Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 13.08.2021 - anthony-maurin - 6 min  - vu 542 fois

FAIT DU JOUR Tristan Mélia: soliste de l'âme et virtuose de la sincérité musicale

Tristan chez lui, au pied des arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Tristan Mélia (Photo Anthony Maurin).

Tristan Mélia sera en concert le 30 septembre prochain aux Jardins de la Fontaine dans le cadre du festival de jazz de Nîmes métropole. Son album Mistake romance est sorti en mars dernier et est disponible à la Fnac ou sur toutes les plateformes musicales.

Son papa, Guy, est certainement le mieux placé pour parler de lui. Lui ? Lui. Un virtuose français. Un pianiste nîmois au début d'un long chemin qui devrait le mener au sommet de son art. Car c'est d'art dont nous causons. Tristan Mélia, triste et mélancolique ? Non. "Je le suis depuis qu'il a sept ans, je l'avais inscrit au Conservatoire de Nîmes pour un cours de violoncelle mais c'était trop tôt. À l'âge de neuf ans, il est allé à l'école de musique de Marguerittes." Et c'est là que les premiers signaux se sont mis à scintiller. "Sa prof avait un livre qui devait faire l'année mais entre septembre et décembre, il l'avait fini, il allait très vite !"

Pour Tristan le souvenir est clair. Si pour les musiciens en herbe commencer à l'âge de trois ans peut être utile, pour d'autres, le souvenir de ses débuts est une image délicieuse. "Je me souviens parfaitement de mes débuts, j'aimais bien la musique, ça me correspondait, c'était un jeu jusqu'à mes 12 ans, moment où j'ai commencé à prendre des cours de jazz." Évidemment, le jeune homme de 25 ans écoutait cette musique depuis son plus jeune âge car son père est lui aussi musicien à ses heures. Sa mère, elle, a eu un tout autre rôle. "Quand elle était enceinte, elle écoutait du jazz, Barney Wilen. Il a toujours écouté du jazz, depuis l'oeuf !" précise Guy qui avait déjà croisé la route de Barney Wilen dans des circonstances moins heureuses.

Guy et Tristan (Photo Anthony Maurin).

À 12 ans, donc, Tristan rencontre Laurent Hernandez, un Nîmois qui donne des cours en version piano-bar. Un an plus tard et pendant quatre ans, il fait des allers-retours à l'Institut Musical de Formation Professionnelle de Salon-de-Provence. Sur dérogation s'il vous plaît car pour y entrer, normalement, il faut avoir 16 ans ! Précoce le jeune... "J'ai toujours eu des dérogations, j'étais souvent avec des adultes, j'ai pris pas mal de coups de pied aux fesses !" Puis, voulant valider tout cela, il est admis au Conservatoire de Lyon mais préfère l'ambiance de celui de Manosque, plus familiale. La famille : vous l'avez compris, Tristan n'aime pas se séparer des siens mais nous y reviendrons. Même son label s'appelle Jazz Family ! En tout cas, c'est à Manosque qu'il rencontre Benoît Paillard et qu'il est, à 20 ans, diplômé.

À Pompignan, le top du top

À 18 ans, le jeune cherche un maître pour approfondir et perfectionner le pianiste qu'il veut devenir. Il lance un appel à celui qui refuse tout "élève", Giovanni Mirabassi, une référence qui accepte de relever le défi. C'est ainsi qu'un lien maître-élève émerge, puis prend naturellement fin. "Il m'a montré le chemin de ce qu'est un concertiste. J'ai ouvert ma main gauche à de nouvelles perspectives. C'était un mélange de personnalités, ça m'a fait du bien puis je sentais que je tombais dans du mimétisme et ce fut douloureux. Souvent, je me remémore des choses qu'il me disait et que je ne comprenais pas !"

Tristan est un poète, il aime le théâtre, l'art et à ce titre il a voulu, au piano, laisser une trace de son art. Risqué. Mais en lisant le livret qui est dans l'album, vous comprendrez. "Avec ce disque, j'ai choisi la démarche de laisser les morceaux pour lesquels je m'étais bien senti en jouant plutôt que de prendre ceux que j'ai bien aimé écouter. Ça ne se fait pas mais j'ai voulu ça. Ça, c'est vraiment moi."

L'album de Tristan (Photo Anthony Maurin).

Un moi qui a passé trois jours à enregistrer une centaine de morceaux en laissant tourner la bande. En gros, il y en a pour faire trois albums mais la douleur du choix fait partie de la peine d'un artiste. Par contre, Tristan a réalisé la moitié du disque d'un seul trait, directement. Si tout cela a été rendu possible, c'est sans aucun doute grâce à sa collaboration avec le studio Recall de Philippe Gaillot à Pompignan. Ne vous y trompez pas, c'est le top du top quand on parle de jazz ! Là-bas, comme vous l'imaginez, Tristan a pu retrouver un cadre familial, décontracté. "Philippe est aussi capable de me dire que je me trompe, il associe son nom au disque alors il s'investit et j'aime ça. Je suis seul à jouer mais en fait, nous sommes toute une équipe."

Vivre sa musique

Guy apprécie aussi les lieux. "Le pianiste est souvent seul, au studio Recall, je sais qu'il est heureux, bien, à son aise. Tristan a besoin de repères, de se mettre dans une bulle." La création de l'album s'est faite dans la douleur, encore, un trait récurrent et fortifiant du jeune homme. "J'étais là, je l'ai épaulé car c'est un garçon sensible, fragile", rejoue son papa. Tristan acquiesce et abonde : "Cet album est né d'une nécessité. J'avais des morceaux et il me fallait passer à autre chose. Le solo, c'est dur, ça fait peur. Il fallait que je me lance dans ce qui existe de plus dur pour progresser, un peu comme un boxeur qui en challenge un meilleur."

Six mois après l'enregistrement, l'album est prêt. Mais cela ne suffit pas, ce qu'aime Tristan, c'est le live ! Mais la saison "covidée" ne s'y prête guère. "Le public donne du sens à un album. J'ai besoin de jouer pour quelqu'un. On est là pour faire briller la musique pour les gens. La musique est un langage, elle procure des émotions et on essaie, avec elle, de toucher les coeurs. On joue aussi pour ne pas mourir, pour apprendre à arrêter les gens qui passent. J'ai beaucoup de respect pour le public, je fais tout pour lui, c'est un acte d'amour. On ne joue pas de la musique, on la vit, il faut être authentique." Une sorte de charisme se dégage de la fine silhouette quand elle s'agite derrière son instrument.

"Je ne souffrirai plus comme j'ai souffert pour sortir ce premier disque !" se persuade Tristan quand son père lève les yeux au ciel. "Vraiment, je veux être plus relâché, avoir une maîtrise sans effort, lâcher prise. Je comprends comment mieux gérer mon énergie et ça change tout. Il faut être un peu étranger au moment que l'on vit. J'ai besoin de réserver ce que j'ai de meilleur." Quoi qu'il en soit, les critiques spécialisées adorent. Télérama a donné à son album ses fameuses quatre clés et Jazz magazine ses magnifiques quatre étoiles. "C'est le graal tout ça !" lance Tristan, fier mais humble dans sa première victoire. Pour Guy, "C'est extraordinaire, c'est une reconnaissance formidable car Tristan est très isolé. Il doutait et ça lui a ôté ses doutes."

Trouver sa place

Côté doutes, bizarrement, Tristan n'avait pas besoin de forcer le trait au vu du tempérament du virtuose qui a tout de même dépassé les deux millions d'écoutes en streaming avec son premier vrai disque (en trio No Problem). "Je suis content, quelque chose se passe, ça me rassure et ça m'inquiète en même temps. Il va me falloir restituer ça et les occasions sont rares de le faire même si les choses se mettent en place." L'envie de jouer est telle qu'elle devient grisante et le garçon qui a grandi rue Frédéric-Chopin, comme par hasard, aimerait jouer toujours un peu plus. Hélas, "C'est un handicapé pour se vendre !" désespère Guy. Sa virtuosité parle d'elle-même et les connaisseurs prendront vite en main la carrière de Tristan Mélia qui sera en concert chez lui, dans le cadre bucolique des Jardins de la Fontaine, le 30 septembre prochain.

Un album a acheter à la Fnac, un artiste à voir en concert le 30 septembre aux Jardins de la Fontaine à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Pour conclure, double carte blanche. À Guy, d'abord, puis à Tristan. "On a des regrets. On a rencontré Éric Barret, Tristan était jeune, il voulait aller à Paris pour créer son réseau mais Éric Barret lui a déconseillé et lui avait dit qu'il pouvait faire sans. On a un projet car c'est toujours en suspens. Nous aimerions partir sur Paris pour créer ce réseau. J'aimerais aussi que Tristan prenne un peu plus d'autonomie, qu'il grandisse, qu'il rencontre sa femme, qu'il fasse des enfants... C'est l'un des meilleurs pianistes de l'hexagone, il faut que ça marche, j'ai peur qu'il perde patience mais je garde confiance car son potentiel est extraordinaire !"

Pour Tristan, "J'aime la musique, j'aime l'art, j'aime le public. Je ne suis pas fan des moments d'applaudissements, je peux m'en passer même si évidemment ça m'aide et que ça me fait toujours très plaisir. J'aime le moment de vérité qui existe quand on est sur scène. Il n'y a plus rien d'autre que toi et ton piano. Tu ne peux pas te cacher derrière un arrangement ou quelqu'un qui passe. Tu arrives et tu dis aux gens : 'prenez ça, j'espère que ça vous plaira, c'est moi, mon amour'."

En 2022, un projet d'album avec des grands noms du jazz est lancé. Autre envie, un album en duo avec la chanteuse marseillaise Camille Mardineau.

Anthony Maurin

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