cours de restauration et sera donc mis en valeur lors de son retour dans l’église. Le chœur va quant à lui être agrandi et élargi jusqu’à la première chapelle, avec un nouvel autel ou encore la création d’un nouvel habillage en fond de chœur.
Par ailleurs, l’éclairage va être lui aussi entièrement refait pour mettre en valeur le monument et la sono va également être remplacée. Bref, « c’est un chantier exceptionnel, c’est presque du jamais vu de s’attaquer à tout de cette manière », souligne l’architecte. De fait, « ça a été très compliqué, mais on y arrive », a souligné le président de l’Agglo du Gard rhodanien et ancien maire de Bagnols, Jean-Christian Rey, devant les élus du conseil municipal à l’occasion d’une visite de chantier jeudi. L’élu préfère voir dans l’église un édifice « qui fait partie de notre patrimoine, important pour les paroissiens, les Bagnolais et les touristes » et pas seulement un lieu religieux. Un patrimoine qui justifie bien « un effort de la collectivité », dixit le maire, Jean-Yves Chapelet.
Le chantier est donc bien lancé, reste à bien le finir et à rendre les lieux en temps et en heure, pour le 31 décembre 2018. « Nous en sommes à 50 % du chantier, note Roland Picca, directeur de l’entreprise Sele, chargée du gros-oeuvre. Le délais est tenable si on ne fait pas de nouvelle découverte fortuite. » Jusqu’à maintenant, le chantier a mis au jour deux niches dans deux piliers de l’église - dont une avec un motif coquille « qui rappelle le passage de pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle », précise le père Abinader - et un petit tombeau comptant quelques ossements. Des archéologues sont attendus le 14 mai sur les lieux pour une inspection et un recensement des premières découvertes qui, si elles ne devraient a priori pas retarder significativement l’avancée des travaux, témoignent de l’histoire exceptionnelle de l’édifice.
Thierry ALLARD